samedi 4 janvier 2014

195 Quelques souvenirs des années 1960-1970

Vers 1964, l'année de mes treize ans, je remarquais quelque chose de bizarre qui m'intrigua. J'habitais alors le quatorzième arrondissement de Paris. Quand je sortais de la maison, la plupart du temps avec ma mère, je regardais les personnes que je croisais. Or, il me sembla que je suscitais chez certaines d'entre elles une réaction incompréhensible : elles baissaient systématiquement les yeux ! Ces personnes étaient les jeunes femmes. J'entrepris de vérifier si c'était effectivement le cas. Et, chaque fois que nous croisions une jeune femme, m'appliquais à la fixer droit dans les yeux. Et, oh stupéfaction ! effectivement, les jeunes femmes baissaient alors systématiquement les yeux ! C'était inexplicable. Mise à part une jeune femme que je croisais entre les deux squares de la mairie, elles réagissaient toutes pareillement.

Il y a cinquante ans, c'est ainsi que les Parisiennes réagissaient dans mon quartier. Neuf ans plus tard, en 1973, je fis une autre constatation dans ce domaine : pour la première fois, je m'en allais par les rues du Quartier latin une jeune fille au bras. C'était ma petite amie. Et alors je remarquais que les jeunes femmes que je croisais n'hésitaient pas à me regarder ouvertement. C'était comme si le fait d'être accompagné ainsi m'avait en quelque sorte neutralisé.

Aujourd'hui, le monde a changé, les jeunes femmes dans Paris n'hésitent pas à vous dévisager. Mais il faut se souvenir comment était il n'y a pas si longtemps que ça le monde où nous vivons.

L'arrivée de la contraception, l'autorisation de l'avortement et une certaine et très incomplète émancipation des femmes n'ont pas forcément rendu plus lucides un grand nombre d'hommes. En tous cas ils ont vu dans cette modification des choses l'assurance que le monde était devenu pour eux comme un immense bordel gratuit. Ils n'ont pas réussi à comprendre qu'en ne respectant pas les femmes pour ce qu'elles sont, c'est-à-dire des êtres humains à part entière, ils ne se respectaient pas eux-mêmes.

Dans les années 1970, dans le milieu de jeunes que je fréquentais, les relations homme-femme avaient pris une tournure caricaturale. Il semblait qu'à l'obligation de dire non aux propositions sexuelles avait succédé une obligation de dire oui.

Trop timide et sentimentale je restais à l'écart de ces jeux-là. Mais observais ce qui se passait. Un jeune Mexicain très sympathique remportait beaucoup de succès et additionnait ses conquêtes. Tout allait au mieux pour Jorje, c'était son prénom. Jusqu'au jour où il entrepris de séduire la belle Jacquemine. Là, il tomba sur un os. La belle Jacquemine ignorait superbement les nouveaux codes en vigueur. Elle avait son ami attitré. Et quand bien-même celui-ci était absent, elle ne s'avisait pas de tomber dans les bras d'autres garçons ! Et voilà notre Jorje malheureux... il tombe amoureux de sa proie inaccessible.

Une autre fois, je participais à l'assemblée d'une association de jeunes. Et, tout à fait en dehors des questions débattues, voilà une jeune femme qui monte à la tribune et explique qu'elle trouve choquant que tant de garçons soient à l'affut pour lui sauter dessus ! Il suffirait, dit-elle, que je dise que je suis prête à sortir avec quelqu'un pour que trois ou quatre veuillent le faire, ça n'est pas normal. Dans sa réponse, le responsable de l'association a éludé en disant même des grossièretés du style : « si tu te plains que ton cul a du succès, tu ne devrais pas te plaindre ».

En fait, ce qui troublait à juste titre cette jeune femme, c'était ce consumérisme sexuel régnant où choix et sentiments semblaient disparus. J'en ai entendu un écho de cette période des années 1970. Plusieurs dizaines d'années après, un ami qui fut un terrible cavaleur m'a raconté ceci : un jour, avec d'autres amis, garçons et filles, ils avaient décidé de faire une sorte de groupe sexe. C'est arrivé une fois. Et ce jour-là, cet ami avait, sans désir, ni amour, fait la chose avec une amie à lui. Le pauvre ! il paraissait ne pas s'en être remis jusqu'à présent. Il s'interrogeait encore et se demandait ce qui lui était arrivé ce jour-là.

Contrairement à ce que croient ou font semblant de croire certains, l'acte sexuel n'est pas un acte anodin.

Une étudiante iranienne de Paris m'a raconté une anecdote peu connue de ces années 1970. Cela s'est passé dans une grande université américaine.

Un jour, des étudiantes en ont eu marre. Se sont concertées et ont sorti un tract où elles détaillaient les « performances sexuelles » comparées des plus fameux « coqs » de leur université ! Ça a fait une impression horrible et leur tract a très vite disparu de circulation !

Basile, philosophe naïf, Paris le 4 janvier 2014

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