mardi 29 septembre 2015

422 Pourquoi avons-nous si peu de « vrais amis » ?

Pourquoi en général – il y a d'heureuses exceptions – faisons-nous un jour cette désolante constatation : « comme les vrais amis sont rares ! Ils se compte sur les doigts d'une main ! »

En fait, sans nous en rendre compte, c'est bien involontairement que, la plupart du temps, nous nous privons d'amitié. Comment ? De la plus simple façon : en lui tournant énergiquement le dos. Mais, attention ! En drapant notre muflerie dans de chatoyantes draperies, de « merveilleux motifs »... de pacotille. J'ai pu ainsi en faire l'analyse en étudiant un cas proche, si j'ose dire : moi-même. Je viens de dresser une liste. Plusieurs dizaines de noms, de personnes qui m'étaient chères. Auxquelles j'apparaissais sympathiques. Que j'ai proprement laissé tomber depuis des années en cessant de chercher à les rencontrer. Vous me direz : « oui, mais elles n'ont pas réagit ». Parfois oui, parfois non, ce n'est pas toujours vrai.

Ainsi, l'une d'elles, croisée il y a deux ans m'a dit : « rappelles-moi, passes nous voir en septembre ! » Nous étions en juin. Je ne l'ai jamais rappelé. Une autre, vers la même époque m'envoie une carte postale signée par elle et ses deux enfants. Une carte postale très gentille. Qu'est-ce que j'ai fait ? Rien. En me comportant ainsi je ne risquais guère d'entretenir l'amitié.

La cause qui m'a fait agir ainsi est courante. C'est, une fois de plus, mais il faut l'identifier, la terreur intérieure fruit de la sortie de l'enfance prolongée. Comme je l'ai déjà écrit : au départ, à la naissance, nous sommes des petits singes dotés de notre instinct originel. Puis, comme nos ancêtres et nos contemporains ont développé le savoir, on s'applique à nous le transmettre. Ce qui prend du temps. Alors qu'un petit singe humain est adulte vers l'âge de quatre ans – à partir du moment où il est capable de se nourrir seul, – nous entrons dans une enfance prolongée. Celle-ci sera la cause d'un trouble majeur. Car la sortie de cette enfance créera un terrible déséquilibre. Enfant prolongé nous nous sentirons perdu. Il nous manquera nos « parents prolongés ». Ce qui entraînera un sentiment de terreur intérieure. Et cette terreur intérieure nous entraînera vers des comportements perturbés. Entre autres, la recherche d'une créature chimérique : un papa ou une maman de remplacement. On appellera cet être fabuleux et totalement imaginaire : « l'amour » ou « le Grand Amour ». A cette quête imbécile nous sacrifierons bien des choses et très souvent l'amitié. Plutôt qu'aller vers d'autres qui nous apprécient et que nous apprécions, nous mangerons notre temps et notre attention dans la recherche frénétique de « l'autre » : notre papa ou maman de remplacement.

Si j'ai tant négligé mes amis, c'est parce que, parfait couillon, je cherchais la créature merveilleuse, ma maman-bis : l'Amour avec un Grand A, ma moitié d'orange qui, par définition en fait, n'existe pas. J'ai même bien cru la trouver pour de vrai un jour. L'ai encensé et soutenu durant plusieurs années. Ça lui plaisait bien. Puis, finalement, un beau jour elle en a eu marre. Car, avoir un Roméo à son service finit par devenir un boulet. Elle m'a largué. Et a eu bien raison. Et c'est ainsi que les amours « parfaites » disparaissent. Car jouer le rôle de maman ou papa-bis est lassant et trop pesant.

Si on veut cultiver l'amitié il faut prendre conscience de l'irréalité de la quête imbécile du Grand Amour. Prendre conscience de notre terreur intérieure fruit de la sortie de notre enfance prolongée. Qui nous amène à chercher un être parfait qui arrangera tout dans notre vie : notre maman ou papa prolongé vu par nos yeux d'enfant prolongé. Et, en abandonnant cette chimère, nous nous sentirons beaucoup mieux. La sortie de l'adoration de ce mythe a été pour moi un peu chaotique. On ne quitte pas comme on sort d'une pièce d'un logement un mythe qu'on a poursuivi durant des dizaines d'années. Qu'on a été très souvent encouragé à suivre. Qui règne toujours dans le cœur d'innombrables humains. Car le règne de la terreur intérieure n'est pas encore terminé. Et ses conséquences désastreuses apparaissent un peu partout.

Basile, philosophe naïf, Paris le 29 septembre 2015

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