jeudi 2 juin 2016

552 Face à la ritualisation dans notre société primitive

Comme toutes les sociétés primitives, la nôtre est fortement articulée et comprimée par toute une quantité de rituels. Ceux-ci ont en commun de prétendre à l'inévitabilité et avoir une origine qui les rendrait invincibles, indiscutables, impossible à remettre en cause. Ils sont présentés comme « allant de soi », « logique », « de bon sens ». Ou bien alors ils seraient à suivre obligatoirement car « naturels », soumis à « la loi », ou encore émanant de « la divinité ». A l'inverse, quand des rituels autres touchent des sociétés étrangères, ils sont identifiés comme tels, remis en question, moqués, condamnés... Ainsi, par exemple, si on parle du Papou qui prend pour oreiller le crâne d'un ancêtre très savant pour acquérir son intelligence, le Français et Parisien, blanc, Occidental, chrétien, a le droit de rire. Si on lui raconte qu'en Birmanie il est exclu de mettre la main sur la tête d'un enfant, car ce serait là que se loge l'âme, le même qui se moque du Papou pourra trouver cette coutume folklorique...

Mais si on traite des rituels bien vivants en France et à Paris, ce sera une toute autre histoire. Ainsi, dans la société française et parisienne il est considéré que l'érection et son équivalant féminin du sexe humide et « en fleur » appellent l'acte sexuel. C'est une monumentale ânerie, car ces réactions surviennent en quantité d'occasions où l'acte sexuel n'est pas du tout à l'ordre du jour. S'il s'agit d'un nouveau né ou d'un petit garçon qui a une érection, il sera évident pour l'entourage qu'il n'est pas question pour lui de s'accoupler. Mais si le garçon a quinze, dix-huit ans et plus. Que pensera-t-il faire, lui qui s'abreuve de pornographie sur Internet depuis l'âge de douze ans voire moins ?

Notre société ritualise lourdement la sexualité humaine. Ainsi, elle prétend que laisser voir le sexe, le toucher, implique l'acte sexuel. Cette prodigieuse ânerie qui trouble la vie des gens se voit étendue à d'autres zones de l'épiderme ou des muqueuses. Les cuisses, le cul, la poitrine, voire dans certaines cultures les cheveux des femmes, et aussi la nudité en général et certains regards sont assimilés d'office à l'antichambre de l'acte sexuel qui devrait arriver impérativement.

Le caractère absurde, artificiel et dévastateur de cette ritualisation la fait-elle remettre en question ? Si ça arrive, celui ou celle qui critique sera considéré par nombre de personnes comme « original », « bizarre », « malade » ou « criminel ». Il sera interdit de facto de soulever certaines questions, émettre certains doutes, proposer d'autres façons d'agir.

Un touriste occidental a visité Bali il y a quelques dizaines d'années. Il m'a rapporté un phénomène qu'il a trouvé curieux. Traditionnellement, la poitrine féminine n'était pas considérée là-bas comme une zone sexuelle à cacher. Ce qui fait que des dames âgées se retrouvaient en public seins nus. Cependant que les jeunes Balinaises influencées par la culture occidentale portaient systématiquement ces caches-nichons que nous appelons hypocritement « soutiens-gorge ».

La ritualisation est partout présente dans notre société. Cependant il n'est pas besoin nécessairement de s'y opposer pour faire avancer les choses. Ainsi, le toucher a été arbitrairement rattaché au sexe. Plutôt qu'imaginer de nouvelles normes, de nouveaux rituels, pourquoi ne pas imaginer suivre « l'esprit de la coccolazione » : sont prescrites des caresses gratuites exclusivement sur la tête, les bras, le haut du dos et les jambes en dessous des genoux. Comme ça, on évite les zones proclamées « sexuelles » dans notre société. Et on peut donner de l'amour sans tomber dans l'ambiguïté. Ces caresses se faisant sous le contrôle de tierces personnes présentes garantissant d'éviter des dérapages. Étant également entendu que les éventuels réactions à ces caresses au niveau génital n'ont aucune importance. Si ce n'est d'être le signe d'une bonne santé. Une telle manière de faire pourrait aider moralement quantité de gens confrontés à la « prise en otages » des caresses par la sexualité ritualisée institutionnelle. Il y a là une piste à explorer pour améliorer notre société.

Basile, philosophe naïf, Paris le 2 juin 2016

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