mardi 2 septembre 2014

275 L'erreur qu'on commet tous les matins

L'erreur qu'on commet tous les matins : celle de s'habiller. Nous avons l'impression une fois habillé d'être enfin nous-mêmes, prêt à affronter la journée. Or c'est totalement faux : en nous habillons nous abandonnons notre identité, devenons « gris », faux. D'être humain nous nous abaissons au rang de figurant social autodestructeur de lui-même.

On me rétorquera que si on s'habille c'est pour se protéger du froid. Quel froid ? Une bonne partie de l'année il ne fait pas froid à Paris. Et nous sommes très souvent logés dans des maisons trop chauffées.

Il s'agit de protéger notre pudeur. Quelle pudeur ? De quoi parle-t-on ? En quoi devrions-nous avoir honte de nous-mêmes ? Oui, mais on ne peut pas sortir de chez soi tout nu. C'est vrai, mais il y a un hic.

Nous nous empressons de nous habiller y compris quand il n'est nullement à l'ordre du jour d'aller dehors ou recevoir quelqu'un. Nous nous habillons en fait parce que nous sommes conditionnés pour.

Le résultat est que nous acceptons un très grave désordre dans la tête qui associe notre image au « nu », le « nu » au « sexe » et le « sexe » à la « honte ». Nous avons honte d'être nous-mêmes. Comment dans ce cas pourrions-nous réaliser le vieil adage philosophique « deviens toi-même » ? En ayant honte d'être simplement soi, c'est carrément impossible.

Et quand le « nu » implique automatiquement le « sexe » il s'agit forcément d'un sexe malade. Car c'est également un sexe dérangé et obligatoire.

Quand j'ai eu 22 ans j'ai été l'objet d'un véritable complot de ma mère et notre médecin de famille pour que je saute enfin le pas et perde ma « virginité ». Parfaite stupidité : en quoi le fait de ne pas avoir « fait l'amour » est un problème quand on n'en souffre pas ? La chose ne m'intéressait pas, et alors ? Serais-je resté « puceau » jusqu'à aujourd'hui, quarante-et-une années après, en quoi serait-ce un problème ? Et aurais-je perdu « ma virginité » à trente, quarante ou cinquante ans où est le problème ?

Le faux problème ici était de vouloir suivre « la norme » et m'entrainer dedans. Quelle norme ? Vous savez, ces jolies statistiques où on relève l'âge où les jeunes français ont enfin passé à la casserole sexuelle.

Alors, comme j'échappais à la norme, on m'a mis sur le droit chemin. Et avec quel résultat ?

Le résultat est que j'ai rejoins pour quatre dizaines d'années le troupeau de connards hallucinés obsédés par l'objectif de mettre leur engin dans un trou. En fait, l'échange, le partage, la communication, l'écoute de soi-même et de l'autre ne font pas partie de la sexualité « officielle ». Celle-ci est vécue comme une addiction, en tous cas chez les garçons. Addiction conduisant à la recherche forcenée de sa dose d'endomorphines d'origine sexuelle.

Les endomorphines produites par la satisfaction d'arriver à bander, d'arriver à pénétrer, les endomorphines produites par l'éjaculation et la satisfaction du devoir accompli. L'amour et le respect de l'autre passant à l'as au profit de cette quête toxicomaniaque.

Il y a bien des années, j'étais amoureux durant des années d'une demoiselle. Et, obsédé par l'idée de parvenir un jour à lui mettre mon truc dans son machin, chose qui n'est jamais arrivée.

J'échafaudais les plans les plus invraisemblables pour y parvenir. Plans qui restèrent à l'état de rêveries.

Or, tout en désirant de toutes mes forces parvenir à faire « la chose » je m'interrogeais. Comment se fait-il que je suis tant intéressé pour y arriver tandis que je sais également et pertinemment que la fille en question a une sensualité proche de zéro. Et que si l'acte sexuel arrive avec elle il sera certainement très décevant ?

Ce n'est que tout dernièrement que j'ai trouvé la réponse à cette question. Il s'agit-là d'un classique de l'addiction.

J'ai eu l'occasion de connaître une jeune fille gravement alcoolique. Celle-ci a expliqué un jour à une amie commune qui me l'a rapporté, la chose suivante :

La jeune fille alcoolique avait besoin de boire chaque jour un litre de vodka. Elle ne pouvait pas s'en empêcher. Elle en ressentais absolument le besoin. Et ne prenait aucun plaisir à le boire.

Pour l'acte sexuel que je souhaitais obsessionnellement avec la fille dont j'étais amoureux, c'était pareil. Il ne s'agissait pas de plaisir, recherche du plaisir, mais j'en étais venu à un automatisme. Il fallait y arriver, même si le résultat jouissif envisageable serait nul.

Depuis que j'ai démonté le mécanisme de base du dérangement sexuel qu'on m'avait mis dans la tête à partir de mes 22 ans, je vais beaucoup mieux. Pour démonter ce mécanisme il suffit d'y opposer le fait de ne souhaiter l'acte sexuel qu'en cas de désir authentique et réciproque. Et pas d'un raisonnement d'origine culturel qui vous envoie « droit dans le mur ».

Quand on s'échappe du conditionnement, on appréhende l'autre différemment. Comme on n'attend plus de lui des choses absurdes, la relation devient infiniment plus pleine, satisfaisante, positive.

Il est inutile et superflu de se fatiguer à chercher à réveiller les autres, qui n'ont rien compris. Et surtout ne cherchent pas à comprendre la raison de leurs échecs et déceptions amoureuses à répétitions. Il s'appliquent à faire leur propre malheur. Leurs efforts sont récompensés ! Contentons-nous de ne pas faire comme eux.

Il faut aussi, le plus fréquemment possible, refuser l'erreur que la plupart commettent chaque matin. Rester au naturel est infiniment agréable. Que ce soit pour lire, éplucher des carottes, ou, par exemple, taper ce texte sur l'ordinateur.

Quantité de gens sont nus chez eux, mais bien sûr, ne s'en vantent pas en public. De quoi auraient-ils l'air s'ils en parlaient ? L'intolérance règne ici, comme dans bien d'autres domaines. Il faut se taire si on ne fait pas « comme tout le monde ». Ou, plus exactement, si on ne fait pas comme sont sensés faire tout le monde.

Devoir se taire, devoir s'habiller, peut sembler être somme toutes de bien petites choses. Mais l'accumulation des petites choses qui vont de travers finissent par former une large part du grand fleuve de l'enfer. Fleuve que l'homme fabrique pour lui-même, ses frères, ses sœurs et ses enfants.

Alors, sachons avec patience, précision et persévérance accumuler des petites choses qui vont bien pour construire petit à petit notre Paradis et celui de nos amis.

Basile, philosophe naïf, Paris le 2 septembre 2014

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