mercredi 17 avril 2013

98 Situation des câlins

Il est probable que le club de free hugs intéresse les femmes, car ce sont les premières à souffrir de la proscription des câlins causée par l'hégémonie abusive de la sexualité dans le domaine câlinique.

Tout à l'heure je me promenais dans une petite rue de mon quartier. Un père de famille me dépasse, accompagné de ses deux enfants. Un petit garçon âgé de six ou sept ans marche à son côté. Une petite fille de trois ou quatre ans suit derrière. Elle s'arrête devant moi, me regarde, sourit, dit « salut ». Puis cours rejoindre son père et son frère quelques mètres devant moi. C'était charmant.

Qu'est-ce qui empêche les jeunes filles, les femmes à être comme cette fillette ? Réponse : l'hégémonie stupide et ridicule de la sexualité qui n'empêche pas que les câlins, mais les relations en général, et pas que entre filles et garçons. Et qui finalement perturbe et empêche très souvent y compris la sexualité.

J'observais il y a quelques jours une jeune femme dans le métro. Il y avait beaucoup de monde. Elle était assise presque en face de moi. Tout le long du trajet, sur au moins une dizaine de stations, elle est restée rigoureusement immobile. Assise tout au fond de son siège, bien en arrière, collée au dossier. Son regard fixe tourné vers la vitre. Elle observait les gens dans le reflet, à la façon des enfants. Toute son attitude respirait la peur. Peur de quoi ? Une hypothèse très vraisemblable : peur d'être abordée, accostée, enquiquinée par un homme, un dragueur. Car elle était très jolie.

On dira peut-être que j'exagère. Je ne le pense pas.

Il y a cinq ans environ je connaissais une très jolie jeune fille qui habitait la banlieue sud de Paris et se rendait régulièrement à Paris pour ses études. Elle m'a raconté que, à chaque fois qu'elle s'y rendait par les transports en commun, il y avait au moins trois ou quatre fois dans la journée des jeunes gens qui tentaient de l'aborder. Ils s'y prenaient tous de la même façon : « Mademoiselle ! Mademoiselle ! » disaient-ils pour attirer son attention. Pour les neutraliser elle écoutait distraitement les sornettes qu'ils débitaient ensuite et s'en débarrassait avec douceur. Toutes les filles n'ont pas cette aisance pour réagir aux importuns. Et alors elles ont peur.

Une amie m'a évoqué dernièrement le même genre d'ennuyeux, mais dans un cadre plus général. Elle m'a dit que ce qui l'avait dérangé, c'est que systématiquement, dès qu'elle a eu treize ou quatorze ans, tous les garçons de son entourage cherchaient quelque chose. Et visiblement, allant vers elle, avaient toujours une idée derrière la tête, un calcul pour y arriver. C'était embêtant.

Ce n'est pas le sexe qui la dérangeait, mais le comportement intéressé et peu sincère des garçons. Leur incapacité à entretenir une relation avec une fille sans la réduire à une cible.

Il n'y a pas que les filles qui peuvent ainsi être niées. Ça peut également arriver aux garçons.

J'observais il y a quelques années une scène curieuse via Po, une grande avenue de Turin. Un très jeune homme et une très jeune fille qui évoluaient dans cette artère de la ville. La fille harcelait littéralement le garçon en cherchant à l'embrasser. Lui, essayait maladroitement de se dérober sans oser l'envoyer balader. On aurait dit une scène classique où une jeune fille se fait embêter par un dragueur lourd. Sauf qu'ici les rôles étaient inversés,. Et l'enquiquiné n'était pas la fille, mais le garçon.

J'ai connu de près un autre cas dans ce genre. Un jeune homme très beau qui était littéralement pourchassé par au moins une jeune et jolie fille qui allait jusqu'à monter la garde en bas de son immeuble en espérant ainsi parvenir à lui fondre dessus quand il rentrerait ou sortirait de chez lui. Ce jeune homme souffrait visiblement beaucoup de cette situation. Quelques temps après il a carrément arrêté de fréquenter les jeunes filles et s'est mis en couple avec un garçon. En quelle mesure ce changement résultait de ce qu'il vivait auparavant dans le domaine sentimental avec les filles, je n'en sais rien.

Quand j'avais onze ans, j'étais très timide. Et n'allant pas à l'école n'avais aucun ami de mon âge. Mes parents avaient une amie américaine prénommée Dorothée. Elle est arrivée un jour avec une fillette américaine légèrement plus âgée que moi, Aprile. Celle-ci, plutôt entreprenante et dégourdie, tout le temps de sa visite dans ma famille, m'a littéralement couru après, cherchant systématiquement à m'embrasser sur la bouche. Ce qui me gênait horriblement. Toute la famille et Dorothée observaient et riaient beaucoup. En fait, cette fillette était très mal élevée. Mais personne n'a pensé à la remettre à sa place.

Cela se passait au début des années 1960. Depuis, le monde n'a pas beaucoup changé dans ses fondements, mais superficiellement. Le sexe est toujours présenté comme omniprésent, y compris là où il n'a rien à faire.

Dernièrement j'entendais parler de la proposition d'organiser officiellement en France un corps de prostitués thérapeutiques chargés de satisfaire sexuellement les handicapés. Je pense qu'il s'agit d'une monumentale erreur.

Tout d'abord, si j'étais handicapé je trouverais extrêmement humiliant et démoralisant, insultant même, qu'on me déclare qu'en amour je ne peux pas espérer autre chose que « baiser avec des putes fournies par l'État ». Appelons les choses par leur nom. Ensuite la vraie question est d'abord à mon avis celle des câlins et pas de l'acte sexuel. Les gens qui proposent de créer une prostitution de confort pour les handicapés ne comprennent rien à la vie, y compris leur vie à eux-mêmes.

J'ai lu que là où la prostitution à destination des handicapés existe déjà et est légale, comme aux Pays-Bas, certains handicapés ont droit juste à des caresses, pas à l'acte sexuel. Le commentateur de cette information affirmait que c'était sexuel. En fait il n'y comprend rien. Les câlins ne sont pas et n'ont jamais été sexuels. Ils forment un aspect des relations entre les humains et aussi des humains avec les chats, les chiens, les chevaux, etc.

Les millions de personnes qui, en France, ont un chat ou un chien à la maison le savent bien.

Les chats et les chiens remplacent bien souvent l'amour que les humains abusés par leur culture dominante stupide se retrouvent incapables de donner, recevoir, partager.

Notre société empêche les relations entre les gens, de par les idées qui la dominent. Idées qu'on a vu servir de modèle pour les femmes au cours de ces dernières décennies. S'émanciper, c'était soi-disant faire comme les hommes. Pourquoi ceux-ci devraient-ils servir de modèles ? C'est là leur reconnaître une supériorité sur les femmes. On a vu ainsi les femmes en masse se mettre à fumer autant que les hommes et rattraper ces derniers dans le domaine du cancer et autres maladies causées par le tabac. Et draguer, comme les hommes. Autre erreur, au lieu de développer d'autres relations plus respectueuses des êtres, plus authentiques et chaleureuses. L'émancipation de la femme ne consiste pas à imiter l'homme dans ce qu'il fait de stupide et détestable, comme fumer et draguer. Ne pas fumer, aimer et câliner c'est mieux. Ce qui n'interdit pas le sexe, mais en son lieu et à sa place. Sans qu'il occupe tout d'espace ou presque dans la relation humaine adulte. Les clubs de free hugs représente l'avenir des relations humaines débarrassées des scories du passé.

Basile, philosophe naïf, Paris le 17 avril 2013

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