jeudi 2 juin 2016

553 « L'esprit de la coccolazione »

Dans ma contribution précédente à ce blog j'évoquais « l'esprit de la coccolazione ». Pourquoi un tel nom ? En fait parce qu'il fallait bien en donner un à une chose et un projet d'importance qui ne correspondent précisément à rien d'existant jusqu'à présent. Ce nom est formé d'un jeu de mots en italien utilisant le verbe « coccolare » qui signifie câliner, caresser, cajoler. Et « collazione » qui est le nom du petit déjeuner.

La ritualisation de la sexualité amène un trouble supplémentaire : la programmation sexuelle. Ainsi, par exemple, quantité d'hommes croient que s'ils parviennent à embrasser sur la bouche une femme qui leur plaît, il s'agira d'une première étape amenant obligatoirement l'acte sexuel. Et cet acte, s'il arrive, sera à répétition. L'accès au vagin se fera en quelque sorte « avec abonnement ». Ce genre de comportement perturbe gravement les relations humaines. Comme le comportement masculin qui consiste à croire que si on est « ensemble » ça corresponds à un « droit de baise » permanente.

L'esprit de la coccolazione est tout autre, car il est basé sur la volonté de respecter l'autre. Y compris contre sa volonté quand elle est confuse et qu'il ne sait pas ce qu'il veut vraiment. Et a de la peine à résister aux rituels relationnels en vigueur.

La séance de coccolazione est strictement cadrée et placée sous le contrôle d'au moins un tiers présent, ce qui permet d'éviter les situations de domination et profitage. La coccolazione peut contribuer à aider à soigner des troubles causés par des situations conflictuelles. Ainsi par exemple une victime de viol, torture, une personne souffrant d'un syndrome post-traumatique, ou d'anorexie, trouvant ou retrouvant un contact agréable et de confiance. Ce contact l'aidant à retrouver un meilleur équilibre. On peut imaginer la coccolazione devenir un moyen de soigner en général les victimes d'agression qui ont avec celle-ci perdu confiance dans leurs semblables.

En 1993, je parlais de l'usage du toucher pour remettre d'aplomb le moral de personnes souffrant d'un choc. Mon interlocuteur, sapeur-pompier de Paris, était d'accord avec moi. Cependant, il doutait de l'application possible de mon idée du fait des règles régissant la sexualité dans notre société. Avec l'esprit de la coccolazione il est possible non pas d'éliminer ou surmonter l'obstacle, mais, l'ayant identifié, le contourner.

Les humains ne sont pas hostiles aux relations câlines. Mais ils sont prisonniers des règles existantes. Qui les amènent à refuser le contact car il est abusivement systématiquement interprété comme une « avance sexuelle ». Et, quand le contact se fait malgré tout, la confusion amène à souhaiter un acte sexuel qui est bien souvent mal venu. Les humains ont oublié ce qu'ils sont et essayent d'être autre chose qu'eux-mêmes. Le résultat dans ces conditions ne peut pas être bon. Combien d'humains victimes du manque de caresses se réfugient dans l'alcool, la cigarette, l'anorexie, la fuite dans la maladie, les comportements à risques, les drogues médicamenteuses ? On ne le saura que quand on sera enfin sorti de cette situation calamiteuse où il est plus facile de trop manger, trop boire, trop dormir, fumer, que recevoir, donner, échanger d'authentiques câlins.

En chacun de nous sommeille notre authenticité tactile. Parfois, par moments, inexplicablement, elle surgit puis s'évanouit. C'est un geste, une caresse, une attitude belle et inhabituelle, inattendue, qui ne subsiste que momentanément. J'ai pu observer quelquefois ce phénomène. Mais le poids de la ritualisation régnante, des ritualisations régnantes, font que ces situations ne durent pas. Elles sont comme un rayon de soleil tombant un bref instant à travers un manteau nuageux couvrant le ciel en permanence. Peut-être un jour l'homme retrouvera son authenticité. On peut l'espérer. En attendant, essayons de faire au mieux qu'il est possible. C'est déjà autant de bien de fait.

Basile, philosophe naïf, Paris le 2 juin 2016

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