lundi 10 juillet 2017

810 Question de sémantique

Dernièrement je parlais avec une jolie fille que j'avais déjà très brièvement rencontré auparavant, et celle-ci, pour se définir m'a dit : « je suis la petite amie de untel. » Avant-hier, une autre personne la voyant passer m'a commenté son passage en me disant : « c'est la petite amie de untel. » Ce genre de propos de nos jours est courant, banal. Mais réalise-t-on vraiment sa signification impliquée ? Je ne crois pas.

Cette jolie fille me dit pour se présenter : « je suis la petite amie de untel. » Elle va ainsi se définir à partir de sa « définition » « sexuelle »... Mais en quoi ça me concerne que cette jolie fille se considère hétérosexuelle, homosexuelle, bisexuelle, transgenre ou asexuelle ? Qu'elle ait ou n'ait pas un ou plusieurs amants ou amantes, et leurs identités précises éventuelles ? Qu'elle se considère comme libertine, fidèle à un homme, ou une femme, ou plusieurs, ou ai fait vœu de chasteté absolue ? Ça m'est parfaitement égal. Ça ne me concerne pas.

« Oui, mais, me diront certains, comme ça, si vous auriez des intentions éventuelles d'y mettre les mains, vous voilà prévenu. » Mais je n'ai aucune intentions éventuelles de ce genre ! Malotru ! Ce n'est pas parce qu'une fille est jolie que je dois m'imaginer tout de suite je ne sais quelle « aventure ». Et puis, si je comprends bien, je suis prévenu de ne pas devoir y mettre les mains, parce que... la jolie fille appartient à untel ?

Tiens ! Tiens ! Comme c'est intéressant, cette façon de considérer une femme ! Le patriarcat montre son nez à travers un propos apparemment anodin. Je remarque qu'il m'est arrivé d'entendre définir une femme comme la copine ou la petite amie d'un homme donné. En revanche, je ne me souviens pas avoir entendu définir un homme comme « le petit copain » ou « l'amie » de unetelle...

Une femme n'existerait donc que par rapport à un homme, à condition qu'il y en ait un et qui ait « des droits » sur son ventre... Là on vit où et à quelle époque ? J'entends ça à Paris dans un milieu apparemment civilisé. On me dira peut-être que je pinaille. Après tout pour cette jolie fille se présenter comme « la petite amie de untel » c'est indiquer un élément important de sa vie. Mais, si je la revois, pas besoin d'une telle précision, je m'apercevrais bien si untel est souvent en sa compagnie. Quant à savoir s'ils dorment voire habitent ensemble, c'est leur affaire. Et des « couples » se font ou se défont tous les jours. Se présenter ainsi peut être aussi une manière de déclarer d'emblée de façon indirecte qu'elle n'est pas intéressée sexuellement par vous.

Une chanson très machiste chantée par Édith Piaf dresse un tableau totalement démagogique de ce que serait l'amour d'elle pour un homme qu'elle définit comme : « l'homme auquel j'appartiens. » Se présenter comme « la petite amie de untel » revient strictement au même. Sans s'en rendre compte, tant notre culture dominante est imprégnée par le patriarcat. Pour moi, cette jolie fille dont je parlais ici n'appartient à personne. Elle est d'une compagnie agréable et a une conversation agréable. Quant à ce qu'elle fait de sa « sexualité », présentement je m'en fiche. Je revendique le droit à l'indifférence sexuelle et l'amour sans précisions. Pas d'intentions ou d'idées de quelque chose à venir ou pas. Je préfère rester au contact de la réalité et de l'instant présent, le seul qui existe.

La prétention à définir une femme comme « la petite amie de untel » relève aussi d'une façon générale de la frénésie casière. Assigner chaque personne à une case précise au lieu de l'observer et apprécier chez elle toute la richesse de la diversité humaine. Résumer une femme à sa « qualité » de « petite amie de untel » est une très pauvre définition. Elle me parle autant que si on cherchait à la définir comme une personne qui ne boit pas de café ou s'habille en rose. Il serait important que certains en prennent conscience et modifient leur manière de se présenter ou présenter les autres.

Basile, philosophe naïf, Paris le 10 juillet 2017

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