samedi 20 mai 2017

762 Le patriarcat contre l'amour et la sensualité

Quand deux êtres humains en âge de procréer se retrouvent à se faire en tête-à-tête des câlins très « chauds », ils croient être deux. En fait, ils sont le plus souvent trois. Le troisième partenaire présent c'est le patriarcat, qui va saboter et fiche en l'air la belle relation potentiellement possible.

La première femme qui dans ma vie a suscité des émois liés à la génitalité a été ma sœur. Dans le vase clos de ma famille il était difficile qu'il en soit autrement. Je n'allais pas à l'école, ne savais même pas ce que pouvait être l'amitié. Mes parents s'étaient brouillés avec leurs familles respectives et n'avaient autant dire pas d'amis. Je grandissais à l'écart du monde. Et dans le cocon familial la seule jeune fille proche était ma sœur, de trois ans et demi plus âgée que moi. Quand vint l'été 1969, nous partîmes en vacances en famille à la Tour d'Aygues en Provence. La première nuit, mes parents, en parfait inconscience et irresponsabilité, décidèrent qu'un grand lit pourrait très bien être partagé par ma sœur et moi. Elle avait vingt-deux ans et moi dix-huit.

Le soir vint. J'en étais tout excité. On nous laissa tous les deux seuls dans une des pièces de la location de vacances. J'allais en premier au lit. Je réalisais à cet instant que si ma sœur m'avait laissé à certains moments explorer très relativement sa personne et son lit quand elle dormait, en fait elle faisait semblant. Je n'avais donc pas à craindre de « la réveiller ». Il faisait chaud, c'était l'été en Provence. J'avais juste sur moi mon slip. Je l'ôtais puis effrayé le remis. Ce qui m'avais effrayé était la crainte en allant trop loin de me retrouver avec une sœur enceinte de mes œuvres... De cela il n'était pas question. Inutile de dire que la contraception et ma famille étaient aussi étrangères l'une à l'autre que la planète Mars l'est de la Terre.

Si je n'allais donc pas m'approcher de tout mon corps de ma sœur, restait possible d'en approcher mes mains. Une fois ma sœur allongée pas loin de moi et la lumière éteinte, les volets clos, dans l'obscurité, les opérations pouvaient commencer. J'ai cherché sous les draps et la couverture en direction de la jeune fille qui faisait semblant de dormir à mon côté. Et suis abouti direct de ma main droite sur son ventre nu. J'ai posé doucement ma main dessus. En ai ressenti un plaisir incroyable. Ce plaisir était inhabituel et nouveau. Il a suscité l'instant d'après en moi une intense et inexplicable frayeur spontanée. Qui a fait que j'ai retiré promptement ma main.

C'est là que le troisième partenaire, le patriarcat, est entré en action. Qu'allais-je faire ? J'avais renoncé à ce qui me faisait plaisir. Je prenais une direction absurde, si je voulais continuer. Et c'est là que le patriarcat m'a conseillé. Que pouvais-je faire ? Je me suis souvenu du catalogue d'une exposition pornographique danoise que mon frère aîné avait ramené au domicile familiale. J'avais feuilleté cet ouvrage illustré. J'y avais remarqué un dessin ou une gravure en noir et blanc figurant une grande main nue masculine velue et laide vue par dessus, en train de pénétrer avec son index le vagin velu d'une femme. J'allais faire pareil. C'est ce que j'ai entrepris de réaliser et que j'ai fait ensuite, sans plaisir particulier. Le patriarcat m'avait conduit à « faire comme tout le monde », ou plus exactement comme tous ceux qui s'égarent à le suivre. Faire du sexe le but et le centre de tout, quitte à imiter des comportements artificiels. Le seul comportement authentique aurait consisté à suivre mon plaisir en laissant ma main sur le ventre de ma sœur. Je ne l'ai pas fait.

Le lendemain, j'ai été effrayé par la perspective d'une pente qui risquait de m'amener à mettre enceinte ma sœur. Ce qui fait que j'ai, à son grand étonnement, exigé de dormir loin d'elle, sans donner d'explication de ma motivation. Et me suis retrouvé dès la nuit suivante à dormir seul sur un étroit lit de camp de camping prêté par un ami de la famille. Par la suite, pour les mêmes motifs d'éviter de nous retrouver dans une très délicate situation, j'ai toujours refusé d'emmener ma sœur en vacances en camping avec moi. J'ai préféré partir seul, quitte finalement à m'ennuyer un peu.

Basile, philosophe naïf, Paris le 20 mai 2017

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