mercredi 27 novembre 2013

176 Les « spécialistes »

J'ai regardé un débat où trois hommes affrontaient une femme. Les trois premiers vantaient la nécessité et le bien fondé de l'ignoble hausse prochaine de la TVA. En les écoutant couvrir fréquemment de leurs cris la voix de leur opposante à cette injustice, j'ai relevé leur argumentaire.

Il existe dans notre société bien huilée et harmonieuse un terrifiant phénomène cosmique qui traverse le ciel à la façon d'une comète. Accompagné de pétarades assourdissantes, d'éclairs aveuglants, d'odeur de soufre et de caoutchouc brûlé. Vous pensez que c'est le Diable, Belzébuth ou Lucifer en personne ? Vous n'y pensez pas ! Il s'agit d'un phénomène venu de nulle part, dévastateur et incompréhensible : « la crise ».

On ne sait pas ce que c'est. Pourquoi ça arrive. Mais, il n'y a rien à y faire. Il faut s'y plier. Ou, plus exactement, plier les pauvres à ses exigences régaliennes. Personne ne discute de cette chose étrange. C'est Dieu en personne ! A genoux manants ! Obéissez à la très sainte criiiiise !

Mais de qui se fout-on ? De nous, les petits, bien sûr !

Seule réponse aux exigences de ladite très sainte crise : il faut de l'argent ! Beaucoup d'argent, des milliards d'euros, sinon on va tous mourir ! Enfin, pas tous ! Les pauvres vont crever. Et les riches se goberger ! Mais, chut ! Arrêtez de faire du mauvais esprit !

Donc, l'argent, on ne peut le trouver qu'en un unique endroit : dans la poche des pauvres. Comment ? En réduisant les services publics dont ils bénéficient, on fait des économies. En fermant, par exemple, les services d'urgences des hôpitaux, les hôpitaux eux-mêmes, les maternités, comme celle de Marie Galante, ou d'ailleurs. Ou bien on peut racler de la thune et tondre le reste de laine des pauvres en créant de nouveaux impôts, réduisant les salaires et retraites, augmentant le temps de travail des fonctionnaires sans augmenter leurs salaires. Comme cela vient d'être décidé au Portugal, où de 35 heures hebdomadaires ils vont bientôt passer à 40.

Mais, bien sûr, si on pressure ainsi les pauvres, vous n'avez rien compris, c'est dans leur intérêt. Grâce à cela, les riches pourront créer des emplois. On pourra « sauver » notre système social !

Pour que les riches créent des emplois, il faut que les pauvres aient faim et froid. C'est la règle.

Car, si on fait payer les riches, ils vont s'en aller. Par exemple Vinci emmènera ses autoroutes, Moët et Chandon démontera ses vignobles et emportera ceux-ci ainsi que le ciel de Champagne et son climat en Chine, etc. Et en France, on n'aura plus que nos yeux pour pleurer !

Et les pauvres, ils sont in-di-gnés ! Par quoi ? Par les riches ? Que nenni, Messieurs-Dames. Ils sont indignés par « l'assistanat ». L'assistanat des actionnaires et milliardaires ? Non, celui des pauvres qui ne travaillent pas et touchent de maigres allocations.

Ces feignants doivent travailler gratuitement pour avoir droit aux allocations ! Ainsi, on pourra mettre au chômage de nouveaux chômeurs en les remplaçant par ces travailleurs gratuits qui ne coutent rien à leurs employeurs. Et sont payés avec l'argent des pauvres contribuables. Tiens ? Au fait ! Si on rétablissait l'esclavage ? Jonathan Swift a déjà formulé il y a des siècles la solution : il faut donner aux pauvres à manger les pauvres. Il plaisantait et faisait de l'humour noir en parlant des enfants affamés d'Irlande. Attendons qu'un théoricien nous fasse sérieusement cette proposition pour « sortir de la crise ». Ce sera toujours mieux d'entendre ça que d'être sourd !

Basile, philosophe naïf, Paris le 27 novembre 2013

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