dimanche 28 août 2016

631 Divagation de la morale et pauvreté du langage

Tous les humains à leur naissance sortent du ventre d'une femme en passant par son sexe pour arriver au monde. Ce lieu est donc unique et admirable. Mais qu'en ont fait les hommes ? Un objet de jouissance honteux et « indécent », c'est-à-dire à cacher. La loi au Québec comprend par exemple parmi les délits possible : « exposition des parties génitales ». Dans les clubs naturistes une loi non écrite invite les femmes à éviter de laisser voir leur entrecuisses. Loi qui est même étendue aux enfants. Comme me le racontait avec indignation un naturiste qui avait vu une fillette de quatre ans se faire engueuler par sa mère pour avoir écarté les jambes en présence d'un petit garçon.

Chez les adultes, le sexe serait à dissimuler car son exposition impliquerait une sorte de « sexualité passive ». Sa seule vue possible impliquerait une incitation publique à pratiquer l'acte sexuel, acte intime et donc à dérober à la vue des autres. Il faudrait cacher les organes génitaux jusque y compris même aux pratiquants de l'acte sexuel. Selon certains codes de morale en usage notamment en France il n'y a pas si longtemps, le coït devait être pratiqué furtivement et dans l'obscurité complète.

Cette manière de considérer le sexe visible comme une invite à « faire sexe » règne toujours bel et bien. D'autant plus que la misère tactile régnante fait que les mots manquent pour exprimer et même penser le besoin de câlins n'impliquant pas l'acte sexuel. Quelques exemples vécus me viennent à l'esprit. Un jour, une amie chez laquelle je suis en visite m'invite à prendre une douche et implicitement ne pas me rhabiller ensuite. A la sortie de sa salle de bain, je la retrouve nue et souriante qui me dit : « j'avais envie de toi mais ne savais pas comment le dire. » On s'est fait des câlins, sans aller jusqu'au coït. Puis elle s'est défilée par la suite, évitant de me voir pendant un certain temps. Motif ? Je ne l'ai compris qu'à présent, soit des dizaines d'années plus tard. Pour moi, à l'époque, imprégné par la morale régnante, il paraissait évident que nous irions nécessairement par la suite jusqu'au coït. Idée arbitraire et artificielle assimilant la possibilité « technique » de l'acte à la nécessité de le pratiquer. Mon amie, plus à l'écoute de ses sens ne sachant comment éviter cette extrémité choisissant la fuite. Bel exemple d'incompréhension réciproque ! Au cours de notre relation, cette situation s'est reproduite à deux reprises à plusieurs années d'intervalle. Câlins réciproques et dénudés suivis de la fuite de la demoiselle, qui m'a donné un jour comme explication de ne pas être venu à un rendez-vous : « je n'en avais pas envie ». D'autres fois des bisous plus appuyés que d'habitude s'arrêtaient là sans la suite « logique » selon la morale dominante. Si un garçon et une fille se font des câlins, ils sont sensés baiser ensuite. Et bien non, la morale dominante abuse et égare, mais qui s'avise à le dire à notre époque si consciencieusement consumériste et sexualisante ? L'aberration consumériste règne toujours, en témoigne pour moi un exemple beaucoup plus récent.

Un matin, une jeune fille de ma connaissance faisant semblant de dormir m'offre effectivement l'exposition de ses parties génitales, comme dirait la loi au Québec. Je ne donne pas suite à cette invite. S'étant par la suite « réveillée » et rhabillée, la demoiselle ne témoigne d'aucune déception ni frustration. Ce qui montre bien que son invite allait au delà de son désir. Si elle avait vraiment eu envie de coït, elle aurait été manifestement déçue. Mais comment voulez-vous dans notre belle société hyper-sexualisée exprimer une envie de câlins sans acte sexuel à la clef ? Les mots n'existent pas ou guère. On a voulu faire du sexe de la femme une bombe à retardement. Sa vue devrait impliquer certaines choses. Et bien non, ce n'est pas du tout vrai. Il n'y a pas d'obligation. Mais voilà, la seule opportunité pour une femme de connaître des câlins libres de toutes complications est donnée par les petits enfants ou les animaux de compagnie. Il n'est pas surprenant qu'une femme devenue mère oublie souvent son compagnon au bénéfice de son enfant petit et nettement plus authentique dans ses élans de tendresse ! Plutôt qu'accuser « l'égoïsme » de la mère, le papa devrait plutôt se demander qu'est-ce qui fait de lui un être si peu attirant en comparaison d'un petit enfant !

Basile, philosophe naïf, Paris le 28 août 2016

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