lundi 4 février 2013

86 Quelques aspects de la morale sexuelle réelle


Une affiche protestant contre la légalisation officielle du mariage entre personnes de même sexe proclamait dernièrement sur un mur parisien : « et après, la polygamie ? » Sous-entendu que « le mariage pour tous » ouvrirait la voie à l'autorisation légale de la polygamie.

Ce que beaucoup ignorent ou feignent d'ignorer, c'est que la France a été un pays où existait officiellement la polygamie. Elle a été abrogée le 13 avril 1946 par la loi Marthe Richard supprimant officiellement la prostitution réglementée.

Avant cette date, aller au bordel était une distraction masculine autorisée et très bien vue. Au début des années 1940, un camarade de captivité de mon père lui demandait : « et avant ton mariage, tu as été au bordel ? » « Non, » répondait mon père. « Ah ! Tu as manqué quelque chose ! »

L'interlocuteur de mon père était un très honorable chirurgien de Toulouse qui officiait à l'hôpital du Stalag 8A de Görlitz en Silésie. Pour lui, le bordel était un lieu fréquentable avant le mariage. Pour beaucoup, il l'était aussi après. Mais qu'est-ce qu'un bordel ? Réponse : c'est un harem collectif. Au lieu d'avoir leur harem personnel, les clients du bordel se partagent les femmes prostituées.

Pour bien marquer la différence entre elles et les femmes « honnêtes » on disait dans les années 1930 : « les filles ». C'était des filles, pas des femmes. Mais en fait, la différence ici est purement sémantique.

Donc la France a connut officiellement la polygamie durant très longtemps.

Trace de celle-ci, dans les années 1960, il était courant d'entendre affirmer que les hommes avaient d'irrépressibles besoins sexuels qui les amenaient à cavaler, tromper leur femme, être « infidèles », mais ça n'était pas grave. C'était « la Nature ». Par contre, une femme qui découchait, c'était inadmissible. Si elle cavalait, c'est-à-dire multipliait les aventures sexuelles, c'était « une pute », même si elle ne se faisait pas payer.

Plus tard, vers le milieu des années 1970, j'ai entendu dire à propos des femmes multipliant les aventures sexuelles : « ce sont des salopes ». Et un ami ajoutait : « c'est un compliment ! »

Il y avait deux poids, deux mesures différentes, s'il s'agissait d'hommes ou de femmes.

De nos jours, une grande nouveauté est que les femmes ont obtenu le droit d'affirmer leur sexualité et leurs désirs sexuels sans se faire automatiquement insulter de la sorte, en face ou dans leur dos. C'est très nouveau par rapports à il y a une trentaine d'années.

Je me souviens très bien de quelqu'un qui m'expliquait il y a juste trente ans de ça que pour devenir l'amante d'un ami à elle, il fallait absolument qu'elle évite d'exprimer directement son désir. Car sinon elle passait pour une prostituée. Au moins jusque dans les années 1970 à Paris, les filles ne pouvait pas non plus choisir leur cavalier au bal. Elles devaient attendre d'être invitées à danser. Sauf si on annonçait qu'on faisait momentanément « le bal à l'américaine ». Là elles pouvaient inviter. En cinquante ans le statut de la femme a beaucoup évolué dans la société française. En 1968, deux très jeunes filles parisiennes montraient à ma famille leurs photos de vacances au bord de la mer. Au fur et à mesure qu'elles les faisaient défiler, elles en retiraient soigneusement au préalable celles où on les voyait en maillot de bain. Une telle façon d'agir était parfaitement habituelle à l'époque. Le contraire aurait passé pour une très vulgaire provocation sexuelle.

Basile, philosophe naïf, Paris le 4 février 2013

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