jeudi 25 août 2016

627 La pression sexuelle normative à Paris

Il y a quelques décennies, vers le début des années 1980, un étudiant japonais de l'École des Beaux-Arts de Paris, âgé d'une trentaine d'années me disait : « je ne veux pas rentrer au Japon, car on va m'obliger à me marier ». Une gracieuse étudiante camerounaise rencontrée en 1982 au parc Montsouris me disait de son côté : « je préfère éviter de retourner au Cameroun. Car si j'y retourne, ma mère va me marier. » Aucun de ces deux étudiants ne se révoltaient contre l'existence d'une telle situation. Simplement ils s'arrangeaient pour échapper au mariage forcé en restant en France.

Mais il n'y a pas qu'au Japon et au Cameroun que règne la pression sexuelle normative. Ici aussi, en France et à Paris, des tiers prétendent se mêler du contenu de nos slips. Comme cette pression est générale, on réalise moins son existence car elle est omniprésente. Et s'infiltre partout.

J'en ai éprouvé la réalité encore tout dernièrement. Parmi mes amies il m'arrive de trouver à l'occasion qu'une d'entre elles, ma foi, j'aurais plaisir à échanger des caresses et des bisous avec. Rien de bien méchant et audacieux comme pensées, et ça reste au niveau du rêve. Mais la police des rêves existe également bel et bien.

Je revois récemment une autre jeune femme que je trouve fort belle et agréable. La pensée me vient alors qu'échanger bisous et caresses avec elle serait aussi fort plaisant. Et, aussitôt, dans ma tête la censure se met en marche. « Oui, mais dans ce cas, l'autre avec laquelle il t'arrive de rêver d'arriver à la même chose, il faudra que tu y renonce. Sinon, ça risque de devenir compliqué. »

L'absurdité de cette pensée est flagrante. Tout d'abord il n'y a rien. Alors, renoncer à rien pour un autre rien apparaît des plus bizarres. Surtout que je ne connais pratiquement pas la deuxième jeune femme, ni sa conception de la vie amoureuse.

Quelques heures plus tard, je la retrouve. Et là un de ses collègues de travail parle devant moi d'elle, mentionnant « son copain ». Encore un bel exemple de pression sexuelle normative. Que signifie ce concept ? Quand on voit une fille avec un gars, on décrète que c'est « son copain », sans plus de précisions. Ça peut être une relation très proche qui dure depuis des années comme aussi bien un amour de plage qui va s'évaporer avant la fin de l'été. Mais, peu importe : « c'est son copain ». Sous-entendu rassurant : cette femme est hétérosexuelle. Elle baise régulièrement avec son baisouilleur attitré de sexe mâle. Elle est comme tout le monde.

Elle peut aussi bien être en couple et fidèle, ou tromper son compagnon, ou être libertine, ou avoir une petite amie, peu importe. Ces précisions n'existent pas. Elle a un copain, point, l'ordre règne.

C'est comme un théâtre où les rôles sont distribués d'avance. Si une femme est adulte, elle a nécessairement « un copain ». Si un homme est adulte, il a nécessairement « une copine ». Mais quand les rôles ne sont pas distribués, ça se complique. La femme divorcée, par exemple, se retrouve souvent marginalisée, surtout si elle est belle, et traitée comme une « briseuse de couples ».

Un jour, en vacances, il y a dix-sept ans environ, deux amis me firent part de leur inquiétude à mon sujet. Il voyait bien que j'étais seul. Or, je ne me lamentais pas sur l'absence d'amour dans ma vie ! Ce comportement de ma part leur paraissait incompréhensible. J'aurais passé le temps à me plaindre, ils auraient été rassurés !

Suivre sa route sans tenir compte des pressions normatives, notamment sexuelles, est la meilleure des solutions. Cette solution n'est pas toujours facile à adopter. Et elle peut déranger l'entourage.

Basile, philosophe naïf, Paris le 25 août 2016

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