samedi 9 juillet 2016

588 Le tabou sexuel numéro un aujourd'hui

Le tabou sexuel numéro un est celui de la masturbation masculine. Elle forme la principale activité sexuelle humaine, est massivement pratiquée. On n'en parle pour ainsi dire jamais. On fait même mine de croire que seuls les très jeunes la pratiquent pour « découvrir leur corps ». Et que les hommes pourvus d'un vide-couilles attitré : fiancée, amante, épouse, ne la pratiquent plus. En fait on peut se masturber le pénis avec divers outils : la main, les cuisses, le vagin, la bouche, l'anus. Quand sans désir authentique ni sentiments réels un homme pénètre une femme ou un homme et éjacule dedans, il ne fait pas l'amour, il se branle. Le vrai désir est plutôt rare.

La masturbation est nocive car elle dérange, détraque l'appétit sexuel. Comme le fait de manger trop et sans tenir compte de nos besoins alimentaires dérange l'appétit pour la nourriture. Mais l'appétit sexuel joue un rôle relationnel et son dérangement, l'incapacité à conscientiser notre désir, crée des troubles relationnels entre les humains. Il en est ainsi du harcèlement sexuel des femmes, du viol et des agressions sexuelles. Quantité de comportements sexuels qualifiés de « déviants » sont l'expression du dérangement de l'appétit sexuel. Dérangement auquel participe la masturbation et son adjuvant pornographique. Tous les masturbés ne sont pas des violeurs, mais le dérangement de l'appétit sexuel favorise et peut-être même est à l'origine des crimes passionnels et agressions sexuelles, au nombre desquelles les viols. Le viol est une des pires choses qui se pratique, et à très grande échelle, dans notre société. Qu'il soit commis par la force, la surprise, la pression psychologique ou l'abus de confiance et le mensonge.

J'ai rencontré pour la première fois la masturbation alors que je ne devais guère avoir plus de huit ans. Nous avions dans l'atelier familial parisien où je suis né et ai grandit un ouvrage de matière médicale homéopathique. Suivant de vieilles et regrettables traditions, son auteur avait placé au nombre des maladies et troubles de la santé la masturbation. Comme je feuilletais ce petit livre, je tombais sur ce mot inconnu : « Masturbation ». Mon père et ma mère étaient tout près de moi. Je leur demandais une clarification. Quel était la signification de ce mot mystérieux ?

Mon père m'a répondu que ça voulait dire quelqu'un qui se frotte le zizi. « Et pourquoi ? » Lui ai-je demandé. « Parce qu'il est fou », m'a-t-il rétorqué. Ma mère n'a rien dit et par son silence a avalisé ce discours culpabilisateur. Ce n'est pas beau, d'être fou.

J'ai finalement découvert seul la masturbation des années plus tard. Jointe à la recherche d'images érotiques, je l'ai pratiqué durant au moins une cinquantaine d'années. Quand j'ai décidé d'arrêter et la masturbation et la pornographie, je ne croyais pas que j'y arriverais, tant cette pratique était ancienne pour moi. Mais, mis à part une brève rechute de trois ou quatre jours, j'ai tenu bon et ai complètement cessé ces deux activités.

M'intéressant à ceux qui pouvaient prôner un tel arrêt j'ai fait quelques recherches sur Internet. J'ai trouvé surtout des sites religieux qui condamnent la masturbation manuelle mais valorisent la masturbation dans un vagin. Sinon, des sites qui prennent le contre-pied et chante les louanges de la branlette. Et le font quelquefois de manière absolument caricaturale.

On a souvent dénoncé sans précision le concept de « femme objet ». Il faut préciser : « objet masturbationnel ». Ce qui apparaît d'évidence dans quantité de vidéos pornographiques où la femme se résume à son vagin, sa bouche et son anus. Ses « partenaires » sexuels masculins ignorant royalement tout le reste de sa personne. On comprend que les femmes ne supportent pas d'être résumées à une fonction masturbationnelle et voir ainsi niée leur pleine qualité d'être humain.

La démarche masturbationnelle masculine est une démarche toxicomaniaque : à travers elle l'homme recherche le flash d'endorphine provoquée par l'éjaculation. Mais, comme toutes les drogues prises, vient le phénomène d'accoutumance. Le plaisir recherché est de plus en plus réduit et ardu à obtenir. Alors, très loin de se remettre en question, le masturbateur accuse la femme. Si le plaisir et la satisfaction masculine ne sont pas au rendez-vous, c'est la faute à elle. Parce qu'elle ne veut pas baiser, ne veut pas assez vite, assez souvent, au bon moment, refuse certaines pratiques sexuelles, n'est pas la bonne personne. Voire la partenaire n'est pas du bon sexe ou l'homme n'est pas du bon sexe et doit en changer.

J'ai rencontré il y a des années un cavaleur, qui s'est ensuite fait homosexuel et enfin, j'ai su par un tiers qu'il s'était fait modifier physiquement pour devenir du sexe opposé. Son insatisfaction sexuelle, il l'a portait en lui et elle le suivait fidèlement.

Imaginons un jeune homme « bien élevé ». Il se branle entre deux et huit fois par semaine. Il va apprécier une femme de son entourage. Souhaitera s'en rapprocher. Mais sa pratique masturbationnelle, son état de toxicomane endorphinien, d'endorphinomane, va créer en lui une obsession : il voudra à tous prix baiser la femme qui lui plaît. Sa démarche sera celle d'un drogué, pas d'un homme désirant. La femme le sentira et conservera alors la distance. Comme le jeune homme est plaisant et bien élevée, la femme le fréquentera, mais « comme ami ». Le jeune homme supportera de plus en plus mal sa frustration, entretenue par ses masturbations régulières. Jusqu'au jour où soit il fera « un faux pas », un geste vers le sexe de la femme, soit il marquera son insatisfaction en devenant odieux. Par exemple, il passera un après-midi entier sans desserrer les dents, restant hostilement silencieux. Si la femme en aura marre, elle pourra alors stopper la relation. Ça pourra être aussi le jeune homme qui s'éloignera, jugeant la femme « trop compliquée ». En fait il s'agit d'un drogué qui renifle sa dose possible d'endorphine à obtenir en se masturbant avec un vagin et pas d'un jeune homme qui veut « faire l'amour ». Qu'un rapprochement ait finalement lieu ou non, il sera ici de toutes façons faux. Car il consistera pour le jeune homme a transformer cette femme en objet masturbationnel, pas en partenaire sexuel. Cette relation fausse sera triste et sans avenir positif.

J'ai été ce jeune homme bien élevé durant de longues années. Je ne comprenais pas ma situation et la supportais encore moins. Mais, pour rien au monde, je n'arrivais à renoncer à cette situation qui me faisait mal. Je m'éloignais puis revenais vers la cause de mon malaise. Qui se trouvait en fait en moi. J'étais un endorphinomane qui rêvait de prendre « sa dose » avec une personne précise de son entourage. Quand cette situation dure pendant longtemps, le malade masculin qu'elle concerne prend le nom de sigisbé...

C'est une situation classique. On parlera aussi « d'amoureux transi », ce qui est la même chose. J'ai eu l'occasion très récemment d'observer de l'extérieur ce genre de situation touchant d'autres que moi. La jeune fille pleine de vie, le jeune homme enfoncé dans son obsession et bien élevé se retenant de faire un geste « déplacé ». Des mois il a passé à tourner autour de son gros gâteau au chocolat tout en retournant chez lui bredouille à chaque fois pour se branler. Finalement il est devenu fermé, odieux, insupportable et, bien sûr, jaloux de tous ses « concurrents » sexuels potentiels. La jeune fille a mis un terme à cette relation devenue étouffante. Combien de jeunes gens « bien élevés » ont connus, connaissent ou connaîtront ce genre de situations ? Encore beaucoup, très certainement. La toxicomanie masturbationnelle a encore de beaux jours devant elle. Il suffit de relever l'ampleur du trafic sur les sites Internet pornographiques pour s'en rendre compte. Ou, très simplement, d'écouter les propos des jeunes hommes parlant de sexualité, y compris les jeunes hommes « sages et bien élevés ». Tout en pratiquant la masturbation en solitaire et n'en parlant autant dire jamais, ils ne rêvent que de beaux objets masturbationnels féminins ou masculins. Ils ne savent pas pour la plupart reconnaître le vrai désir et les vrais relations. Les femmes généralement s'en défient. Et elles ont malheureusement bien raison.

Basile, philosophe naïf, Paris le 9 juillet 2016

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