lundi 13 juin 2016

565 Quelques remarques à propos du toucher

Chaque toucher est différent. Et a un caractère personnalisé et individuel. J'ai pu le constater dans un très sympathique bal tenu dans les années 1980. A cette occasion j'ai invité à danser toutes les jeunes femmes présentes, l'une après l'autre. C'était du rock et je tenais les mains de ma cavalière à chaque fois. J'ai pu ainsi constater qu'aucun contact n'était identique à l'autre.

Il existerait des touchers apparentés. A deux reprises j'ai ressenti un plaisir extraordinaire et inexplicable au simple contact d'une femme. Ce contact se bornant à de très ordinaires câlins n'était pas du tout ressenti par moi comme des câlins habituels.

Le toucher est comme un langage. Quantité de choses passent à travers lui. Une scène à laquelle j'ai assisté m'a frappé à ce propos. Une amie quittait son fiancé un soir. Ils se faisaient des bisous et des câlins. Je me suis écarté pour ne pas déranger. Une fois le jeune homme parti, la jeune fille amie est revenue vers moi. Elle était dans un état hyper-nerveux, plus comme une personne prise en faute que quelqu'un qui vient de quitter son fiancé qu'elle reverra demain. Elle n'était pas du tout comme une personne heureuse, ravie ou sereine. Si elle était « sur son petit nuage », ce nuage était noir et orageux. J'ai rapproché l'état nerveux de cette amie de ce que je sais de ces jeunes gens. Le jeune homme est apparemment gentil et bien intentionné, et serait en fait très manipulateur et intéressé. Cela, la jeune fille ne le sait pas. C'est à elle de parvenir à en prendre conscience en dépit de son entourage qui l'a déjà mariée d'avance. Mais ce mauvais contact relationnel, nié en paroles, mon amie le sent au contact direct. D'où sa réaction.

Une autre amie m'a raconté que, quand jeune fille elle prenait des leçons de piano avec un vieux professeur, celui-ci lui prenait à l'occasion la main pour lui indiquer la position juste. A chaque fois, m'a-t-elle dit, elle ressentait à ce contact « comme une petite décharge électrique ». Car elle sentait que ce contact était parfaitement neutre et pas du tout dragueur.

Le toucher est singulièrement rejeté par notre culture française et parisienne et pas seulement. Il serait prétendument presque toujours « sexuel » quand il s'agit de contacts entre adultes. Ceux qui remettent en question cette interprétation réductrice et abusive se heurte à une question embarrassante : « si le toucher n'est pas sexuel, où s'arrête-t-il ? » Autrement dit : « si on peut se faire des caresses librement vont-elles aller partout ? » En fait, si on libère le toucher, il n'est absolument pas nécessaire « d'aller partout », ce qui pose finalement des problèmes. Il existe un phénomène de compensation. Si on caresse correctement, c'est-à-dire avec sensibilité, une part réduite de la surface de peau d'un individu, l'apport en câlins se diffuse de façon générale.

Prenons un exemple : si on caresse très sensuellement juste la nuque d'un individu, il n'y a aucune nécessité de s'étendre plus loin pour qu'il se sente bien. Les enfants, qui n'ont pas été influencé par les discours des adultes le savent et ressentent très bien. Une amie me racontait que, quand elle était petite fille et malade, son père venait la voir. Et juste lui mettait la main sur la tête pour la réconforter. Et cela suffisait parfaitement. Quand on est adulte, il faut parvenir à se détacher du conditionnement reçu et redevenir des enfants. Ce qui n'est pas facile et donné à tout le monde. Les revendications confuses et déstabilisantes de la sexualité trafiquée régnante chez les adultes sont à remettre à leur juste place. Ce sont des délires littéraires qui peuvent aller à la poubelle. Ceux qui vantent à tout va le sexe me font penser à des diététiciens qui prôneraient des repas faits exclusivement de desserts, voire de sucre en poudre à consommer à la cuillère. C'est irréaliste, déséquilibré et écœurant. Le toucher, la caresse, le câlin, restent pour beaucoup un monde oublié, inexploré, qui est à redécouvrir pour le plus grand bien de chacun. Le sexe est comme le tiramisu. J'aime beaucoup le tiramisu. Mais si je devais ne manger que du tiramisu ça n'irait pas du tout.

Basile, philosophe naïf, Paris le 13 juin 2016

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