mercredi 9 décembre 2015

485 Amour et programmation

Voici deux jeunes femmes parisiennes que je connais indirectement un peu. Elles sont toutes les deux belles, sportives. L'une est justement passionnée par le sport, l'autre par l'art, la philosophie, le cinéma et sans doute d'autres choses encore. Elles ont un point commun : elles sont obsédées par l'idée de « se trouver un copain ». L'une et l'autre se choisissent à chaque fois un très beau jeune homme « sexuellement actif ». C'est-à-dire qui bande et baise. Et qui ne laisse pas trop trainer sa queue ailleurs que dans le trou de sa dame proclamée et attitrée. Ces deux femmes ont une jalousie de tigresse. Et, tôt ou tard, s'estiment trahies. Soit que l'amant a été éjaculer dans un autre trou. Soit qu'il ne s'est pas révélé respectueux pour une autre raison et dans un autre domaine. Et il est congédié. Ces deux jeunes femmes accumulent et additionnent les déceptions en série. Et en attribuent la responsabilité toujours à l'homme. Voire aux hommes en général, qui ne « veulent plus s'engager ». Ces deux jeunes femmes qui croient trouver l'amour recrutent en fait des abonnés au trou. « Je te baise, et seulement toi », donc c'est « l'amour ». Comment ces jeunes femmes pourtant intelligentes peuvent-elles continuer ainsi dans ce délire et cette succession de déceptions ?

Parce qu'elles ont été programmées. Un jour, on leur a mis en tête qu'elle devait se trouver leur moitié d'orange qui existe forcément quelque part, puisqu'elles sont attirantes, jeunes et jolies. La dernière fois que la mère d'une d'entre elles m'a dit que sa fille « avait trouvé un nouveau copain », je n'ai même pas éprouvé l'envie d'émettre un commentaire. J'ai juste pensé : « encore un qu'elle va larguer dans pas trop longtemps! »

Mais qu'est-ce que cette fameuse « programmation » ? Ça marche ainsi : à un moment-donné vous vous dites intérieurement : « je dois faire ça. » Et cette pensée reste en quelque sorte « collée ». Vous ne la remettez pas en question. Vous l'admettez comme s'il s'agissait d'une vérité révélée. J'ai moi aussi été programmé dans le domaine sexuel. J'avais vingt-deux ans à l'époque et les jeunes filles ne m'intéressaient pas plus que ça. Je n'envisageais absolument pas de me trouver « une petite amie pour de vraie ». Celle dans laquelle on met sa queue. Mais l'entourage a mis le holà sur ma manière de voir les choses. Ce sont ma mère et le médecin de famille qui ont décidé que je devais absolument et bien vite coucher avec une fille. Que ça me manquait ! Ils savaient mieux que moi ce dont j'avais besoin. Ces deux triple-crétins se sont mis alors en quête du trou où je devrais épancher mon sperme. C'est ma mère qui trouva le récipient. Il s'agissait d'une brave fille qui riait tout le temps. Je la connaissais un peu et ne m'étais pas affolé spécialement à son égard. Un jour que je l'ai croisé lors d'une manifestation, c'est ma mère qui m'accompagnait, qui m'a dit de lui demander son téléphone ! Moi, très naïvement, sans fleurer le complot, j'ai obtempéré et demandé le téléphone de la belle. Par la suite, j'ai continué à me faire manipuler. Pour finalement en venir à ce qu'avec cette jeune fille je suis parti en vacances. Et, triste pensée, quand je nous voyais demain dormir ensemble sous la tente, je me disais, pensant à l'acte sexuel : « il faudra en passer par là. » Ce fut bien entendu nul. Cette relation dura six mois. Mais après, j'étais programmé pour continuer. Et, comme un con, ou plutôt : comme des milliards d'autres cons, sans en avoir au fond spécialement envie, je me disais : « il faudra que je me trouve une fille », c'est-à-dire : une petite amie.

Il y en eu quelques-unes. Ça n'a jamais bien fonctionné. Ce qui est normal. Ce n'était pas le fruit de mon désir mais du conditionnement de merde qu'on m'avait mis dans la tête. Enfin, après quatre dizaines d'années, j'ai fini un jour par remettre en question mon conditionnement. J'avais réussi à m'exploser encore plus rudement que toutes les autres fois. Et alors une lueur d'authenticité a éclairé la nuit. « Mais, si au fond je n'en ai pas envie, pourquoi avoir poursuivi si longtemps absurdement ce but et avec quels résultats ! Ne pas baiser n'est pas un drame. » J'ai remis en question la chaîne que je portais depuis quatre décennies. Et me voici enfin libre de ce conditionnement stupide que trainent encore les deux jeunes femmes dont je parlais au début de ce texte.

Basile, philosophe naïf, Paris le 9 décembre 2015

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