lundi 26 mai 2014

251 Quelques remarques à propos du résultat des élections européennes d'hier

Avancée du Front National et recul du Front de Gauche sont deux points frappants du scrutin des Européennes de ce dimanche 25 mai 2014. Les explications sont simples.

Depuis des mois, parlant avec des militants très hostiles au Front National et se définissant « à gauche », je leur faisait remarquer : « pourquoi déroulez-vous un tapis rouge devant Marine Le Pen ? »

De quel tapis rouge s'agissait-il ? De celui de l'Europe et l'euro : tout le monde voit clairement que l'Europe et l'euro sont une quintessence de merde. A part des hypocrites, idiots ou démagogues, on voit bien que c'est depuis l'arrivée de l'euro que les prix dansent et les petits revenus stagnent. Et que c'est au nom de l'Europe qu'on fout en l'air tout ce qui marche bien dans les pays européens, dont la France. Pour remplacer ce qui marche par de la merde libérale.

Alors, la conclusion est évidente : « l'Europe à la poubelle et l'euro avec ! » Comme je le dis ironiquement à des Italiens, quand j'en croise, et qui sont d'accord :

« Per l'Europa e l'euro abbiamo due possibilità, alla scelta : o la patumiera, o la spazzatura. »

Ce qui signifie :

Pour l'Europe et l'euro, nous avons deux possibilités : au choix la « patumiera » ou la « spazzattura ».

En italien, « patumiera » et « spazzatura » sont deux synonymes usuels qui signifient la même chose : la poubelle.

Mais, quand je dis la même chose à des militants français anti Front National et déclarés « de gauche », là c'est la panique.

Ils s'accrochent à l'euro et l'Europe comme à des fétiches inestimables.

Pour l'euro, ils ont peur : « ah, mais si on sort de l'euro, ça n'arrangera pas forcément les choses, il vaut mieux le garder ».

Et, pour l'Europe, voilà la formule magique : « il faut une Europe sociale ! »

Mais, en attendant, des millions de gens, eux, voient que l'euro est arrivé avec la valse des prix et le blocage des salaires, pensions, allocations et retraites. Et que l'Europe, c'est la merde.

Et voilà nos chers militants anti Front National et déclarés « de gauche » qui s'accrochent désespérément à ce mot en six lettres synonyme d'un autre en cinq lettres : Europe.

A croire qu'à force de l'avoir entendu seriner depuis des décennies sur tous les tons, ils ne peuvent pas se passer du sac à merde européen, parce que quoi ? Parce que c'est « l'Europe ».

Bel exemple d'obnubilation.

Marine Le Pen et ses amis, eux, de leur côté, ont très bien compris quel usage on pouvait faire du dégoût de l'euro et l'Europe. Pour capter les voix des mécontents, ils disent : « à bas l'euro et l'Europe ».

A part eux, qui dit la même chose ? Peu de monde parmi les organisations politiques françaises.

Quand l'électeur moyen, qui n'a pas d'opinion trop précise pour se situer sur l'échiquier politique va voter, il vote pour celui qui répercute son dégoût de l'Europe et l'euro.

Cette manière de faire pour capter les suffrages indépendamment de toutes orientations réelles a déjà été employé en 1917 en Russie.

Quand les libéraux et la gauche modérée de l'époque se sont emparés du pouvoir en février 1917 en Russie, c'était la guerre depuis août 1914. Et les Russes en avaient marre de la guerre.

Le nouveau pouvoir russe a repris la politique tsariste et continuait la guerre. Les bolchéviks, eux, ont déclaré que la paix devait se faire tout de suite. Les soldats russes désertaient du front ? Ils les encourageaient à le faire.

Le front s'est effondré cependant que les masses populaires ralliaient les bolchéviks.

Une fois ces derniers au pouvoir, la politique de paix à tous prix fut poursuivie avec difficulté.

Négociant avec les Empires centraux, les bolchéviks au pouvoir se virent exiger des contreparties gigantesques. On voulait leur prendre l'Ukraine !

Si les bolchéviks acceptaient, ils devenaient des traîtres. Alors, très futés, ils quittèrent les négociations sans rien signer, déclarant un état inédit pour le conflit en court : « ni paix, ni guerre ».

Les Allemands foncèrent. Et, alors, les bolchéviks revinrent signer tout ce qu'on leur demandait, déclarant qu'ils avaient démontrés qu'on les avait ainsi forcé à céder.

La politique de « paix à tout prix » et l'encouragement à la désertion du front était pure démagogie. Mais, captant la sympathie du peuple dégouté du conflit, elle avait permis la prise du pouvoir.

Par la suite, les bolchéviks firent la guerre, et comment.

Et gardèrent le pouvoir.

Aujourd'hui avec l'euro et l'Europe, le Front National utilise la même recette : la masse des gens ne veut plus de l'euro et l'Europe ? Il suit le mouvement et engrange des voix.

Cependant que d'autres restent englués dans le discours de l'Europe sociale, l'amélioration de l'Europe, etc. Mais, pourquoi ne pas parler alors de l'Humanité sociale toute entière ? Pourquoi l'Europe seulement ? Parce qu'ils sont englués dedans.

Pour les adversaires de gauche de la politique européenne, pour profiter du mécontentement anti-euro et anti-Europe, il suffirait de dire publiquement : « à bas l'euro, à bas l'Europe ! » Et se dire dans sa tête que : pour le reste, on verra plus tard. Comme on fait les bolchéviks avec la paix en 1917. Ils ont suivi le mouvement et l'ont encouragé, pris le pouvoir, et avisé ensuite.

L'essentiel étant pour eux la prise du pouvoir.

S'agissant du recul du Front de Gauche, un élément a aussi joué : dans beaucoup de grandes villes dont Paris, à l'occasion des élections municipales, le Parti Communiste s'est allié au Parti Socialiste contre le Parti de Gauche. Puis, pour les Européennes, a retrouvé le Parti de Gauche contre le Parti Socialiste.

Un militant parisien du Parti Communiste que j'ai rencontré au moment de la campagne pour les municipales, m'a dit à ce sujet : « à Paris, nous avons eu raison de nous allier avec le Parti Socialiste. Les élus, c'est important ! Sinon, on perd de l'argent ! »

Les électeurs ont vu de leur côté le Parti Communiste allié au Parti Socialiste aux élections municipales dans quantité de grandes villes dont Paris, et ensuite opposé au Parti Socialiste aux Européennes. Ce n'est pas très clair pour un électeur qui n'a pas sa carte ou sa sympathie pour le Parti Communiste et pense comme ce militant.

Ce manque de clarté a certainement contribué au recul du Front de Gauche aux Européennes.

Basile, philosophe naïf, Paris le 26 mai 2014





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