samedi 21 février 2015

349 Amour et goguette

Une goguette, c'est une société festive et chantante de moins de vingt membres. Ce qui signifie que le jour où elle marche « du tonnerre de Dieu » et compte dix-neuf membres... si on verra affluer les candidatures à participer en vingtième, vingt-et-unième position, etc. Il faudra dire : « Non ! Vous ne participerez pas à notre groupe qui marche si bien, qui vous paraît si sympathique. Non, vous n'entrerez pas ! Ça n'est pas qu'on vous chasse. Mais si nous sommes vingt et plus, ça ne marchera plus. Alors, allez créer une autre goguette et tout ira bien ! »

Ce comportement apparemment hostile et en fait destiné à réussir au mieux, se retrouve dans le domaine « de l'amour ». Voilà comment je le vois, en tous cas suite à mon expérience, qui ne doit pas être si exceptionnelle que ça :

Quand on cherche l'amour sans être spécialement plus clair et instruit qu'un autre, on se prend des coups. Ces coups finissent par créer une phobie de l'amour, de l'autre, du sexe qui vous attire. C'est l'amour-haine, le refus, le repli, la panique, le « je ne veux plus aimer », le « mais qu'est-ce qu'ils ou elles veulent ? »

A cette panique, reconnue ou non par soi, va s'ajouter une autre : comme on est privé de câlins, on connait une terrible fringale de caresses reconnue ou non... résultat, la seule hypothèse de se rapprocher de quelqu'un qui vous en fera se double de la peur de s'y attacher et que ça finisse mal. Effectivement, ça peut arriver. Sans compter la fréquente jalousie, dérangeante et dévastatrice, qui accompagne ladite peur. Peur que l'autre « s'en aille », « va voir ailleurs et vous quitte ». Peur d'autant plus vive qu'on a effectivement vécu un ou plusieurs moments où l'autre « s'en est allé ».

Quand on est enfant, on est câliné. Puis vient un moment dramatique, celui du « sevrage tactile ». Tu es devenu un « grand », plus de caresses ! Ce qui fait qu'arrivé à un âge où l'attirance se fait forte pour retrouver une intimité « physique » avec l'autre, on est dans l'ignorance des câlins. On ne les a pas vécu. On a beaucoup de mal à les appréhender, savoir comment les considérer, y arriver. Cette ignorance étant accentuée par les règles morales qui font que les adultes se cachent pour échanger des caresses. Alors, on grappille de ci, de là, des conseils, tous plus ou moins malavisés.

En particulier, on croit découvrir le « sésame ouvre-toi » de l'amour : on doit réaliser « l'acte sexuel ». Cette gigantesque ânerie consiste à mettre arbitrairement en avant cet acte en ignorant tout le reste. Les garçons en particulier, vont se mettre à harceler les filles. « Ils ne pensent qu'à ça » disait une très jeune fille interrogé un jour sur le comportement des garçons de son âge.

Comme cette bêtise et cette ignorance amènent à se poser des questions, on peut finir par rejeter l'anti-éducation reçue et se dire : « bon, il faut autre chose, agir autrement, se réformer, mais comment ? Où aller ? »

C'est là que le hiatus causé par des années d'ignorance, de non câlins, se révèle : on ne sait pas où aller.

La réponse, je l'ai trouvé : il faut se rapprocher des autres. Et si ceux-ci veulent reprendre les mêmes mauvaises recettes, par exemple chercher à « faire l'amour » sans en avoir vraiment envie, etc. Répondre, comme pour la goguette : « non, je ne veux pas agir ainsi : par exemple accepter la jalousie, se précipiter pour vivre ensemble ou faire l'amour sans en avoir vraiment envie. Car je sais que ça ne marche pas. Je ne te rejette pas. Mais pour que notre relation marche bien, justement, je ne veux pas suivre les recettes classiques, car elles conduisent tout droit, tôt ou tard, à l'échec. »

Basile, philosophe naïf, Paris le 21 février 2015

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