dimanche 5 octobre 2014

288 Bien mourir

J'ai écrit ce poème pour une jeune fille croyante qui est très triste car elle vient de perdre sa grand mère. Elle a été à ses funérailles.

Je déteste la mise en scène des funérailles destinées à vous faire croire à une fin définitive de la personne qui a quitté son existence terrestre visible.

C'est une insulte à ceux qui croient et un coup porté à ceux qui ne croient pas.

Que les imbéciles hypocrites payés des pompes funèbres aillent faire leur cinéma ailleurs !

Ils prennent des airs contrits, alors qu'ils s'en foutent. Et cherchent à vous enfoncer par conscience professionnelle...

Je me souviens de la mort de ma mère. Après avoir été longtemps malade et avoir perdu sa tête, elle disparaît un jour. Le soir de sa disparition mon frère aîné passe chez moi m'annoncer la nouvelle.

La nuit qui suit, je revois ma mère en rêve. Métamorphosée et différente de ces dernières années, souriante et en pleine forme. On se parle. Je fini l'entretien en disant :
« Alors, à bientôt ». Elle paraît surprise. J'ajoute une explication : « parce que tout le monde meurt ».

Je crois que je peut parvenir à lui serrer la main en partant (sortis de la très petite enfance, on ne se touchait pas dans ma famille, pas de bise). Et réalise alors qu'elle est d'une autre nature que moi. D'une certaine façon, en cherchant à la toucher avec ma main, ma main ne la touche pas, ne parvient pas à le faire. Ma main s'est en quelque sorte « mêlée à un gaz  ». Parce que je fais partie des vivants, je ne peut plus parvenir à toucher physiquement ma mère. Parce qu'elle est passée dans une espèce d'autre constitution, état, le mot n'existe pas pour définir cette différence étrange qui sépare les morts qui ne sont pas en fait disparus et les vivants.

Je pense que cette nuit-là j'ai revu ma mère qui avait beaucoup d'affection pour moi. Que ce n'était pas un rêve ordinaire, mais une vision.

Puis ce furent les obsèques, où nous avons eu droit au cinéma des professionnels de l'enterrement. Ne pratiquant aucune religion, nous n'avions pas prévu de cérémonie religieuse. Et voilà que, sans rien nous demander, le monsieur qui gagne sa vie avec la mort nous passe à chacun une rose rose prélevée sur un bouquet et nous dit d'« avancer pour un dernier adieu ».

De quoi je me mêle ! On ne lui avait rien demandé. Que signifiait cette intrusion dans nos cœurs, nos consciences ?

Si on est croyant, le mort n'est pas mort et poursuit sa vie dans une autre expression de celle-ci. Si on n'est pas croyant, il n'est plus là du moment qu'il a cessé son existence terrestre visible en ne vivant plus.

Dans les deux cas, parler de « dernier adieu » aux obsèques m'apparaît comme une obscénité déprimante.

J'ai jeté la rose comme on s'en débarrasse. Pas pour faire comme un « dernier adieu ».

En m'approchant à cette occasion de la fosse ouverte, j'ai vu que sur la boîte, des crétins ont mis une plaque portant le nom de jeune fille et de femme mariée de ma mère, son prénom et ses dates de naissance et décès. Je ne suis pas d'accord.

Si on est croyant, comme moi, elle n'est pas dans la boîte. Si on n'est pas croyant, elle n' y est pas non plus.

Une dernière chose, un conseil pratique : si vous allez aux obsèques d'une personne chère, ne cherchez surtout pas à vous demander ce que ressentent les autres présents. C'est la meilleure façon de vous effondrer moralement. Contentez-vous de votre chagrin, c'est déjà largement suffisant.

C'est un conseil fruit de mon expérience. Croyant, je tenais plutôt bien moralement aux obsèques de ma mère. Jusqu'au moment où, regardant mon frère aîné, qui, silencieux, faisait une tête des mauvais jours, je me suis demandé ce qu'il ressentait. Et là, subitement, pour moi, moralement, ça n'allait plus du tout. Au point que mon père a eut alors un geste affectueux pour me réconforter.


Bien mourir

Bien mourir, c'est arriver à un état où on se dit, on dit à son entourage, très sereinement et tranquillement : « qu'on me laisse partir ».

Qu'on me laisse partir. J'ai fais mon temps ici. La vie, ma vie, continue ailleurs.

Et l'on s'en va, tranquillement, sereinement, poursuivre son chemin, tracer sa route, finir et continuer sa vie.

Car rien, ni personne, ne s'arrête jamais.

Toute fin de vie est une illusion.

La vie, ma vie, votre vie, notre vie, est infinie.

Je vous souhaite une très bonne et heureuse éternité.

Basile, philosophe naïf, Paris le 5 octobre 2014


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