mercredi 21 octobre 2015

432 À propos de la conservation d'un article sur la fête dans Wikipédia

Une tendance générale très répandue, en tous cas en France, est de considérer la fête, l'amusement, la distraction comme un sujet frivole, peu sérieux, pas important. Et qui n'a pas d'histoire. Ou bien si cette histoire existe, elle est traitée comme d'importance superficielle. Combien de livres et articles existent sur des sujets « sérieux » ou tout au moins réputés tels ? Ils permettront, par exemple, de suivre heure par heure une célèbre bataille vieille de deux siècles : Waterloo. Ou de connaître, minute par minute, une célèbre naufrage vieux de cent-trois ans : le Titanic. Par contre, combien de livres ou articles de références pour indiquer que le confetti, inventé ailleurs qu'à Paris, fut lancé mondialement au Carnaval de Paris ? Un seul livre scientifique : le Manuel du folklore français contemporain, édité en 1947, réédité en 1999, rédigé par Arnold Van Gennep. Cependant que l'ignorance que le confetti a été lancé mondialement à Paris est le fait de nombre d'articles.

Reflet de cette ignorance générale, le nombre de spécialistes étudiant la fête est très réduit. Arnold Van Gennep en était un. De nos jours, le Brésilien Felipe Ferreira, professeur à l'université de Rio de Janeiro en est un. Il a notamment écrit un livre : « L'invention du carnaval au XIXe siècle, Paris, Nice, Rio de Janeiro ». Il a été traduit du portugais en français et édité chez « L'Harmattan » en 2014. Dans ce livre, il explique notamment comment le Carnaval de Paris a influencé le Carnaval de Rio. Combien de Français ont lu ce livre ? Combien se doutent de cette influence ? Je me souviens que l'ayant évoqué un jour, je me suis fait insulter par une personne qui refusait d'y croire. Et me prenait donc pour un menteur voulant ainsi valoriser le Carnaval de Paris, dont je suis l'organisateur et l'initiateur de la renaissance depuis 1993.

Un autre spécialiste actuel du Carnaval est l'Américain Samuel Kinser, Distinguished Research Professor Emeritus à la Northern Illinois University. Il m'a dit que l'étude de la fête était très difficile, car il n'en reste après coup que 5 % de traces notamment écrites. Michel Vallée, lui, est Québécois. Il approche la fête de manière pratique, comme facteur d'intégration sociale. En qualité de directeur du Service des arts et de la culture de la mairie de Vaudreuil-Dorion, ville située près de Montréal, il développe avec succès un programme qu'il a intitulé « Je suis ».

Arnold Van Gennep n'est plus de ce monde. Tous les autres spécialistes cités ici m'ont fait l'honneur de me contacter afin de me rencontrer lors de leur passage en France. Je fais depuis vingt-deux ans des recherches sur la fête et le Carnaval, ai notamment écrit des brochures, tracts, contributions dans Wikipédia pour faire mieux connaître le sujet au plus large public possible.

Ce qui handicape d'autant plus la recherche et la connaissance de la fête est un phénomène particulier propre aux festifs. Écrivez sur un sujet pointu quelconque. Par exemple : les éoliennes Bollée ou la danse de cour au XVIIème siècle à Versailles. Vous aurez un milieu de gens, même réduit, passionnés par le sujet, qui s'empressera d'enrichir vos contributions et les apprécier. S'agissant des festifs c'est bien différent. Ceux qui font la fête n'écrivent pas et ne lisent pas beaucoup non plus sur le sujet. Par exemple : le confetti en papier, inventé ailleurs qu'à Paris, fut lancé mondialement à Paris en 1891 et arriva vers 1892 à Nice sous le nom de : « confetti parisien » (Nouveau Dictionnaire Étymologique Larousse 1964, p. 188). Combien de personnes qui participent au Carnaval de Nice le savent ? Quand on fait la fête on ne fait pas des recherches sur elle. Et ceux qui écrivent sur la fête disent le plus souvent des banalités, voire avancent des idées réductrices. Du genre résumer en tout et pour tout le Carnaval à « une inversion des valeurs », « la fête à l'envers », et ignorer complètement la dimension festive, fraternelle et créative de l'événement.

Je me suis vu reprocher de ne pas être quelqu'un de connu. « Mais qui est ce Basile dont on nous parle tant à propos du Carnaval de Paris ? » Tel était le reproche étrange que j'ai rencontré. Soit j'étais un inconnu cherchant à me valoriser en associant mon nom à une fête importante. Soit il était évident que si mon nom inconnu était associé à cette fête elle ne pouvait pas être importante.

S'agissant de l'importance du Carnaval de Paris au cours des siècles, il existe quantité d'écrits et articles pour l'attester. Comme ce propos de Gustave Flaubert au sujet du cortège du Bœuf Gras en 1853 dans une lettre à Louise Colet (Correspondance, Bibliothèque de la Pléiade, t. 2, page 335) :

« Si l'on veut prendre la mesure de ce que vaut l'estime publique, et quelle belle chose c'est que “d'être montré au doigt”, comme dit le poète latin, il faut sortir à Paris dans les rues le jour du Mardi Gras, Shakespeare, Gœthe, Michel-Ange n'ont jamais eu 400 mille spectateurs à la fois, comme ce bœuf ! Ce qui le rapproche, du reste, du génie, c'est qu'on le met ensuite en morceaux. »

Mon absence de notoriété personnelle est facile à expliquer ici. Excepté le cortège du Bœuf Gras de 1805, tous les moments forts du Carnaval de Paris, comme les cortèges, ont été organisés par des initiatives privées. C'est toujours le cas aujourd'hui. Et aucun des organisateurs, moi y compris, n'y a trouvé quelque célébrité que ce soit. Qui connaît dans le grand public les noms de : De Piis, Morel, Sémichon, Brézillon, Zidler, Riou ? Ils ont joué pourtant un grand rôle organisateur dans le Carnaval de Paris. Il faut dire que l'organisation du Carnaval n'intéresse généralement pas le grand public. On s'amuse dans le Carnaval, on parle du Carnaval, pas des sociétés ou individus qui assurent son déroulement. Inutile d'ajouter que, pas plus que la célébrité, la richesse ne guette l'organisateur du Carnaval de Paris. Je la risque d'autant moins que je ne reçois pas de subventions et en refuse l'éventualité. Ainsi j'assure l'indépendance, l'authenticité et la pérennité de la fête.

Donc, je reste un inconnu qui parle d'une fête dont l'importante histoire n'intéresse guère de monde. Car ceux qu'elle devrait intéresser ne s'y intéressent pas. Ce qui va rendre ardue la défense d'un article historique que j'ai écrit il y a cinq ans sur la fête. Et qu'on a proposé de supprimer dans Wikipédia, car l'événement dont il traite serait sans importance. De quoi s'agit-il ? D'une rencontre au Carnaval de Paris en 2005 attestée par un traité signé par plusieurs organisations participantes. Quelles sont ces organisations ? Elles sont parisiennes, normande et étrangères.

Côté parisien, les Fumantes de Pantruche ont joué un rôle marquant dans la renaissance du Carnaval de Paris. Il faut souligner ici la présence de la Grande Masse des Beaux-Arts, une des deux plus anciennes et importantes associations festives d'étudiants français avec la Faluche. Elle est surtout célèbre pour ses très fameuses fanfares des Beaux-Arts, au nombre de plusieurs dizaines dans toute la France. Elle organise tous les quatre ans le Concours National des Fanfares des Beaux-Arts.

La province française est représentée par le dynamique Carnaval de Cherbourg-Octeville, qui était alors soutenu par la mairie de la ville. Cette fête a connu des moments prospères, d'autres difficiles. Notamment à présent du fait des réductions des crédits culturels, qui à Cherbourg-Octeville, comme ailleurs, affectent quantité de fêtes et festivals.

La Goliardia est la très ancienne société festive traditionnelle des étudiants italiens. Célèbre dans le milieu étudiant italien, moins connue à l'extérieur des écoles, elle est dépositaire des vénérables traditions festives étudiantes italiennes.

Les associations d'étudiants des Beaux-Arts d'Italie représentent une communauté étudiante très importante et qui plus est, liée aux arts, dont la place est immense dans ce pays.

Cette rencontre au Carnaval de Paris de toutes ces associations peut paraître d'importance négligeable pour celui qui ne considère pas la fête comme quelque chose d'essentiel dans la vie. Pour autant, est-ce que cette position doit être celle de l'encyclopédie Wikipédia ? Je ne le pense pas. C'est pourquoi je souhaite que cet article soit conservé.

Basile, philosophe naïf, Paris le 21 octobre 2015

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire