mercredi 19 novembre 2014

302 A propos de la mort de Rémi Fraisse

La cause de la mort tragique de Rémi Fraisse est politique. Elle s'explique par le précédent de la résistance écologique organisée contre la construction de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes près de Nantes.

Qu'est-ce que la différence entre la guerre et le maintien de l'ordre ? A la guerre, l'objectif recherché est d'anéantir, tuer l'ennemi. Dans le maintien de l'ordre, l'objectif est de le faire partir. Dans les années soixante ou soixante-dix je me souviens comment des manifestants s'étonnaient à Paris. « Tu te rends compte ! La police a barré et bloqué toutes les rues et en a oublié une ! » C'était frappant, ce contraste entre le barrage policier de tout un ensemble de voies publiques, parallèlement à une grande et vaste rue rigoureusement vide de toutes présences en uniformes ! Il ne s'agissait en aucune manière d'un « oubli ». C'était en fait la voie laissée libre pour que les manifestants puissent s'en aller !

Les moyens mis en œuvres pour faire partir les manifestants sont multiples. Grenades lacrymogènes, charges de police, barrages hermétiques ou filtrants empêchant les regroupements de manifestants, etc. Pour s'y entrainer existe en France, à Bourg-Lastic, une petite ville artificielle où policiers et gendarmes jouent le rôle de manifestants ou de policiers. C'est là que les policiers sud-coréens à la veille des jeux olympiques de Séoul vinrent s'entrainer. Tout cet entrainement concerne le milieu urbain.

A Notre-Dame-des-Landes la police a été confronté à un cadre totalement différent : campagnard, champêtre et forestier. Et à des manifestants extrêmement motivés. Or, l'entrainement en milieu urbain ne correspondait rigoureusement pas aux conditions rencontrées. Comment « faire partir » d'une vaste étendue des manifestants se dispersant, se regroupant, ne se décidant pas à partir ? Menant une espèce de guérilla ? On a vu alors des gendarmes mobiles courirent en forêt. Déverser des quantités énormes de gazs lacrymogènes. Face à des manifestants ricanant, sûrs de leur bon droit et résistant, par exemple, en occupant des arbres ! Plantant des légumes, se mettant tout nus pour aller à quatre pattes renifler le bas des boucliers des policiers. Que faire en pareil cas ?

La police chercha à utiliser la méthode qui s'était révélée très efficace en d'autres endroits. Des gendarmes en civils se mêlant aux manifestants, mirent soudain des brassards gendarmerie, pour arrêter des militants écologistes pris en flagrant délit de caillassage de la police. Et zou ! Au trou, pour six mois, ça devait impressionner, faire peur et déguerpir les autres. Échec total ! Avec concert de ricanements et protestations, lettres et colis de soutiens aux emprisonnés. Les autres écologistes ne partirent pas du terrain d'affrontement de Notre-Dame-des-Landes. Résultat, défaite du gouvernement, non encore reconnue officiellement. L'aéroport contesté ne sera pas construit.

Les politiques n'aiment pas perdre. Arrive sur le devant de la scène la question de la retenue d'eau de Sivens. « Comment cette fois-ci vaincre les protestataires ? » se demandent les politiques.

Raisonnement lambda : « utilisons d'emblée du matériel très violent, comme ça, ils dégageront ! » Instructions d'être « très fermes » est donnée aux forces de gendarmerie envoyées à Sivens. Et d'utiliser des grenades offensives. Qui sont en fait des engins de guerre et pas de maintien de l'ordre. Cette décision est prise très certainement au plus haut niveau, au minimum à Matignon, sinon à l'Élysée. Les gendarmes mobiles suivent les ordres. On connait la suite. Vraisemblablement s'étant logée entre le dos et le sac à dos de Rémi Fraisse, une grenade offensive le tue net. Les gendarmes mobiles ont exécuté les ordres donnés. La responsabilité de ce qui est arrivé est gouvernementale au plus haut niveau. Et marque un tournant politique fondamentale aujourd'hui en France.

Basile, philosophe naïf, Paris le 19 novembre 2014

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