dimanche 2 juillet 2017

798 Remarques en marge de la loi Veil autorisant l’avortement

Ces jours-ci on reparle de la loi Veil de 1975 à l'occasion de la disparition très récente de son auteur. Comme cela se fait traditionnellement, l'Histoire est toujours simplifiée par les journalistes. Dans le livre autobiographique de Simone Veil publié en 2007, intitulé « Une vie », Simone Veil évoque la genèse de sa loi autorisant l'avortement. C'est le président Giscard qui la sollicite pour susciter cette loi, car les avortements organisés par le MLAC débordent les autorités qui voient le pouvoir masculin médical et étatique perdre le contrôle du ventre des femmes. A propos de ces avortements militants, il faut lire un article très bien documenté paru dans le numéro 29 de la revue Clio Femmes, Genre, Histoire, publiée en 2009 sur le thème « 68' Révolution dans le genre ? » : Bibia Pavard « Genre et militantisme dans le Mouvement pour la liberté de l'avortement et de la contraception. Pratique des avortements (1973-1979) » (Gender and Activism in the MLAC : practising abortions (1973-1979)). Disponible en ligne : http://clio.revues.org/9217 pages 79-96.
 
La question posée alors est d'importance. Qui va prendre en charge les avortements réalisés dans de bonnes conditions médicales ? Les médecins ou les femmes elles-mêmes et en groupes ? Je me souviens très bien vers l'époque de l'arrivée de la loi Veil la stupeur des femmes découvrant que le geste abortif n'était pas un geste relevant d'un acte chirurgical lourd. Réputation que l'avortement avait eu jusqu'à là en France auprès des femmes.

Avec la loi Veil, l'avortement est autorisé légalement, dans un cadre juridique et médical précis. Le pouvoir masculin médical et étatique, remis un moment en question par les avortements réalisés par le MLAC, reprend le plein contrôle du ventre des femmes. La loi fixe les délais et modalités de l'avortement, au nombre desquels un entretien dissuasif et obligatoire auquel doit se soumettre la postulante à l'avortement pour tester sa motivation et la dissuader éventuellement. L'obligation de cet entretien sera par la suite supprimée. J'ai connu une femme qui l'ayant subi, en 1978, en était revenue en larmes, sans pour autant changer d'avis. 
 
L'obligation de l'entretien dissuasif était d'autant plus étrange, que lors des Entretiens de Bichat consacrés à la question de l'avortement alors illégal en France, il avait été relevé notamment une chose. C'est qu'une fois décidée à avorter, la postulante conservait cette décision quelles que soient par ailleurs ses convictions. J'avais eu en main le compte-rendu imprimé de ces Entretiens où j'avais lu cette précision.

Un aspect de l'avortement en France avant la loi Veil était d'ordre financier. Un jeune Parisien m'a raconté en 1973 avoir payé 4000 francs un avortement clandestin médicalisé pour sa copine. Le salaire minimum était à ce moment-là d'un montant de six francs de l'heure. Les bénéfices très considérables de certains représentants de corps médical pratiquant des avortements médicalisés clandestins expliquent certainement l'attachement d'une part d'entre eux à la prohibition de l'avortement. Le médecin qui avorta en 1978 dans sa clinique la femme citée plus haut, exigea et obtint, sans aucun justificatif, qu'elle lui remette 1000 francs en liquide, non déclarés aux impôts, bien sûr. C'était sans doute là un reste des pratiques médicalisées illégales qu'il avait pratiqué avant l'arrivée de la loi Veil.

L'histoire du statut légal de l'avortement en France soulève des questions très intéressantes qui sont souvent ignorées par les médias. A commencer par savoir à qui appartient le ventre des femmes : à la Nation, l'autorité, qui est aujourd'hui et de très longue date masculine, ou aux femmes elles-mêmes. Ce n'est pas une simple question théorique, mais une question qui a des conséquences pratiques dans la vie des personnes concernées. Et l'histoire des femmes et de leur condition difficile est révélatrice de tous les grands problèmes qui se posent à l'Humanité. Sans le respect des femmes aucun progrès humain effectif ne saurait être réalisé. Il en va de l'avenir-même de l'ensemble de la Communauté humaine, femmes, hommes et enfants compris. 
 
Basile, philosophe naïf, Paris le 2 juillet 2017


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