vendredi 8 février 2013

91 Proposition de technique de construction d'une goguette


Dans la goguette existent six fonctions, d'importance décroissante. Pour se les remémorer facilement, on peut les mettre en équivalence avec les valeurs des cartes à jouer :

As : direction
Roi : costumier et maquillages
Dame : chansonnier (celui qui récolte les textes des chansons)
Valet : percussions et bigophones
Dix : boissons
Neuf : propagande

Chaque fonction est redoublée. De plus, aux deux de la direction est joint un troisième membre pour former le triumvirat de direction.

Pour commencer une goguette, celui ou celle qui en prend l'initiative, lui donne un nom et assume le lancement de celle-ci.

Il met en chantier la goguette et recrute un roi et une dame.

Ensuite sont recrutés le valet, le dix et le neuf.

Le dix a aussi pour tache d'apporter à boire ou s'assurer qu'il est apporté à boire au groupe durant les défilés festifs dans la rue.

Une fois les 6 premiers membres recrutés, sont recrutés les 6 qui redoublent leurs fonctions.

Soit les deuxièmes as, roi, dame, valet, dix et neuf.

L'étape suivante est que chaque goguettier soit pourvu d'un bigophone, une tenue de carnaval et un carnet de chansons.

L'enseigne drapeau est fabriquée.

L'emblème, la couleur, la fleur, la devise et l'hymne de la goguette sont adoptés.

Les percussions mises en place.

Le cri salut de la goguette est adopté.

Les premières réunions chansons ont lieu.

La goguette est née et sa naissance est annoncée par les 2 neufs.

Cette technique de construction est inspirée de sources historiques diverses : parisiennes, dunkerquoises et italiennes.

Elle peut être modifiée, sans toutefois dépasser le nombre de 19 membres.

Basile, philosophe naïf, Paris le 4 avril 2012

90 Le problème câlinique

A lire ce que j'écris sur le manque de câlins et bisous, j'imagine deux réactions possible du lecteur à mon égard : « celui qui exprime de telles idées est un doux poète débile qui rêve que tout le monde se fasse des caresses. Et de toutes façons on n'en a pas envie. » Ou alors : « celui qui exprime de telles idées est un obsédé sexuel qui rêve de transformer le monde en une immense partouze permanente. »

En fait, ce n'est ni l'un, ni l'autre. Mais quand on soulève un très ancien et grave problème que l'on s'obstine depuis très longtemps à éviter de poser, il est normal d'être mal compris.

La fringale générale de câlins est terrible. Elle suscite quantité de troubles en apparence sans rapports entre eux.

Au tout début des années 1980, une amie, mère d'un petit garçon, me disait avec tristesse : « Ça y est, mon fils a grandi. Il ne veut plus de câlins. » Or, j'observais l'attitude de celui-ci à mon égard. Bien au contraire, il témoignait d'une faim évidente de câlins. Quand j'étais assis à côté de lui, en particulier, il posait sa tête sur mes genoux. Il avait quatre ans. Pourquoi sa mère me disait le contraire ? Simplement pour la raison suivante : divorcée et privée de toutes caresses elle avait sans le réaliser, tendu à chercher à compenser ce manque de caresses en se reportant sur son fils. Sans pour autant l'agresser, elle avait eut une attitude qu'instinctivement son fils avait ressenti comme déséquilibrée. Ce n'était pas lui faire des câlins simplement, qu'elle cherchait avec lui, mais également compenser son manque de caresses à elle en général. Ce déséquilibre conduisait son fils à repousser ses câlins. Elle en déduisait qu'il ne voulait plus de câlins en général. Mais elle se trompait. Avec moi, il n'éprouvait pas de problèmes pour en rechercher.

Par la suite, bien des années après, bien carencé en câlins, ce petit garçon, devenu un homme adulte, sera capturé par la première femme intéressée qu'il rencontrera et qui saura le manipuler pour profiter de lui. Elle n'aura aucun mal pour le transformer en petite marionnette, sachant utiliser à fond le manque de câlins et les habitudes domestiques de cet homme pour en faire sa chose à elle.

Au siècle dernier, le gendre de Karl Marx s'est suicidé avec son épouse. Le motif qu'ils ont donné par écrit pour leur geste était de vouloir éviter la déchéance de la vieillesse. Plus près de nous, Etiemble, grand orientaliste et sa femme, ont eu le même geste. Pour ma part, j'ai une autre explication à donner à ces suicides. Vivant ensemble depuis longtemps, s'accordant bien ensemble et mieux qu'avec tous tiers extérieurs, ces deux couples appréhendaient avec terreur non la déchéance de la vieillesse, mais la perspective que la mort de l'un laisse l'autre seul. Pour y échapper, ils ont choisi de mourir volontairement ensemble.

Ce qui ne signifie pas que le motif qu'ils ont invoqué pour se donner la mort, ils ne l'ont pas donné sincèrement. Mais le vrai motif au fond d'eux-mêmes était tout autre. C'est celui que j'indique ici.

Se replier sur son couple pour satisfaire son besoin de câlins conduit à des drames. Car, à moins de périr ensemble dans un accident, les couples se défont par la mort d'une de ses composantes avant l'autre. J'ai connu ainsi un homme qui a vécu presque soixante ans en couple très uni. A la mort de sa femme, il s'est écroulé moralement et ne s'est pas relevé.

La carence subite en câlins peut également intervenir dans des relations autres que matrimoniales. Je me souviens à ce propos d'un remarquable homme de théâtre italien mort très jeune suite à une méningite. Peu après, sa sœur s'est suicidée.

La carence en câlins est aussi la source de graves troubles sexuels. On se souvient de cet homme d'état français qui vit sa carrière politique ruinée suite à une relation sexuelle inappropriée selon lui, un viol selon elle. Pourquoi ce personnage remarquable a-t-il cédé à ses impulsions de la sorte ? Parce que sa fringale de câlins, il y répondait, mal, par des activités sexuelles frénétiques et devenues irrésistibles.

Le viol est une manifestation non pas des désirs sexuels, mais de la fringale câlinique à laquelle certains répondent en agressant sexuellement d'autres personnes, adultes ou enfants.

Pourquoi les victimes de viols ressentent-elles souvent paradoxalement de la culpabilité ? Parce que leur agression leur rappelle la carence câlinique dont elles souffrent aussi. La rencontre entre une agression violente et une faim violente de câlins est une source de souffrances que les victimes n'arrivent pas à analyser.

Quand la perspective de satisfaire sa fringale câlinique est subitement détruite par un « chagrin d'amour », le suicide paraît à beaucoup l'unique issue.

Alors que des caresses suffiraient, que de drames dans la société humaine ! Si la fringale câlinique disparaît demain, plus de viols, de suicides pour chagrins d'amour, de vies tristes et mélancoliques, d'alcoolisme, de toxicomanie et autres comportements compensatoires. Tels que la recherche frénétique du pouvoir, de l'argent, de la réussite, de la violence, de la souffrance, de la célébrité, de la domination des autres.

On le voit, poser la question des câlins est loin d'être l'expression de rêveries poétiques débiles ou d'obsessions partouzeuses. Elle est la question dont la réponse permettra de redonner à la vie des humains son sens réel : l'amour partagé avec son prochain.

La réponse à nos questions de vie est en nous. A nous de savoir y répondre, pour arriver à vivre et assurer la vie des autres. Il faut nous révolutionner en redevenant nous-mêmes. Si nous ne nous aimons pas nous-mêmes et n'aimons pas les autres, personne ne le fera à notre place. Aimer, telle est notre réalité. L'amour entre les humains est l'expression entre les humains de l'attraction entre toutes les choses, qui régit aussi bien le fonctionnement des atomes que le mouvement des galaxies. La caresse est une chose sensée, indispensable, honorable et sérieuse. Son refus est à la source de toutes les catastrophes. Son acceptation intelligente est la porte du bonheur.

Câlinons-nous les uns les autres !

Basile, philosophe naïf, Paris le 8 février 2013

jeudi 7 février 2013

89 L'origine de la câlinophobie


Il n'y a rien de plus agréable pour les humains que les bisous, les léchouilles, les mordillements, les câlins, les effleurements, les massages, les caresses. Pourtant, à y voir de près, la quasi totalité des gestes physiques d'affection sont prohibés par notre culture et souffrent d'un très pesant ostracisme qui forme une véritable câlinophobie.

Des catégories entières de la population sont ainsi largement ou totalement privés de câlins :

Pour les très jeunes gens, la prohibition des caresses existe bel et bien. En 1993, je me suis amusé à taquiner une amie parisienne dont le fils âgé de quinze ans recevait à la maison sa correspondante allemande d'âge égal. « Et s'ils veulent faire l'amour ensemble ? » lui ai-je demandé. « C'est un peu jeune », m'a-t-elle répondu. Donc, exit les caresses.

Les enfants, dès un certain âge n'ont plus droits aux caresses données par eux aux autres, à eux-mêmes ou reçues. Deux exemples vieux de plus de vingt ans que j'ai pu observer : un petit garçon de trois ans lèchent avec beaucoup de plaisir les mains des adultes qui l'approchent. On lui apprend à se débarrasser de cette encombrante et gênante habitude sans lui expliquer pourquoi. Sa sœur, âgée de six ans, au sortir du bain, d'un doigt adroit commence à se caresser le clitoris sans se sentir dérangée par la présence d'adultes auprès d'elle. Son père fait une expression fortement réprobatrice. Elle arrête aussitôt.

Les personnes âgées sont victimes de la câlinophobie. En mai 1968 sortait à Paris un journal satirique illustré : « L'Enragé ». Il proclamait dans son premier numéro : « Les jeunes font l'amour, les vieux font des gestes obscènes ». D'une manière générale, les personnes âgées, en particulier les dames, sont privées de caresses dans notre société. Celles-ci sont la plus grande partie du temps « réservées » aux jeunes.

Une autre catégorie est ostracisée : les personnes moches physiquement. Essayez, si vous êtes très laide de trouver quelqu'un qui veuille bien vous faire des câlins !

Il est très souvent extrêmement mal vu que des personnes gravement handicapées se fassent des câlins. Ou en échangent avec des personnes non handicapées.

Le statut des caresses entre personnes adultes de même sexe est particulier. Celles-ci bien souvent n'osent pas s'en faire en public. J'observais un couple d'hommes hier dans le métro. On les sentait gênés d'exprimer visiblement leur amour. Ils n'osaient même pas se tenir par la main.

Quand il s'agit de personnes appartenant à deux couples hétérosexuels différents, ou d'une personne approchant une autre vivant en couple avec une troisième, les câlins publics pourront être très mal vus, assimilés au libertinage, à la tromperie, l'infidélité.

La base fondamentale de la câlinophobie est que les câlins sont admis s'ils sont subordonnés impérativement à la reproduction d'enfants légitimes. En conséquence, les câlins sont proscrits entre les personnes incapables d'assurer ensemble une descendance reconnue comme légitime. S'ils sont de même sexe, trop jeunes, trop vieux ou pas habilités pour devenir parents. Moches ou handicapées et sensées de ce fait ne pas pouvoir concevoir de beaux enfants. Telle est la base des règles qui régissent la privation de câlins entre humains dans le monde où je vis. C'est-à-dire dans l'agglomération parisienne d'aujourd'hui. Les câlins sont pourtant une véritable nourriture affective et tactile indispensable à l'équilibre de chacun.

Basile, philosophe naïf, Paris le 7 février 2013

mardi 5 février 2013

88 A propos de l'amour


L'amour est plus vaste que le sexe qu'il inclut éventuellement. Certains veulent l'y résumer, ce qui est une erreur. Mais aujourd'hui l'amour de l'autre est concurrencé dans nombre de discours par l'amour de l'argent.

Il y a quelques jours, je voyais dans un débat télévisé un des participants déclarer avec une délectation visible à propos de la dette de la France : « La dette n'est ni de droite, ni de gauche. Elle est à payer. Donc l'austérité est inévitable. Quel que soit le gouvernement en place. »

A l'idée de voir ainsi rationner et appauvrir les pauvres, cet homme paraissait connaître une joie profonde. Il jouissait littéralement à l'idée de l'accroissement de la misère du plus grand nombre au bénéfice du puits sans fond de la dette artificielle de la France.

Pour lui, au dessus de tout, de toutes les valeurs, de toutes les idées, de toutes les mesures, de tous les sentiments ou idéaux, une seule et unique chose compte : l'argent.

En fait l'argent est le nouveau dieu. Tout doit s'y soumettre. Il est plus important que la vie-même.

En Grèce aujourd'hui, au nom du remboursement de la dette, au delà d'une année de chômage, on ne bénéficie plus de la sécurité sociale. Donc, il faut crever, si on a une maladie grave, pour engraisser les banques.

Tout ceci avec la bénédiction de l'ensemble des gouvernements européens, français compris.

La logique voudrait qu'à Bruxelles on élève un temple au Veau d'or.

De l'argent, il est courant d'entendre dire qu'avec lui on peut tout. Qu'on doit tout faire pour en obtenir. Ce culte absurde conduit les états d'Europe à s'appliquer à s'autodétruire.

Mais en réaction à ce suicide collectif, point déjà un nouvel espoir : l'argent, valeur sacralisé tend à ne plus l'être pour de plus en plus de gens. Ils flairent, à juste titre, que derrière cette crise artificielle se cache une monumentale escroquerie. Celle des états ne pouvant plus s'emprunter à leurs propres banques nationales. Qui elles, prêtent aux banques privées, où les états s'obligent à emprunter au prix fort.

Cette entourloupette a été établie en France par la loi 73-7 du 3 janvier 1973 dite : loi Pompidou-Rotschild.  Puis étendue par la suite au reste des membres de la Communauté européenne.

Et, comme par hasard, le dernier budget en équilibre de la France est celui de... 1973.

Durant presque quarante ans, on a soigneusement évité d'alerter les citoyens français à propos de cette escroquerie.

Il y a eu des gouvernements dits « de gauche » ou dits « de droite », qui se sont soigneusement abstenus de soulever la question. La dette artificielle a gonflé durant tout ce temps. Pour qu'aujourd'hui, au nom du dieu de l'argent on nous invite à sacrifier tous les droits des pauvres sur son autel. Ce dont on peut rêver, c'est que, très bientôt, comme en Islande, les sacrificateurs, partout en Europe, soient neutralisés, pourchassés et punis. Qu'on les force à travailler. Et que l'amour de l'argent laisse la place à l'amour du prochain sur lequel il a gravement empiété.

Basile, philosophe naïf, Paris le 5 février 2013

lundi 4 février 2013

87 Quelques aspects de la morale sexuelle réelle (suite)


Dans les années 1960, je me suis livré à une petite expérience dans le quatorzième arrondissement de Paris. J'étais alors un très jeune homme. Ça devait se passer vers 1964-1966, quand j'avais entre treize et quinze ans. Chaque fois que je croisais une jeune fille, je la regardais droit dans les yeux. Toutes aussitôt baissaient les yeux. Exceptée une que j'ai croisé entre les deux squares devant la mairie de l'arrondissement. Plus tard, dans le Paris des années 1980, je me suis intéressé aux divers artifices utilisés alors par les jeunes filles pour regarder les jeunes hommes.

Un classique était de les regarder dans le reflet intérieur des fenêtres des voitures du métro. Un autre, porter des lunettes de soleil. Un exercice amusant consistant à fixer les lunettes et voir la jeune fille baisser la tête ! Puis aussi, le regard balayant un segment du champ visuel où se trouve un jeune homme. Le regard du coin de l'œil ou le coup d'œil très bref : je suivais ainsi du regard une jeune fille arrivant de loin rue d'Alésia à Paris. Tout le long de son chemin elle fait mine de ne pas me voir, s'engouffre dans une bouche de métro, descend l'escalier et, à l'instant où elle va disparaître, relève la tête une minuscule fraction de seconde pour me regarder.

Le plus curieux était le regard direct de jeunes filles qui tenaient leur cher et tendre dans leurs bras et ne se privaient pas a son insu de me regarder, comme les autres hommes très certainement.

En 1973, pour la première fois j'ai eu l'occasion de me promener dans Paris au bras d'une petite amie. J'ai alors pu observer le phénomène inverse. J'ai été stupéfait par la quantité de jeunes filles au Quartier latin qui ne se cachaient plus pour me regarder. J'étais en quelque sorte « neutralisé ». Avec ma copine au bras, je ne risquais pas de les suivre ou aborder.

Tout ce jeu de regards cachés a disparu aujourd'hui à Paris. Les femmes regardent les hommes. Et c'est très bien ainsi.

Un autre phénomène très ancien a disparu aussi sans faire de bruit. Ma mère était étudiante à Paris au début des années 1930. Je lui ai demandé ce qu'elle avait trouvé de plus antipathique dans les mœurs des étudiants de l'époque. A quoi elle m'a répondu : « ce qui était le plus antipathique, c'était la pratique habituelle chez les étudiants en médecine d'avoir une petite amie d'origine pauvre le temps de leurs études. Dont ils se débarrassaient à la fin de celles-ci, pour épouser une jeune fille riche. »

On trouve des traces anciennes de cette pratique étudiante dans les gravures de Gavarni consacrées aux étudiants parisiens au XIXème siècle. Ceux-ci sont inévitablement flanqués d'une petite jeune fille d'origine populaire. En 1894, dans un article de « L'Illustration » consacré à la Mi-Carême étudiante à Paris est donné à ces jeunes filles un sobriquet : « les bachelettes ». En 1913, André Warnod, parlant de la Mi-Carême souligne le succès remporté à cette occasion auprès des jeunes parisiennes par les étudiants... pas toujours étudiants, d'ailleurs. Mais se faisant passer pour tels.

Au début des années 1960, mon frère aîné fréquentait deux frères : Alain et Didier. Alain était étudiant en médecine. Il avait une petite amie très mignonne, coiffeuse, Joëlle. Quand il terminait ses études, Alain subitement s'est séparé de sa petite amie et a épousé une riche jeune femme d'origine chilienne. C'était là l'expression du très ancien phénomène de ces sortes « d'épouses de confort » durant le temps des études, laissant place finalement à un « beau mariage » avec une autre. Cette pratique a très largement disparu aujourd'hui, du fait de la féminisation des facultés. De jeunes filles modestes, aisées ou riches elles sont pleines. Il n'y a plus besoin de chercher ailleurs des bachelettes pour satisfaire ses besoins naturels dans le domaine sexuel durant le temps des études.

Basile, philosophe naïf, Paris le 4 février 2013

86 Quelques aspects de la morale sexuelle réelle


Une affiche protestant contre la légalisation officielle du mariage entre personnes de même sexe proclamait dernièrement sur un mur parisien : « et après, la polygamie ? » Sous-entendu que « le mariage pour tous » ouvrirait la voie à l'autorisation légale de la polygamie.

Ce que beaucoup ignorent ou feignent d'ignorer, c'est que la France a été un pays où existait officiellement la polygamie. Elle a été abrogée le 13 avril 1946 par la loi Marthe Richard supprimant officiellement la prostitution réglementée.

Avant cette date, aller au bordel était une distraction masculine autorisée et très bien vue. Au début des années 1940, un camarade de captivité de mon père lui demandait : « et avant ton mariage, tu as été au bordel ? » « Non, » répondait mon père. « Ah ! Tu as manqué quelque chose ! »

L'interlocuteur de mon père était un très honorable chirurgien de Toulouse qui officiait à l'hôpital du Stalag 8A de Görlitz en Silésie. Pour lui, le bordel était un lieu fréquentable avant le mariage. Pour beaucoup, il l'était aussi après. Mais qu'est-ce qu'un bordel ? Réponse : c'est un harem collectif. Au lieu d'avoir leur harem personnel, les clients du bordel se partagent les femmes prostituées.

Pour bien marquer la différence entre elles et les femmes « honnêtes » on disait dans les années 1930 : « les filles ». C'était des filles, pas des femmes. Mais en fait, la différence ici est purement sémantique.

Donc la France a connut officiellement la polygamie durant très longtemps.

Trace de celle-ci, dans les années 1960, il était courant d'entendre affirmer que les hommes avaient d'irrépressibles besoins sexuels qui les amenaient à cavaler, tromper leur femme, être « infidèles », mais ça n'était pas grave. C'était « la Nature ». Par contre, une femme qui découchait, c'était inadmissible. Si elle cavalait, c'est-à-dire multipliait les aventures sexuelles, c'était « une pute », même si elle ne se faisait pas payer.

Plus tard, vers le milieu des années 1970, j'ai entendu dire à propos des femmes multipliant les aventures sexuelles : « ce sont des salopes ». Et un ami ajoutait : « c'est un compliment ! »

Il y avait deux poids, deux mesures différentes, s'il s'agissait d'hommes ou de femmes.

De nos jours, une grande nouveauté est que les femmes ont obtenu le droit d'affirmer leur sexualité et leurs désirs sexuels sans se faire automatiquement insulter de la sorte, en face ou dans leur dos. C'est très nouveau par rapports à il y a une trentaine d'années.

Je me souviens très bien de quelqu'un qui m'expliquait il y a juste trente ans de ça que pour devenir l'amante d'un ami à elle, il fallait absolument qu'elle évite d'exprimer directement son désir. Car sinon elle passait pour une prostituée. Au moins jusque dans les années 1970 à Paris, les filles ne pouvait pas non plus choisir leur cavalier au bal. Elles devaient attendre d'être invitées à danser. Sauf si on annonçait qu'on faisait momentanément « le bal à l'américaine ». Là elles pouvaient inviter. En cinquante ans le statut de la femme a beaucoup évolué dans la société française. En 1968, deux très jeunes filles parisiennes montraient à ma famille leurs photos de vacances au bord de la mer. Au fur et à mesure qu'elles les faisaient défiler, elles en retiraient soigneusement au préalable celles où on les voyait en maillot de bain. Une telle façon d'agir était parfaitement habituelle à l'époque. Le contraire aurait passé pour une très vulgaire provocation sexuelle.

Basile, philosophe naïf, Paris le 4 février 2013

dimanche 3 février 2013

85 Un nouvel esclavage : le bénévolat « forcé »


A Paris, de nos jours, il est courant d'entendre cette plainte : « de moins en moins de gens veulent faire du bénévolat ! » Et s'interroger : « pourquoi cette désaffection ? »

Une raison qui n'est pas invoquée, est la perversion du bénévolat, très courante aujourd'hui. On définit un but pour un regroupement associatif quelconque. Puis, avisant de préférence les adhérents les plus influençables, on va chercher à leur imposer diverses taches au détriment de leur vie personnelle, voire professionnelle.

« Comment ? Tu n'acceptes pas de faire ça ? Mais tu ne veut pas que notre groupe réussisse ce pourquoi tu y as adhéré ? » fera-t-on remarquer à l'adhérent rétif. Il a adhéré pour son plaisir. Voilà qu'on le somme de renoncer à d'autres activités étrangères auxquelles il tient. Cela au nom du « but » à atteindre auquel il a souscrit.

Et là on glisse du bénévolat, où on choisi librement une activité non rétribuée, au bénévolat « forcé » : le travail non payé. Celui-ci a un nom : l'esclavage.

Résultat de cette pratique extrêmement répandue : dès qu'on propose à des gens une activité quelconque et bénévole, ils ont tendance à prendre la fuite. Certes, la cause est belle et généreuse, mais je n'ai pas le temps. Voilà ce qu'on s'entendra très souvent répondre dans un monde empoisonné par la vulgarisation du bénévolat perverti.

Je le vois même dans un domaine particulièrement loin de la contrainte : la fête. Car dans ce domaine aussi on voit des comportements dirigistes et esclavagistes prospérer : « pour la réussite de la fête, c'est toi qui te lèveras tôt dimanche pour chercher les bières pour le bar de la fête ! »

Un responsable de société carnavalesque et philanthropique de Dunkerque disait il y a quelques années à mon amie Alexandra et moi : « un président de société de Carnaval, c'est comme un chef d'entreprise ! » Résultat, le lendemain de la fête, jour de repos pour lui, on le voyait retourner sur le site festif balayer, ramasser les canettes et emporter les poubelles.

Pour moi, le bénévolat doit rester le bénévolat. Le travail gratuit, c'est non !

Et pour ce qui est d'organiser une fête, cette activité doit rester agréable et festive. Sinon, à vouloir forcer les gens, on les fait fuir. Dans le pire des cas, habitués à la discipline de l'école et du travail, les bénévoles commencent par se soumettre. Et quelques temps après, on les cherchent. Ils ne sont plus là.

Dans une association festive une rivalité s'était manifesté entre deux groupes. Le groupe A insistait pour une lutte sans merci contre le groupe B, alors que je lui faisais remarquer qu'il y avait une solution beaucoup plus simple : s'en aller créer une autre association festive et laisser le groupe B seul. Rien n'y fit : la lutte déboucha sur la victoire du groupe A. Mais elle ne fut pas festive et ressemblait plus au pugilat interne à une organisation politique. Résultat, les A victorieux et bien fatigués s'éclipsèrent par la suite. Eux également avaient, dans ces circonstances particulières, oublié ce qu'était le bénévolat au service d'une agréable cause festive.

Quand on devient bénévole, avant d'être au service d'une cause si belle et enthousiasmante soit-elle, il ne faut jamais oublier que nous sommes d'abord et avant toutes choses au service de nous-mêmes. Se faire plaisir à soi est aussi notre devoir au même titre que faire plaisir aux autres.

Basile, philosophe naïf, Paris le 3 février 2013