vendredi 9 septembre 2016

647 Rompre avec le conformisme sexuel régnant

Pour un homme adulte, le fait d'arrêter la masturbation et son complément pornographique est pas mal perturbant. Car les hommes, qui sont pour la plupart amateurs de cette drogue, en usent pour de nombreux motifs. Quand ils sont énervés, s'ennuient, se sentent seuls, ou simplement tristes, et pas seulement pour des raisons dites « sexuelles ». Ce qui signifie que quand on arrête cette drogue, quand on se retrouve dans des situations où on avait l'habitude d'en consommer elle vous manque. Il y a déséquilibre. Le moral chancelle un peu. C'est ce que je vis en ce moment. Je parle aussi de ce sevrage et de sa raison avec des hommes, des femmes.

Une ou deux fois, une femme avec laquelle je parlais de l'orientation que j'avais prise paraissait impressionnée d'une certaine façon. Il lui semblait visiblement qu'un homme peut difficilement se passer des pratiques que j'ai abandonné. Elle me questionnait pour savoir si j'y arrivais.

Je crois que la plupart des femmes sont résignées à l'idée que les hommes se comportent mal avec elles. Elles ne voient pas de perspective de changement pour ce qui concerne le comportement sexuel habituel masculin. Pourtant j'ai l'impression que beaucoup d'hommes ne seraient pas insensibles à l'idée de pouvoir changer. Mais le débat n'est pas ouvert. La plupart des hommes ne racontent jamais leur vie sexuelle et parlent encore moins de leur pratique masturbationnelle et leur fringale de pornographie. C'est un sujet tabou. Ou alors on l'évoque en passant et c'est plutôt très rare. J'ai deux frères plus âgés que moi, la question de la masturbation n'a jamais été évoquée entre nous. Avec mon père c'est arrivé deux fois en quelques mots. Petit, je lui ai demandé le sens du mot « masturbation » que j'avais trouvé dans un livre. Il m'a répondu que c'était un garçon qui se frotte le zizi. Et pourquoi ? Lui ai-je demandé. « Parce qu'il est fou, » m'a-t-il répondu. Ma mère était présente et n'a rien dit. Des dizaines d'années plus tard, j'ai demandé à mon père – qui avait été prisonnier de guerre en Allemagne de 1940 à 1943, – si le manque de femmes au camp ce n'était pas trop dur. Il m'a répondu : « il y avait la masturbation ». Ce sont les seuls fois où mon père a évoqué le sujet avec moi. Je relève aussi à présent que mon père paraissait ignorer ou nier l'existence de la masturbation féminine, vue la façon dont il a répondu à ma question quand j'étais enfant.

Sur Internet et dans les médias règne à présent un ordre moral qui veut nous imposer des règles d'« épanouissement sexuel » et de bonheur obligatoire qui font penser à un discours inverse de celui de jadis. Il y a un demi siècle c'était plutôt les mises en garde contre l'épuisement causé par l'activité sexuelle qui dominaient.

Yves Dalpé, dans Le Soleil, journal québécois, écrit le 16 mars 2014, que la masturbation « est non seulement inoffensive, mais salutaire tout au long de la vie à moins de devenir compulsive ou encore d'être prioritaire chez les gens mariés. » « Compulsive », c'est-à-dire « qui est réalisé irrésistiblement même si le sujet désapprouve cette action. » On appréciera ici la précision sur le statut matrimonial impliquant l'usage prioritaire des vases sexuels adaptés. Dans un magazine féminin français célèbre et à gros tirage, je lis parlant de l'acte sexuel : « Il faut un minimum de préliminaires pour qu’il y ait une lubrification suffisante. » On dirait un conseil technique pour mettre en route une bagnole. Bonjour la poésie et bienvenue au garage des sentiments et de la gymnastique en chambre !

La baise obligatoire et la masturbation à gogo paraissent être des normes aujourd'hui à la mode. Dire que je considérais d'un œil critique les drogués au tabac ou à l'alcool, sans réaliser que je faisais partie de la famille des toxicomanes. Sauf que ma drogue c'était l'endorphine masturbationnelle aidée par la pornographie. Toutes choses dont je suis à présent complétement sevré, même si c'est parfois un peu pénible de me retrouver en rupture avec cette addiction.

Basile, philosophe naïf, Paris le 9 septembre 2016

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