jeudi 6 novembre 2014

295 Le mirage de « l'efficacité » et le mythe de l'argent roi

Il arrive que les pires erreurs prennent l'apparence des évidences les plus justes et éclatantes. Il en est ainsi du mirage de « l'efficacité » consistant à se dire : « pour être efficace, il faut être nombreux, forts et organisés ». C'est quelquefois l'inverse qui est exactement obtenu.

Quelques exemples de ce genre de catastrophes dans divers domaines illustrent cette erreur fondamentale.

Ainsi il en est de la catastrophe européenne. On réunit vingt-huit nations dans une nasse baptisée « Europe ». Soi-disant, elles vont ainsi former ensemble un super-état. Le résultat est un effondrement organisé, un suicide collectif, une destruction de richesses humaines et matérielles phénoménales. Qui promet de s'accentuer dramatiquement avec les traités TAFTA et TISA sommets de la barbarie organisée en cours de négociation. Les potentats européens politiques ou financiers profitant de la démolition européenne en injectant dans les veines des vingt-huit pays concernés le venin mortel du libéralisme sans frein. L'argent devenant le seul but et moteur de la société au détriment de la culture, de l'amour, de l'être humain et de la prospérité réelle. Domine à présent le profit aveugle, la recherche de l'accumulation effrénée et insatiable par une minorité de l'argent qui soi-disant permet tout. Alors que, comme tout ce que les humains font, imaginent, inventent, l'argent ne permet pas tout.

Quelle que soit la fortune dont vous disposez, essayez de déplacer Noël en avril et Pâques en décembre. Vous n'y parviendrez pas. Si riche que vous soyez, votre argent ne vous permettra pas d'y arriver.

Mais le mythe de l'argent-roi est là. Au Moloch du profit tout doit être sacrifié, y compris tout ce qui fait de la Civilisation les bienfaits. La haine de l'humain a pris le pouvoir et détruit tout.

La prétention à l'efficacité fruit du nombre, de la force et de l'organisation montre également son caractère erroné et lamentable dans un domaine essentiel : celui des hôpitaux. Des crétins criminels très organisés et spéculant dans l'immobilier se sont spécialisés dans la liquidation des hôpitaux et maternités de proximité. Pour ces rapaces l'idéal consiste à créer des hôpitaux géants et des usines à bébés en lieu et place d'hôpitaux plus nombreux et petits et de maternités de tailles plus modestes.

Les assassins en blouse blanche, costard cravate ou jupe tailleur qui promeuvent ce genre de « solutions » dans de nombreux pays vont aujourd'hui à l'encontre de travaux scientifiques qui établissent de façon irréfutable que dans un immense hôpital la vie des patients est plus menacée que dans un hôpital de taille plus réduite.

Eut égard aux juteux profits immobiliers permis par la liquidation de nombreux établissements hospitaliers situés en ville, les responsables de cette politique calamiteuse ne sont pas prêts de renoncer à leur nuisance. Ils savent très bien ce qu'ils font en agissant ainsi. Ils tuent. Ils tuent des malades, des accidentés, des vieillards, des blessés de guerre, des femmes enceintes, des nouveaux-nés, des enfants... Ça ne les dérange nullement. Ces criminels aiment plus l'argent que la vie de leur prochain. Quant à l'amour de leur pays, de leur ville, leur village, leur Civilisation, leur quartier, leur province, leur vallée, ils y sont étrangers. L'amour de tout ce qui est vrai et juste n'existe plus pour eux. Seul leur importe l'attachement passionnel à leur compte en banque personnel. Quant à l'amour d'une femme, ils le remplacent par la fréquentation des poules, jeunes, belles et rémunérées.

Dans un domaine officiellement moins important que le devenir des vingt-huit moribonds européens ou des hôpitaux et maternités, le mythe de « l'efficacité » fait également obstacle et désordre. Il s'agit du domaine de la fête et du Carnaval.

La prospérité de la fête et du Carnaval repose sur une organisation multiple et à échelle humain : la société festive et carnavalesque indépendante comprend un petit nombre de membres, moins de vingt. Là où le Carnaval prospérait jadis, à Paris, les sociétés en question, souvent baptisées « goguettes » comprenaient dix-huit membres. A Dunkerque et dans ses alentours, leur taille se limite le plus souvent à douze membres. Du temps où des centaines de goguettes existaient à Paris, le Carnaval était immense. A Dunkerque et dans les villes alentours le Carnaval fait descendre toute la population costumée et chantante dans la rue. Jadis, partout en France existaient des petites sociétés et le Carnaval prospérait. A partir du moment où on a pu et voulu faire plus grand, efficace, organisé, on a tué la fête populaire.

Une joyeuse Dunkerquoise rencontrée à Paris me disait tout dernièrement : « Quand vient l'hiver, chez nous, à Dunkerque, on est heureux, on a le sourire, car c'est le Carnaval. Tandis qu'à Lille, ils sont tout tristes, parce que c'est l'hiver et le temps est mauvais ! »

Aujourd'hui, il faut faire renaître les goguettes, à Paris et ailleurs. C'est un mouvement des plus difficiles à démarrer, car le mythe de « l'efficacité » aveugle le plus grand nombre. Qui croit que pour que la fête revienne à grande échelle il faut de grandes organisations riches et centralisées.

Renoncer à la vie vivante au profit du mirage de « l'efficacité » et du mythe de l'argent-roi a un coût. Il amène à renoncer à l'amour et la tendresse. La vie de l'homme est un tout. Quand on en démolit un morceau, le reste perd l'équilibre et s'effondre.

Par quoi remplace-t-on l'amour et la tendresse ? Par la même prétention à la recherche de la maudite « efficacité ». On peut, on doit « profiter », mais qu'est-ce que ça amène au juste ?

Ça amène un des phénomènes les plus ignobles et infects qui soit : « l'auto-viol ». Quand il est possible techniquement de « faire l'amour » et qu'on n'en a en fait pas envie, on passe à l'action. C'est le moment de mettre le truc dans le machin, de pratiquer le sexe théâtralisé où chacun remplit le rôle qui lui est reparti. Sans éprouver un désir authentique et véritable.

On se viole soi-même. C'est pourquoi il s'agit d'un « auto-viol ».

On fait « comme tout le monde » : on baise sans désir véritable. Et « tout le monde » fait comme vous : tout le monde baise. Et ruine la relation entre les parties concernées.

Les organes utilisés ainsi abusivement protestent, se rebiffent. Souvent, à la longue, il n'y a plus d'érection. On dit que « c'est l'âge ». Ou, au contraire, l'éjaculation arrive trop vite. Et, avec ou sans elle, le plaisir est absent. Un sondage révélateur récent indiquait que nombreuse, très nombreuse étaient les femmes qui préféraient un bon repas à une séance de baise.

On ne doit s'aviser de « faire l'amour » que quand un désir véritable et partagé existe. Pas parce que simplement c'est techniquement possible. Et que des générations de crétins ont pratiqué la chose dès que c'était techniquement possible. Alors qu'un désir authentique et véritable n'était pas éprouvé par les parties concernées.

Un autre phénomène dévastateur de l'amour et la tendresse est la sexualisation abusive de l'être humain nu. Soi-disant, être nu, est « sexuel ». C'est faux.

Une conséquence dramatique du désordre de la société humaine pourrie par le mirage de « l'efficacité » et le mythe de l'argent-roi est d'avoir interdit la tendresse la plus basique et élémentaire : celle qui consiste à dormir ensemble.

Si je dors avec un homme, c'est homosexuel. Si je dors avec une femme, c'est hétérosexuel. Si je dors avec un couple, c'est bisexuel. Si je dors avec deux femmes, c'est une orgie... et ainsi de suite, il n'est pas possible sans baiser d'envisager la plus simple et élémentaire tendresse de base consistant tout simplement à dormir avec quelqu'un. Il faut soi-disant que ce soit sexuel. Et pourquoi donc ?

On n'a le choix uniquement entre une relation de baise ou la solitude. La tendresse avec le cul. Ou pas de tendresse. Si vous voulez quand-même malgré tout de la tendresse, prenez un chien, adoptez un chat... C'est triste et ridicule, sauf pour les chiens et les chats, qui en profitent bien. L'amour est perverti, la nudité interdite, la solitude et la détresse affective organisée. Si vous avez mal à l'âme, prenez des tranquillisants ou allez consulter un psy. Mais, si on a faim, il ne s'agit pas de prendre des médicaments, mais de manger. Mais, manger est interdit. Il faut « l'amour » avec le cul ou rien. Et, en général, bien souvent, c'est plutôt rien. Nous vivons entourés de gens affamés de tendresse et d'amour, comme nous. Et la plupart du temps impossible d'aller vers eux. Ou de les laisser aller vers nous. Au nom de « l'amour » on assassine l'amour en systématisant abusivement le cul.

« Oui, mais, me diront certains, si tu vas nu dormir avec une jolie femme nue, tu vas bander. »

« Oui, admettons que ça arrive, répondrais-je, eh bien, ça n'a aucune importance essentielle. Diverses raisons, comme le simple plaisir font bander. »

« Si tu bandes, c'est que tu as envie de baiser. »

« C'est faux. »

« Mais, si tu bandes et a envie de baiser ? »

« Aucun problème, si l'autre en a aussi envie, alors on fait l'amour. »

« Et si l'autre n'en a pas envie ? »

« Alors, dans ce cas, on ne fait rien. »

« Et si l'autre en a envie et pas toi ? »

« Alors, on ne fait rien. »

« Et si l'autre alors se fâche ? »

« Eh bien, qu'il se fâche ! »

« Et si, fâché, il ne veut plus te voir ? »

« Eh bien, qu'il aille au diable. Je ne suis pas une machine sexuelle à son service ! »

« L'efficacité » que soit pour l'Europe, les hôpitaux et maternités, la fête et le Carnaval, ou au lit avec une charmante créature, ça n'existe pas.

Seul compte l'authenticité.

Basile, philosophe naïf, Paris le 5 novembre 2014

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