vendredi 23 août 2013

142 La rupture de la nuit

Une des conséquences les plus dévastatrices de nos cultures anti-tactiles, tactilophobes, est « la rupture de la nuit ».

A un certain âge, on devient « grand » et on doit dormir seul.

Alors, on abandonne l'enfant dans une chambre obscur, un lit froid et seul. Il arrive qu'il hurle de terreur et désespoir. On vient le câliner et hop ! on l'abandonne à nouveau.

C'est ainsi. Il est sensé « grandir ». Et être abandonné ainsi serait une « étape » indispensable.

Qui quelquefois dissimule aussi l'égoïsme parental. Si maman et papa veulent se faire des câlins, la présence du marmot les interdit... Alors, ouste, dehors ! Dans « son intérêt », bien sûr.

Un jour, il y a une vingtaine d'années, j'entendais deux dames bavarder à la roseraie de l'Haÿ-les-Roses. Elles s'indignaient à propos d'une connaissance commune. « Tu te rends compte ! Elle dort avec son fils qui a treize ans ! » « C'est de l'inceste ! » Et l'autre approuvait.

Comme les gens sont bêtes ! Dormir dans le même lit, c'est forcément baiser... Le langage va en ce sens : « dormir avec », « passer la nuit avec », « aller au lit avec » signifie invariablement baiser !

Il existe des cultures où on dort ensemble, jeunes gens et jeunes filles confondus, sans nécessairement baiser. On dort ensemble, tout simplement.

C'est ce que m'a raconté un soir une jeune dame qui venait du Niger. Elle disait à moi et deux de ses amis présents : « chez nous, une jeune fille peut dormir dans le même lit qu'un jeune homme. Ça ne signifie pas autre chose que dormir ensemble. » Elle ajoutait qu'un jeune Français, confronté à une jeune fille nigérienne qui lui avait proposé de dormir ainsi « ça le rendait fou ».

Moi-même, j'ai dormi huit nuits de suite avec une jolie fille qui n'était pas amoureuse de moi. Il ne s'est rien passé de « sexuel » entre nous. Et on était très bien tous les deux.

Quand j'en ai parlé à un ami médecin, il a paru très surpris.

Je connais un jeune homme qui a dormi au moins jusqu'à l'âge de treize ans avec ses parents. Il est extrêmement doux et gentil. Résultat, il a quitté l'école où il ne supportait pas ses camarades élevés autrement et qui étaient durs et méchants avec lui. Fort heureusement il a trouvé un emploi chez son oncle par alliance qui vend des fruits et légumes sur les marchés et les cultivent également.

Le fils de Céline Dion a neuf ans dort avec ses parents.

Un ami particulièrement gentil a dormi jusqu'à l'âge adulte dans un lit à côté de celui de ses parents.

Et qu'est-ce qui fascine et fait rêver tant de gens à l'idée de se retrouver « en couple » ? Dormir ensemble !

C'est l'expression de la nostalgie de « la rupture de la nuit » subie durant la petite enfance ! Est-il normal de priver ainsi de la présence des grandes personnes qui s'occupent d'eux et les protègent les enfants huit ou dix heures par nuit ? Répondez à la question. Mais réfléchissez bien avant.

Basile, philosophe naïf, Paris le 23 août 2013

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