dimanche 26 janvier 2014

216 À propos de l'actuelle révolution ukrainienne

Mon défunt père était un aristocrate né en 1909 à Saint-Pétersbourg dans un milieu de nobles militaires de carrière russes et tsaristes. Il me disait avec animosité à chaque fois qu'il en parlait : « les Ukrainiens sont des Russes ! » Pourtant, il n'avait aucun intérêt personnel à le dire. Son propos illustrait en fait que la négation de l'identité nationale ukrainienne est une tradition chez certains Russes. Et les relations entre la Russie et l'Ukraine sont loin d'avoir toujours été fraternelles et amicales. L'histoire en témoigne. 
 
Quand eu lieu la Révolution d'octobre 1917, les bolchéviks prirent le pouvoir. En mars 1918, par le traité de Brest-Litovsk, le gouvernement bolchévik livra l'Ukraine aux Allemands, en échange de la paix. Le contenu de ce traité était, certes, imposé par l'impérialisme allemand, mais un tel acte laisse des traces. D'autant plus quand il émane du gouvernement russe.

Peu après, l'armée anarchiste ukrainienne de Nestor Makhno chassa les Allemands d'Ukraine, si j'en crois une belle chanson qui parle de ladite armée.

Les Ukrainiens n'étaient pas au bout de leurs peines dans leurs relations avec les Russes. Par la suite, convoqués par les bolchéviks au côté desquels ils combattaient les gardes blancs, l'ensemble des officiers de Makhno tombait dans un piège et était fusillé. Épisode peu glorieux de l'histoire de la guerre civile où on voit une des parties en présence se débarrasser par traitrise d'un allié.

L'entrée de l'armée rouge en pays cosaque suscita le soulèvement des cosaques contre celle-ci. Cela se passait aussi en Ukraine.

Vint la fin de la guerre civile en Russie et la victoire des bolchéviks. Les ennuis des Ukrainiens dans leurs rapports avec les Russes ne s'arrêtèrent pas là. L'ensemble du Comité central du parti communiste ukrainien sera exterminé par les soins d'un serviteur du régime de Staline. Ce serviteur devait devenir plus tard célèbre. Il s'agissait de Nikita Khrouchtchev. Parmi les chefs communistes de l'Ukraine ainsi assassinés figurait un des principaux leaders bolcheviks, un Roumain d'origine bulgare connu sous le nom de Christian Rakowski. Président du Conseil des commissaires du peuple d'Ukraine en 1919, arrêté en 1937, il sera fusillé en 1941.

Bien plus tard, Khrouchtchev devait dire que Staline envisagea la déportation de l'ensemble du peuple ukrainien et renonça face à l'ampleur de la tâche. C'est dire qu'il détestait ce peuple.

Au début des années 1930 les Ukrainiens subirent une famine qui fit des millions de morts. Elle fut voulue, organisée par le pouvoir central de Moscou.

Cet événement est resté dans la mémoire collective ukrainienne sous le nom d'Holodomor.

L'Ukraine, grand et vieux pays d'Europe habité aujourd'hui par plus de 45 millions d'habitants, a continué à être niée par le pouvoir russe. Du temps de l'URSS ce pays était aux abonnés absents. Personne n'en parlait en France, par exemple. Les universités d'Ukraine dans les années 1960 donnaient leurs cours en russe et pas en ukrainien.

Chaque fois qu'en URSS quelqu'un s'avisait de protester contre la situation faites aux Ukrainiens, il se retrouvait immanquablement pourchassé en qualité de « nationaliste petit-bourgeois ».

Toutes ces choses laissent des traces dans la mémoire du peuple ukrainien. Quand, il y a quelques mois, fut annoncé un accord privilégié avec la Russie, décidé par le gouvernement ukrainien, quantité d'Ukrainiens se se sont sentis trahis, vendus aux Russes.

L'Europe libérale, de son côté, avait proposé un accord de merde à l'Ukraine. Accord dont les ultra-libéraux européens ont le secret. Réformes dites « de structure » pour foutre en l'air l'économie ukrainienne et la rendre bien libérale, etc. Cet accord fut rejeté par le gouvernement pro-russe d'Ukraine. Quoi qu'on pense des motivations de ce rejet, n'oublions jamais que l'accord proposé par l'Europe était un accord de merde concocté par les mêmes spécialistes qui affament le peuple grec. Et, en collaboration avec les Medefistes de « droite » ou de « gauche », planifient la destruction des services publics et de l'économie françaises.

L'accord privilégiant la Russie avait provoqué la colère d'un grand nombre d'Ukrainiens. S'ajoutait à ce sentiment l'indignation soulevée par le train de vie luxueux du président Ianoukovitch. Puis le mécontentement amené par la violence de la répression des protestations.

Et, enfin, la goutte qui a fait déborder le vase, la décision d'adopter des lois mettant en place une dictature. Punissant notamment de cinq années de prison le blocage des bâtiments officiels, réprimant le port de casques et masques dans les manifestations, etc. Un train de mesures qui rappelle la sinistre « loi matraque » que tenta d'imposer le gouvernement québécois. Et qui entraina des protestations qui le firent tomber. En somme, décider « démocratiquement » d'instaurer la dictature.

Loin d'être des manifestations d'amour pour Barroso, le soulèvement actuel du peuple ukrainien est d'abord une révolte dirigé contre la tutelle russe, le luxe du président ukrainien et sa tentative d'instaurer une dictature.

Comme disait un manifestant dernièrement : « je préfère descendre dans la rue protester maintenant plutôt qu'attendre qu'on vienne me chercher chez moi ».

Certains médias français répètent que les manifestants ukrainiens ne témoignent que de sentiments « pro-européens ». Il faudrait dire : anti-russe, anti-dictature, anti-Ianoukovitch. Et aussi, accessoirement, leurs motivations ont pour origine quelques illusions sur l'Europe. L'Europe des capitalistes ultra-libéraux qui est une belle saloperie et se garde bien de les aider. Car elle déteste tous les peuples d'Europe et du monde, notamment les peuples russe et ukrainien. Et n'aime que l'argent. On la voit bien à l’œuvre, quand, via le gouvernement français à ses ordres elle ferme aujourd'hui maternités et hôpitaux de proximité, et services d'urgences, comme celui de l'Hôtel Dieu de Paris. Si elle est prête à provoquer ainsi une catastrophe sanitaire en France, que vaut pour elle le sort et la liberté du peuple ukrainien ? Rien du tout, seule l'adoration du Veau d'or intéresse Barroso et ses amis, au nombre desquels notre très sarkozo-démocrate président scootériste.

Que va donner la révolution ukrainienne ? Certainement que d'ores et déjà interviennent massivement en Ukraine tous ceux qui souhaitent qu'elle échoue. Et n'apporte rien de bon au peuple ukrainien. On peut supposer que l'argent russe alimente une part de la résistance du gouvernement pro-russe d'Ukraine. Les unités de police qui font face aux manifestants touchent peut-être de très belles primes, comme cela arrivait en Angleterre, pour la police anglaise, quand Madame Thatcher réprimait la grande grève des mineurs de son pays. Toutes les hypothèses sont possible. Le matériel anti-émeute est peut-être d'origine française ? Allez savoir ! En tous cas, les fées Carabosse ne manquent pas pour se pencher sur le berceau de la Révolution ukrainienne. Il faut espérer que, malgré tout, celle-ci finira par apporter quelque chose de bien. En tous cas, dans la suite de la révolution tunisienne, l'Ukraine nous apporte la première révolution européenne depuis la Révolution des œillets qui fit tomber la dictature au Portugal en 1974. 

Basile, philosophe naïf, Paris le 26 janvier 2014

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