jeudi 23 janvier 2014

215 Gaspillages rentables et programmés, sabotage de la recherche médicale

Au début des années 1960, quand j'étais petit, l'atelier familial où j'habitais, dans le quatorzième arrondissement de Paris, était chauffé au charbon. La société qui nous le livrait avait une petite boutique près de la place d'Alésia. L'employée, une dame que mes parents avaient surnommé « la bougnate », était communiste. A ma mère, elle donnait régulièrement des piles d'Humanité, qu'elle avait lu, et aussi des numéros de Vaillant, le journal communiste pour les enfants, que lisait son fils.

En dernière page de l'Humanité figuraient souvent des petites nouvelles originales. Je me souviens très bien d'une d'entre elles. Elle disait qu'on venait de mettre au point une machine à laver sans lessive ! Elle utilisait des buses projetant des multitudes de micro-bulles nettoyant le linge ! Et puis, plus rien depuis. Il faudra, si on en croit Internet, attendre le début des années 2000 pour qu'apparaissent enfin dans le commerce des machines à laver le linge n'employant que l'eau et pas de lessive. Elles sont plutôt chères. L'information du début des années 1960 était-elle fausse ? En y repensant, je dirais qu'une hypothèse est bien plus vraisemblable. La machine en question a certainement existé. Les trusts de la lessive, qui sont extrêmement riches et pollueurs, ont du racheter le brevet et l'enterrer. Ainsi va « le progrès » à l'ombre du capitalisme.

Une autre affaire illustre ce type de situation. Ma mère a raconté devant moi l'histoire suivante : peu après la seconde guerre mondiale sont apparus à Paris les premiers bas pour dames en nylon. Ceux-ci étaient absolument indestructibles ! Pourtant, bien vite la qualité a subitement baissée. Elle s'est même effondrée. Et les bas nylon devenus très fragiles se déchiraient pour un rien. « Filaient », selon l'expression consacrée. Les fabricants ont ainsi assuré l'importance de leurs marges. Cette histoire a été évoquée dans un documentaire passé sur Arte les 15, 18 et 24 février 2011 sous le nom bien évocateur de : « Obsolescence programmée ». On y apprenait également qu'a été mise au point une ampoule électrique d'une durée de vie de 100 000 heures, qui n'a jamais été commercialisée. Qu'on a, bien au contraire, fait un long travail de recherches pour mettre au point des ampoules dont la durée de vie ne dépasse pas 1000 heures !

Cette politique s'exprime également avec la date de péremption des produits frais. Trois jours avant celle-ci, ils sont retirés de la vente en métropole. En revanche, on trouve les mêmes produits à la Réunion dotés de dates limites complètement différentes. Ainsi, les yaourts sont là-bas bons pour la vente durant deux mois. Ils le sont effectivement ! Mais, pour des raisons commerciales, on préfère en métropole les jeter bien avant ! Exactement comme la lessive inutile dont on a déversé des centaines de milliers de tonnes dans la Nature depuis le moment où on a empêché la commercialisation des machines à laver le linge n'employant pas de lessive !

Il existe un autre chapitre noir de cette criminelle rentabilité, concernant la recherche médicale. On sait qu'il existe des « maladies orphelines ». Des maladies pour lesquelles les efforts de recherches manquent, car ils ne seraient pas commercialement rentables. Il existe aussi, fait à relever, des directions de recherches qu'on évite pour cause de non rentabilité. Ou dont on ferme le chemin.

On se souvient du lynchage public organisé contre le docteur Jacques Benveniste, scientifique français coupable d'avoir donné une validité scientifique à l'efficacité des dilutions homéopathiques. Il existe aussi des absences de recherches sur des utilisations nouvelles de médicaments anciens, tombés dans le domaine public. J'en connais au moins un : l'Allergine, extrait du bacille de Koch par le professeur de médecine André Jousset en 1903. Il l'a étudié durant plus de trente ans.

Ainsi va le capitalisme. Certains nous disent qu'il rapporte. Je crois qu'il coute surtout à la collectivité. Et rapporte seulement à quelques-uns.

Basile, philosophe naïf, Paris le 23 janvier 2014

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