dimanche 28 septembre 2014

282 À propos de « l'incestuel » : ne pas poser les bonnes questions

Sur Internet je suis tombé sur un mot sur le sens duquel j'ai voulu faire ma petite enquête : « incestuel ».

Travaillant sur « l'inceste » un psy français a inventé ce terme. Par « incestuel » il voulait définir un climat familial où, sans qu'il y ait acte de chair entre personnes apparentées de manière proche, diverses souffrances naitraient de ce climat.

L'idée paraît intéressante. Reste comment on la traite. Voilà un site Internet où un psy déballe ses cas cliniques et où il les explique. Un enfant perturbé auquel il a à faire n'arrête pas de dessiner des zizis. Et il est très gêné par la vue du zizi de son grand père qui se balade à poil tout le temps et en présence de son petit fils. J'abrège le reste, où le psy fait l'apologie de la pudeur, consistant à se cacher pour se laver, pisser ou chier.

Le psy intervient et prohibe toutes les manifestations intra-familiales de cette absence de « pudeur ». Le grand père va se rhabiller. On ferme la porte des toilettes quand on pisse ou chie. Et le petit garçon perturbé va beaucoup mieux. Il cesse de dessiner des zizis sans arrêts et travaille mieux à l'école. Va mieux en général...

D'où, notre vaillant psy déduit que la pudeur, rebaptisée à l'occasion « intimité », il n'y a rien de tel pour être équilibré. Sauf qu'en concluant son travail ainsi, il passe à côté du vrai problème. Il est comme ces médecins qui déclarent qu'on peut sans mal pour sa santé boire une certaine quantité de boissons alcoolisées. Renseignement pris, cette quantité est exactement équivalente à celle qu'ils s'autorisent eux-mêmes à boire.

La « pudeur » en question, dont ce psy vante la légitimité, c'est celle qui l'arrange lui, dans sa vie.

Au passage, il dit qu'à un âge plus avancé, il est normal de rencontrer la nudité, pour pratiquer le sexe...

La question que ce psy refuse de poser est la plus simple qui soit : « pourquoi ce petit garçon éprouvait de la gêne à voir son grand père nu ? »

La simple nudité n'a aucune raison de choquer un petit enfant auquel on n'a pas encore bourré la tête en lui expliquant qu'il faut la cacher au regard des autres. Mais elle gêne un enfant dans un cas précis. Il s'agit de l'intention. Être nu est complètement innocent. C'est notre état naturel. La perversion consiste à se cacher. Et plus la partie cachée est réduite, plus c'est obscène. Un minislip de bain moulant le « service trois-pièces » masculin est parfaitement ignoble.

Si nous sommes en tenue naturelle, c'est-à-dire sans vêtements, ça ne choque personne, si les préjugés de la société ne sont pas passés par là. En revanche, il est une façon d'assumer cette tenue qui est parfaitement dérangeante. C'est l'exhibitionnisme.

J'ai pris au moins trente ans pour répondre à une question que je me suis posé un jour. Ma mère quand j'étais petit, se baladait à la maison comme ce grand père. Et la vue de son sexe me dérangeait horriblement. Je n'en disais rien. Elle n'était pas nue, mais en bas souvent ne portait rien.

J'ai compris l'origine de cette gêne en faisant le rapprochement avec un propos de mon père. Dans la porte de notre salle de bains il y avait plusieurs petits trous. Un jour, en se marrant, mon père explique qu'à treize ans, mon frère aîné les a foré pour espionner ma mère quand elle prenait son bain. Il trouve ça drôle, mon père ! C'est exactement ce qu'on appelle un climat incestuel. Pas d'acte sexuel, mais des comportements douteux. En particulier celui de rire de cette histoire de porte forée et ne rien trouver, mon père comme ma mère, de dérangeant à cette histoire.

J'en ai déduit qu'en fait les évolutions déshabillées de ma mère procédaient d'une forme d'exhibitionnisme. Et cela, je le sentais, étant enfant. C'est ce qui me dérangeait. Pas la nudité, qui est innocente par elle-même, mais l'intention exhibitionniste, qui procède de notre culture. Culture où à la nudité on colle une qualité « sexuelle » impérative qu'en fait elle n'a pas

J'ai eu l'occasion de ressentir de manière forte l'innocence de la nudité authentique à diverses reprises.

Un soir j'étais au bord de la plage de Palavas-les-Flots. Elle était déserte, excepté une jeune femme et ses deux petits enfants. Je les observais. Et trouvais sans comprendre pourquoi, la jeune femme fascinante.

Et j'ai compris la raison de cette fascination. Cette jeune mère évoluait seins nus sur la plage, ramassant les affaires de ses deux enfants, et le faisait avec le plus parfait naturel. Elle était seins nus sans être mal à l'aise. Comme c'est souvent le cas en France, pour ce que j'ai vu, avec les femmes seins nus sur la plage. Elles passent le temps à être ennuyées par l'exposition de leurs mamelles au regard des hommes. Que de fois n'en ai-je vu debout croisant les bras, pour dissimuler leur poitrine ! Ou restant le plus longtemps possible allongées sur le ventre. En fait, ces femmes ne sont pas dans la nudité innocente, originelle, en quelque sorte, mais dans la nudité intentionnelle. Vous voyez mes seins, je suis seins nus, regardez... Ça n'était pas le cas de cette femme. Peut-être parce que c'était le soir et qu'elle avait pour tout public proche ses deux petits enfants. J'étais loin.

Cette vision de la nudité originelle, je l'ai éprouvé une autre fois, il y a des années, lors d'une représentation au théâtre de la Cité universitaire à Paris.

Pour je ne sais plus quelle raison, à un moment donné, face à moi s'est assise une jeune femme sur le bord de la scène. Elle portait une jupe assez courte, tenait ses cuisses assez écartées. Et là j'ai constaté qu'elle ne portait rien en dessous et son sexe était parfaitement visible. Or, manifestement elle ne s'était pas aperçue de ce qu'elle laissait voir ainsi. Elle n'en avait pas conscience. Ce spectacle était d'une douceur incroyable. En ce sens que cette jeune femme laissait voir son sexe avec l'innocence d'un bébé. Elle n'avait aucune intention et c'est ce qui faisait le charme de cette situation, ce spectacle anatomique dans sa forme totalement inédite pour moi. Et que je ne ressentais absolument pas comme érotique ou pornographique. L'intention de la personne qui montre ou laisse voir est essentielle pour la perception de celui ou celle qui regarde.

Si la personne est gênée ou cherche à vous montrer quelque chose, cela crée un malaise. Malaise plus ou moins bien vécu. Quand on est enfant, il est très mal vécu.

Chercher à exhiber son « corps », son sexe, est un comportement malade, déséquilibré, qu'on a baptisé exhibitionnisme. Mais chercher obsessionnellement à cacher son corps, son sexe, est aussi un comportement malade, déséquilibré : c'est du dissimulationnisme. Chercher à regarder à tous prix le corps, le sexe d'une autre personne, c'est du voyeurisme. Chercher à tous prix à éviter de regarder le corps, le sexe d'une autre personne, c'est de l'aveuglisme.

Le dissimulationnisme et l'aveuglisme n'ont jamais à ma connaissance été qualifiés en tant que tels. Car ces comportements malades s'accordent parfaitement bien avec la morale malade de notre société malade.

Basile, philosophe naïf, Paris le 28 septembre 2014

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire