vendredi 28 avril 2017

745 La peur, la souffrance, l'espérance et la sérénité en amour

Quand un homme ou une femme s'implique ou tend à s'impliquer en amour, il rencontre très souvent la peur, la souffrance et l'espérance. La peur, car il a déjà connu des moments difficiles et douloureux, des déconvenues, des déceptions, des grands désespoirs quand il a cherché l'amour et parfois cru le rencontrer. La souffrance, car rien que ces souvenirs et la crainte de nouvelles déceptions font horriblement mal. Et on ne sait comment conjurer cette douleur. L'espérance n'est guère plus supportable. Elle est si forte qu'elle amène à sortir de la réalité. Une femme vous plaît ? La connaître serait le bonheur assuré. Ne pas parvenir à l'approcher serait perdre le sens de sa vie. Alors que deux semaines ou deux mois avant on ne la connaissait pas. La femme convoitée devient une obsession, une idée fixe qui vous poursuit et empêche de vivre tranquille.

Face à ces tourments, on peut en avoir assez. Arrêter les tourments est difficile. Et résoudre la situation en rencontrant quelqu'un est un rêve inaccessible. Parfois on a l'impression que pour les autres c'est tellement plus simple ! Qu'on n'a « pas de chance ». Voire même que le sexe opposé serait stupide, méchant, ignorant.

Avec le temps on se dit : « certes, je peux agir sur mon destin, il suffit de faire des efforts. Mais là un élément m'échappe et je ne sais pas l'influencer, il faut être deux... » Et puis, après des années, voire des dizaines d'années de souffrances immondes, on en vient à rêver : « ah ! Si seulement je pouvais trouver la sérénité, quitte à oublier cette quête impossible de l'amour ! »

Il est possible de faire face et trouver la sérénité. Pour cela plusieurs décisions s'imposent. La première sape les fondations de la plupart des souffrances rencontrées. Il faut renoncer à l'amour masturbationnel. Qui consiste à décider de « faire l'amour » et ce faisant se retrouver à se masturber dans un orifice naturel d'une ou un partenaire. L'amour dit « physique », c'est-à-dire l'acte sexuel, s'il est authentique et véritable ne se décide jamais. Il vient et il arrive à un moment-donné. On ne le fait pas venir par un raisonnement du genre : « c'est bien et c'est possible de le faire, alors faisons-le ! »

Renoncer à l'acte sexuel artificiellement amené en l'absence d'un désir réciproque et réel de le pratiquer, c'est progresser significativement. Se débarrasser d'une très large part du terrain ou poussent d'innombrables fantasmes aux conséquences douloureuses.

La recherche de l'amour masturbationnel peut prendre le caractère tragique du viol. Ses conséquences sont dramatiques et ravageuses. Quantité de femmes dans un premier temps vont vers une nouvelle connaissance masculine et paraissent s'y intéresser. Puis font brutalement et sans explication machine arrière et fuient. Elles peuvent fuir notamment en se plongeant dans leur travail. Ce qui explique une part des performances scolaires féminines. Dans le domaine des amours, suite aux agressions vécues, la peur règne souvent en maître.

En avril 2017, Abigail Breslin, actrice qui a joué notamment dans le film « Little Miss Sunshine », a rendu public son viol. Elle indique parmi les graves séquelles de celui-ci : « je sursaute toujours quand quelqu'un me touche lorsque je ne m'y attends pas, même quand il s'agit de ma meilleure amie qui me tape sur l'épaule. »


D'après une étude réalisée en France par l'Office national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP), citée par le huffingtonpost du 8 février 2017 : « le viol est l'agression sexuelle la plus grave et probablement la plus traumatisante pour la victime » et est aussi « l'une des infractions les moins signalées à la police ».

N'est pas comptabilisé comme viol, ni considéré comme tel le viol par abus de confiance, où par le mensonge on obtient ce qu'on obtient aussi très souvent par la violence ou la pression psychologique. J'ai pu relever que les victimes de viols qui se sont confiées à moi n'osaient pas employer le mot « viol » et ses dérivés. Le mot par lui-même fait peur. Alors que dire de l'acte subi ? Les récits butent et s'arrêtent à un moment-donné. Ainsi par exemple ma mère m'a raconté plusieurs fois qu'elle a été poursuivie, quand elle avait dix ans, par un garçon âgé de quinze ans, armé d'un couteau, qui l'insultait. Mais son récit s'arrêtait là. Dire ou écrire « j'ai été violé » n'est pas évident. Il m'a fallu attendre ces jours derniers pour évoquer ainsi une série d'agressions que j'ai subi alors que j'avais huit ans.

L'isolement entraîné par la peur, qu'elle vienne de soi ou qu'elle se manifeste chez les autres, il faut le reconnaître sans savoir ni quand, ni avec qui il sera possible de le rompre. Cet isolement n'est heureusement pas absolu. L'amitié, la fête, peuvent cohabiter avec l'absence d'amour dans le sens romantique du mot. Plutôt que se dire qu'on rate quelque chose qu'on ne va pas vivre avec les autres, il est plus positif de se dire que ce sont les autres qui ratent quelque chose qu'ils ne vivront pas avec vous.

Enfin, il faut se méfier de l'expression individuelle du problème de la famine amoureuse généralisée. Cette famine conduit à deux troubles classiques.

Le premier consiste en la plus délirante idéalisation d'un ou une partenaire éventuel en amour. On a si faim d'amour, que l'autre, qui n'est jamais ni plus ni moins qu'un homme ou une femme, est perçu comme une créature de rêve, un être unique, exceptionnel, prodigieux, merveilleux, adorable... stop ! C'est juste un homme ou une femme qui vous plaît et que votre faim dévorante d'amour transforme en mirage séducteur. Le prince charmant, la princesse charmante n'existe pas. Ou plutôt : il existe autant de princes charmants ou de princesses charmantes que d'hommes ou de femmes qui vous plaisent.

L'autre expression individuelle du problème de la famine amoureuse généralisée c'est la jalousie. Un poison terrible qui peut détruire les plus belles relations. Il faut savoir y résister en soi et résister aux manifestations de ce phénomène chez les autres.

J'ai assisté à des manifestations de jalousie chez des femmes qui vivent enfermées dans une sorte de « cage de peur » suite à un viol. Ainsi, sans aucune attitude séductrice elles souffrent de voir de bonnes relations s'établir entre un homme qu'elles aiment bien et qui n'est pas leur amant, moi, et des jolies filles. Ces bonnes relations pouvant se résumer à une conversation aimable ou une fleur offerte. Ces femmes enfermées lancent à ces occasions des regards noirs qui sont comme des appels au secours, des cris de souffrance muette. Mais le plus souvent les enfermées vont feindre l'indifférence.

Quelqu'un m'a dit un jour que le monde ressemblait à un immense hôpital psychiatrique. Il avait raison.

Cependant, si on arrive à corriger certaines divagations de notre esprit et renoncer à de fausses directions, on peut parvenir à une certaine sérénité. Peut-on ainsi parvenir également à s'acoquiner avec ce sacré Cupidon ? Je l'ignore, mais en tous les cas ne prétend pas m'en éloigner. Tout en ne souffrant plus de la blessure de ses flèches, ce qui est déjà beaucoup.

Il existe des personnes heureuses en amour, elles sont extrêmement rares. D'autres vivent un amour passable. Enfin, un grand nombre d'autres personnes vivent dans des souffrances plus ou moins grandes. Comme cette dame que j'ai connu et qui justifiait son célibat et sa vie solitaire teintée de saphisme caché, en me disant : « les hommes, j'en ai fait le tour ».

Basile, philosophe naïf, Paris le 28 avril 2017

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