lundi 13 février 2017

725 Quatre faux dieux

L'argent n'existe pas à l'état naturel. Il n'existe pas d'arbre porteur de billets de banque.

Quand j'étais petit, en France l'argent se trouvait sous la forme d'un certain nombre de pièces de monnaie et billets. Il y avait des pièces de un franc, deux francs et cinq francs en aluminium. Les pièces de cinq francs étaient très grandes. Les pièces de un et deux francs étaient de deux modèles. L'un avec une tête de profil, peut-être la République, l'autre avec la francisque de l’État français. On ne les avait pas retiré de circulation à la Libération. Puis il y avait des pièces couleur bronze de dix francs, vingt francs et cinquante francs. Ces dernières étaient plus rares ainsi que la pièce de cent francs en métal blanc. Les billets de banque, très colorés, étaient de cinq cent francs, mille francs, cinq mille francs, dix mille et cinquante mille francs. Je n'apercevais ce dernier que les jours de versements des allocations familiales à mes parents.

Et un jour on annonça que les pièces de un, deux et cinq francs étaient « démonétisées ». Soudain elles n'avaient plus aucune valeur ! Je trouvais cela très étrange.

En fait, l'argent, ce compagnon peu pratique et exigeant de nos vies est juste et seulement une invention humaine. Chose surprenante, de cette invention les humains ont fait un dieu. Ils sont nombreux à l'adorer et lui obéir.

Aujourd'hui, par exemple, on affame les Grecs pauvres et ils sont des millions. Pourquoi le fait-on ? Pour les forcer à rembourser une dette colossale et imaginaire qui remplira des coffres électroniques et ne servira à rien. Les « créanciers » de cette pseudo-dette ne mangent pas plus de trois fois par jour.

Quand on réclame quelque chose de nécessaire et possible à nos gouvernants, la formule magique pour ne pas nous satisfaire est : « il n'y a pas d'argent ». Le débat est sensé se terminer là.

L'argent est un dieu. Ses servants sont les banques, mais aussi les particuliers. Le paradoxe est que tous ces gens-là, pour des motifs divers et parfois contradictoires, adorent l'argent et obéissent à l'argent. L'argent qui, par lui-même, n'a rigoureusement aucune valeur. Il ne se mange pas.

Des mesures aux conséquences catastrophiques se font au nom de calculs financiers opaques qui dissimulent la volonté de quelques-uns d'accumuler le plus d'argent possible. Aujourd'hui, dans le monde entier, et notamment chez nous, on liquide des hôpitaux et des maternités pour faire « des économies » ou « parce qu'il n'y a pas d'argent ». On préfère mettre la vie des gens, des mères et des enfants en danger pour que brillent les tas d'or imaginaires de quelques-uns. Un pour cent des habitants de l'Inde « possèdent » cinquante-huit pour cent des « richesses » du pays. Selon OXFAM France, il y a plusieurs mois déjà, soixante-deux individus « possédaient » autant de « richesses » que la moitié la plus pauvre du Genre humain, soit trois milliards d'individus.

Il n'y a pas que l'argent dont les humains ont fait un faux dieu. Trois autres faux dieux règnent un peu partout : la gloire, chercher à être « célèbre », « connu » de plein de gens. Le pouvoir et « le sexe » sont aussi des inventions que les humains très souvent idolâtrent et auxquelles ils obéissent. « Le sexe » consiste à faire d'une petite chose une obligation valorisante. Il faudrait s'accoupler un très grand nombre de fois, avec un très grand nombre de « partenaires », pour prétendre exister. C'est parfaitement absurde, idiot et source d'ennuis et de solitude. Quand les humains renoncent à adorer ces quatre faux dieux et leur obéir, ils commencent à vivre vraiment. Et peuvent enfin, dans la mesure du possible, être sereins et heureux.

Basile, philosophe naïf, Paris le 13 février 2017

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire