mercredi 10 décembre 2014

314 Gestion patronale ou autogestion, désordre capitaliste ou ordre autogestionnaire

La misère, la guerre, la prostitution, le trafic d'humains, armes, drogues, la propagande pour le fanatisme et les sectes, l'abrutissement télévisuel, la pourriture publicitaire, la prospérité des drogues légales comme le tabac et l'alcool, le parasitage social dans le domaine de l'amour, et mille autres horribles fléaux ravageant et dévastant océans, montagnes, forêts, villes et Humanité entière n'existent aujourd'hui que parce que l'argent et le capitalisme existent.

La corruption et la colonisation financière est assurée par l'argent : la Grèce vendue, l'Hôtel Dieu de Paris en voie de liquidation, l'hôpital du Val de Grâce condamné, l'aéroport de Toulouse et le port du Pirée vendus aux capitalistes chinois, tout cela n'est possible que parce que l'argent existe. Mais l'argent n'a pas toujours existé, pas plus que le capitalisme. Si cet outil et ce système qui n'ont pas toujours existé ne fonctionnent plus, il faut inventer d'autres choses pour les remplacer, mais quoi ?

J'ai entendu pour la première fois parler de l'autogestion peu après les événements de mai et juin 1968. C'était au moment de la campagne électorale pour les présidentielles de 1969. Rocard, alors dirigeant d'un parti appelé PSU vantait à la radio l'autogestion yougoslave.

Pour ma famille, c'était plutôt de la contre-publicité. La Yougoslavie ne nous faisait pas rêver. A l'époque, et encore durant des années, on voyait poser la question suivante : « si vous êtes pour le socialisme, lequel préférez-vous ? Le russe, le chinois, le yougoslave ou le suédois ? Et ne préférez-vous pas plutôt la prospérité à l'américaine ? » On était sommé de choisir son « paradis » sur Terre, son modèle incomparable de société future française.

Le temps a passé, il n'y a plus aucun modèle de « socialisme » sur le marché. Et le capitalisme a étendu son empire sur la planète entière. Il ne fonctionne plus. Il ne fabrique pas de la richesse mais de la misère. Il ne produit pas la paix mais la guerre. Il ne développe pas la Culture mais sert de terreau à des fanatismes divers. Il est plus que temps de lui trouver un successeur.

Entendant des militants dits « de gauche » ânonner le mot « autogestion », j'en suis arrivé à trouver que ce mot leur servait en quelque sorte de gadget. Une formule magique en guise de réponse à la question : « qu'est-ce qu'on met à la place du capitalisme ? » Je viens de changer d'avis et vais ici expliquer comment.

J'ai ouvert un livre de Voline intitulé : «La Révolution oubliée ». Dedans, vers les pages 259-266 est raconté une anecdote de la période de la révolution russe d'octobre 1917. A Petrograd, le patron de la grande usine Nobel a fuit. Les 4000 ouvriers ont décidé de remettre la production en route.

Voline interroge leur assemblée. Mais, leur demande-t-il, avez-vous prévu comment alimenter l'usine en énergie ? Oui, répondent les ouvriers. Nous avons une commission qui s'est chargé de cette question pour assurer l'arrivée de l'énergie. Mais, demande Voline, pour la livraison des produits finis et la réception des fournitures indispensables à la production, avez-vous prévu de régler le problème des transports ? Oui, répondent les ouvriers, nous avons organisé une commission qui a contacté les travailleurs des chemins de fer et tout est prévu pour fonctionner. Et s'agissant des clients, comment allez-vous faire ? Demande Voline. Les clients ? Répondent les ouvriers, aucun problème, nous les connaissons et arriverons également à gérer cet aspect de la production. Je cite de mémoire, mais le sens y est.

Et là, la vérité m'est apparue clairement. Les ouvriers qui auto-gèrent l'usine ne font que prendre la place des patrons, qui font exactement la même chose : assurer l'alimentation de la production en énergie, matériaux, outils, livraison des produits finis et négociations avec les clients. Ils font exactement la même chose à une différence fondamentale près : le patron bichonne les intérêts de lui et ses amis actionnaires. Les ouvriers pensent à l'ensemble des ouvriers. En fait, « l'ordre » capitaliste est un gigantesque désordre. On le voit bien aujourd'hui avec « la crise ». Plus et mieux on produit, plus il y a de la misère pour le plus grand nombre et trop de richesses pour une poignée. L'autogestion c'est l'ordre enfin établi : l'ensemble des producteurs produisent pour satisfaire l'ensemble des besoins réels et pas la fringale absurde des milliardaires.

Les tenants de l'autogestion ne semblent pas savoir l'expliquer clairement. Et brandissent souvent le mot détaché de son sens. Ils feraient mieux de l'expliquer.

Durant les événements de mai et juin 1968, il y eut une grève générale de dix millions de travailleurs qui fut trahie et brisée par les directions syndicales. Cependant, au cours de cette grève survint un phénomène très instructif et intéressant dont personne ou presque n'a parlé :

L'ensemble des hôpitaux de l'Assistance publique parisienne était en grève. Au Kremlin-Bicêtre un grand hôpital s'est retrouvé sans direction. Les employés grévistes en prirent le contrôle et le firent fonctionner. Ça se passa très bien et dura au moins durant deux semaines. Il n'y avait plus de patron représentant l'état. C'était l'autogestion appliquée et réussie à l'échelle d'un grand hôpital de la région parisienne.

La grève terminée et trahie, la direction repris... la direction. On s'appliqua soigneusement à « oublier » l'épisode autogestionnaire. C'est un des gestionnaires de cette autogestion ouvrière de mai et juin 1968 qui m'en a parlé il y a bien des années.

L'autogestion ça n'est pas autre chose que les producteurs s'emparant de la production. Et ôtant son contrôle des mains de ceux qui la parasitent. Et sont incapables de la faire fonctionner correctement. Leur incapacité ayant été baptisée ces dernières années : « la crise ».

Les ouvriers de l'usine Nobel de Petrograd ne purent expérimenter l'autogestion. Un pouvoir prétendument ouvrier s'étant substitué au pouvoir bourgeois classique interdit l'autogestion et ferma l'usine en décembre 1917. Par la suite, une riche bureaucratie étatique se substitua aux patrons et actionnaires traditionnels. Ce fut le règne du capitalisme d'état qui devait durer sept décennies avant le retour au capitalisme classique en Russie. Tel que nous le connaissons encore aujourd'hui.

L'autogestion ne devrait faire peur à personne, sauf aux ultra-riches. C'est plutôt le capitalisme tel qu'il existe aujourd'hui qui a de quoi nous faire peur.

Aujourd'hui à Paris, a lieu pour la première fois dans l'histoire de France, une manifestation commune de notaires, huissiers et avocats. Ils s'opposent à la « loi Macron », qui doit les ruiner. Si les capitalistes en sont à vouloir ruiner et affamer les avocats, notaires et huissiers, c'est dire que les personnes de condition modeste ne pèseront pas lourd face aux appétits cannibales des ultra-riches et leurs serviteurs.

Il est grand temps de balayer le vieux fatras capitaliste. Je ne me réjouis pas de voir les notaires et huissiers ruinés, car je sais que ça signifiera que moi aussi je n'aurais plus de quoi vivre même très modestement. C'est l'amorce pour la France du cauchemar grec. Je n'en veux pas. C'est pourquoi je suis solidaire des avocats, huissiers et notaires contre la loi Macron. Et suis solidaire de tous ceux qui résistent aux ignominies bruxelloises. 
 
Basile, philosophe naïf, Paris le 10 décembre 2014

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