jeudi 14 janvier 2016

503 Aimer ou aimer trop

Dans certaines cas, à un moment-donné, il suffit de peu de choses pour inverser certaines qualités et transformer un phénomène anodin, banal et positif en une source de nuisances destructrices. Considérons quatre phénomènes qui sont l'amour de l'argent, l'amour du pouvoir, l'amour du sexe et l'amour de l'amour. Si on aime disposer d'un peu d'argent pour satisfaire des besoins tels que manger à sa faim ou offrir des fleurs à une personne aimée, quoi de plus positif ? Si on apprécie le pouvoir d'organiser une belle fête en rendant plein de gens heureux, il n'y a pas là un problème. Si on a l'occasion de faire l'amour avec un ou une partenaire en satisfaisant un authentique désir réciproque et dans de bonnes conditions, tout va bien. Si on aime et apprécie quelqu'un sans se ruiner la vie avec ce sentiment, c'est parfait. Mais tout est ici une question de dosage, de quantité d'amour. Quand on se met à aimer trop, plus rien ne fonctionne bien.

Si j'aime l'argent et veux en accumuler le plus possible, j'en fait une illusion. En effet, si j'ai une masse d'argent qui ne me sert à rien d'autre qu'à la satisfaction de le « posséder », cet argent en fait ne vaut rien. Et, en l'accumulant stérilement j'empêche d'autres de vivre, qui n'en ont pas assez. Ce comportement nuisible, maladif et criminel a déjà été dénoncé il y a deux mil trois cents ans par un savant grec du nom d'Aristote. Il a donné à cette obsession accumulative le nom de chrématistique.

Si je jouis du pouvoir pour le pouvoir. Le recherche le plus grand possible, que m'apporte-t-il ? Des ennuis. Y voir un confort est une illusion. C'est un inconfort, qui va aussi déranger d'autres auxquels je vais stupidement disputer le pouvoir.

Chercher à baiser le plus possible, le plus grand nombre de fois avec le plus de partenaires possibles relève d'un dérangement mental. Et, sous prétexte qu'on l'aime, faire d'une personne aimée et de son confort le seul but de notre existence est un comportement stupide, indigne et déséquilibré.

Croire au sexe fou comme à l'amour fou c'est poursuivre une illusion. Et vouloir à tous prix jouir d'une de ces illusions, dans le domaine de l'argent, du pouvoir, du sexe ou de l'amour conduit à en faire des drogues. On va se fabriquer et auto-administrer des doses importantes d'endorphines. Elles créeront un état de bonheur drogué. Mais, comme toutes les drogues, une accoutumance fera que le plaisir ressenti va tendre à être de moins en moins fort à moins d'augmenter les doses. On cherchera à acquérir des sommes d'argent colossales, un pouvoir démesuré, un nombre de partenaires sexuels infini. Ou de ne vivre que pour sa douce moitié. Tout ceci sera de plus en plus douloureux et inconfortable. Jusqu'à la chute et le manque.

Nous ne pouvons pas décider d'être heureux indépendamment de nos besoins réels. Poursuivre les chimères consistant à aimer trop conduit inévitablement à la déception et la catastrophe.

Nous voyons chaque jour le monde souffrir de la folie toxicomaniaque de femmes et d'hommes cherchant toujours plus de richesses à posséder, de pouvoir à disposer, de partenaires sexuels et de l'amour le plus dévorant possible. Tout ceci entraine le désordre du monde.

Si nous n'avons guère les moyens de dissuader les fous dans la persistance de leur folie, nous pouvons tout au moins ne pas suivre leur exemple. Et nous appliquer à aimer bien et suffisamment, c'est-à-dire pas trop. Et même, s'il faut choisir, plutôt pas assez que trop.

Ceux qui dirigent le monde et le font très mal ne satisfont pas des besoins personnels, mais suivent des illusions, se droguent et finissent par l'insatisfaction. En aimant raisonnablement, nous pouvons trouver un équilibre et un bonheur insoupçonné.

Basile, philosophe naïf, Paris le 14 janvier 2016

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