mardi 7 janvier 2014

198 Aimer et être aimé... ou se sentir aimer et être aimé ?

J'avouais hier dans ce blog comment, il y a environ cinquante ans de cela, ma sœur m'avait invité à assister à son bain. J'ai hésité à mettre cet aveu en ligne. Pourtant, comme il paraît anodin comparé aux confidences diverses, affabulées ou non, qu'on trouve aujourd'hui un peu partout sur le Net ! En parcourant le Net dès qu'il s'agit de relations « pas catholiques » entre sœur et frère, on trouve abondance de comptes-rendus de vécus horribles divers. Et aussi quelques autres genres de témoignages sur des relations plus paisibles.

A croire certains, sortir des cadres de la morale traditionnelle consisterait à glisser dans l'orgie permanente. Quand on parle de « révolution sexuelle » on y voit le synonyme de « tout le monde baise avec tout le monde ». Quelle belle ânerie ! Pourquoi ? Parce que faire des orgies n'a absolument rien de « révolutionnaire ». De tous temps, on a vu d'un côté la masse devoir se conformer à une morale encadrante et rigoriste et une minorité vautrée dans le sexe tous azimuts. Depuis Messaline et Héliogabale, Théodora ou l'impératrice allemande de Russie Catherine II, dite Catherine la Grande, les « grands de ce monde » ont toujours baisé dans tous les coins. Les imiter n'a rien de révolutionnaire. Révolutionner c'est agir autrement, porter un regard neuf sur des choses anciennes, avec des réponses rares jusqu'à présent.

Quand j'ai vu ma sœur nue dans son bain, j'ai eu envie de me mettre nu aussi, la rejoindre peut-être aussi dans sa baignoire. J'ai aussitôt écarté l'idée comme inadmissible. Pourquoi ? Parce que j'étais en érection et avais honte d'être vu par elle dans cet état.

Cette honte venait de loin. Ce genre de réaction non contrôlée, incompréhensible les premiers temps qu'elle survenait, me dérangeait. Je ne l'avais pas choisi. Et la ressentais comme indécente car liée aux choses du sexe dont on évitait soigneusement de parler dans ma famille.

La première fois que ça m'était arrivé en urinant, j'en avais conclu que j'étais malade. Et, comme il s'agissait d'une maladie vénérienne, il était bien sûr exclu que j'en parle avec mes parents !

Plus tard, rapprochant cette réaction bizarre et nouvelle avec un passage incompréhensible du roman « Moravagine » de Blaise Cendrars, j'ai compris de quoi il s'agissait.

Blaise Cendrars écrivait dans ce passage : « L'amour, ça commence par la crevaison d'une membrane. » Une membrane ? Ça me disait quelque chose dont j'avais entendu parler. J'ai consulté le très pudibond « Petit Larousse » à la définition du mot « hymen ». J'ai alors compris le pot-au-roses. Si mon sexe durcissait, c'était pour entrer dans le sexe féminin crever ladite membrane ! Ce rapprochement inattendu entre deux organes à mon avis « sales » car destinés à pisser, m'a tout de suite paru dégoutant.

Mon éducation faisait que je considérais à l'époque le sexe sale, honteux. Et le montrer en cet état durci inavouable. C'est pourquoi je n'ai pas osé me retrouver nu et rejoindre ma sœur dans son bain.

Par la suite, j'ai été abusé par l'éducation régnante qui prétend que si on connait une érection celle-ci est dévolu à la pénétration de la femme.

Pourquoi ce propos courant est en fait résolument faux ? Pour la raison suivante que j'ai mis des décennies à comprendre : en fait le plaisir seul peut provoquer une érection. Par exemple la vue d'une jolie fille nue. Mais cette érection est non intromissive la plupart du temps. Ce qui signifie qu'elle ne s'accompagne pas du tout d'un sentiment très particulier. Ce sentiment c'est le désir de pénétrer sexuellement l'autre.

Mais, l'éducation aidant, on se retrouve le crâne bourré et convaincu que si on bande il faut y aller. De l'erreur du départ d'avoir honte d'être vu en érection par une jeune fille, je suis passé par la suite à une autre erreur. Croire que si je bandais cela signifiait qu'il était bien, souhaitable, désirable de « faire l'amour », cependant que je n'en éprouvais pas l'envie. Et que c'était juste un raisonnement intellectuel.

Ce raisonnement intellectuel triomphe dans le domaine de la pornographie, qui est caricaturale et ridicule. On y voit les bons petits soldats du sexe entrer et sortir les uns des autres. Sur leur visage s'inscrit le plus souvent l'ennui et l'indifférence. C'est de la mécanique pure, de la plomberie sexuelle. Les corps sont beaux. Leur agitation est factice. On fait comme si on avait envie de s'accoupler. Et les spectateurs font comme s'ils voyaient des individus « faire l'amour ». Alors qu'ils ne font que se mettre l'un dans l'autre, se secouer et faire semblant de jouir en échange d'un chèque.

Quand à 22 ans j'ai eu ma première « petite amie », tous les soirs nous faisions la chose. On mettait le truc dans le machin, on secouait, terminait l'acte, et ensuite dodo. C'était absurde, artificiel, fait avec la meilleure volonté du monde de part et d'autre. Une seule fois pour moi ce fut différent et vraiment extraordinaire. Pour elle je crois que ça n'a jamais été vraiment passionnant.

Bien plus tard, je me souviens d'une autre « petite amie ». La première fois qu'on a fait la chose, j'en ai pris l'initiative. Elle ne s'y est pas opposée. Mais son expression était faite d'incompréhension et étonnement. En fait, bien plus tard, en y réfléchissant, j'ai compris qu'elle n'avait rien ressenti. Elle avait juste rempli le rôle qu'elle croyait devoir être le sien. Quand on est une jolie fille nue qui accorde des bisous sur la bouche, dans l'intimité, le monsieur met son engin dans la dame, voilà. Il faut qu'il entre. Et comment faire autrement si tous les messieurs proches veulent faire ça ?

En l'absence de vrai désir ça se passe comme dans un petit théâtre où chacun rempli son rôle. Et l'un des deux se dit qu'il « fait l'amour », cependant que l'autre attend sagement que la petite affaire soit terminée.

Mais ça ne marche pas ainsi longtemps. La Nature a horreur d'être maltraitée. Et, à la longue nait une terrible agressivité chez l'un des deux acteurs, le moins motivé des deux, souvent la femme. A cette agressivité va répondre l'agressivité de l'autre en retour. Ce qui explique que les séparations sont souvent tendues et conflictuelles.

Une petite amie subissant patiemment le sort d'amante non désirante avait projeté une rupture d'avec moi très violente moralement. Elle n'a ensuite pas agi ainsi. M'en a parlé. Et à ma question : « pourquoi une telle violence morale ? » n'a pas su quoi répondre. Quatre mois plus tard elle réussissait sa séparation. C'était la meilleure et la plus juste des choses qu'elle avait à faire.

J'ai mis des dizaines d'années à comprendre le phénomène. A présent, je sais que c'est une très grande erreur de chercher à « faire l'amour » sans en avoir vraiment envie. Et, débarrassé des faux désirs artificiels, ne me suis jamais senti autant libre et en paix avec moi-même et les autres.

L'erreur fondamentale est croire qu'on a besoin d'aimer et être aimé, d'où la soi-disant nécessité de concrétiser en « faisant l'amour ». En fait, on a besoin de se sentir aimé et être aimé, ce qui n'implique rien de précis à faire ou réaliser. On aime un homme, une femme, un enfant, un chat ou un plat de spaghettis, il y a de l'amour mais rien de précis en plus là-dedans. Le sexe c'est autre chose, qui a sa vie particulière et son fonctionnement qu'il importe de respecter. Faire semblant de faire l'amour ne sert à rien et mène droit dans le mur. Aimer simplement à l'amour suffit.

Basile, philosophe naïf, Paris le 7 janvier 2014

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