mardi 18 juillet 2017

821 Fantasmes

J'ai un souvenir très précis qui doit remonter à quand j'avais deux ou trois ans, sinon guère plus. J'étais très petit et admirais grandement mon père à propos de la chose suivante : quand nous allions à la gare, tout la haut au dessus de moi il parlait avec quelqu'un au guichet. Quelqu'un que je ne voyais pas mais dont je devinais la présence. Grâce à ces paroles, mon père obtenait facilement « un billet ». Je n'avais pas la moindre idée de ce que c'était. Mais savais que grâce à ça, peu après, nous nous retrouvions dans le train qui démarrait peu après. Mon père était extraordinaire ! Il faisait quelque chose qu'il savait faire et à chaque fois grâce à lui nous pouvions monter dans le train ! J'ignorais à l'époque l'existence d'une chose qu'on appelle « l'argent ». Et la première fois qu'on m'a montré « un billet », j'ai été plutôt déçu. C'était une petite chose rectangulaire et plate assez moche.

C'est notamment avec le souvenir de telles admirations enfantines que bien plus tard nous bâtirons dans notre tête la statue vivante de « la femme idéale, qui va nous faire connaître, et elle seule, le bonheur parfait. » La femme idéale, de même que l'homme idéal, par définition n'existe pas. Le bonheur parfait également n'existe pas. Comment des humains imparfaits pourraient, qui plus est à deux, créer quelque chose de parfait ? Mais on y croit souvent, parce qu'on a envie d'y croire. Qu'est-ce que ce serait triste si le Père Noël et le Prince Charmant n'existaient pas !

Le Bonheur parfait en amour, j'ai cru y goûter trois fois. De ces brefs instants j'ai fait le modèle de ce que je cherchais. Une fois allongé habillé sur mon lit, l'objet de mon amour également habillé allongé sur moi. Nous avons passé ainsi un quart d'heure peut-être. J'ai juste un peu caressé un sein de ladite demoiselle. Et me suis senti à cette occasion extraordinairement bien. J'en ai conclu que j'avais là goûté à cet amour tant recherché. Sauf qu'en fait pour des raisons que j'ignore, je m'étais à cette occasion juste envoyé un fort et vigoureux shoot d'endorphines.

Le même phénomène m'était arrivé en rêvant à une autre demoiselle sur laquelle je fantasmais, l'imaginant être mon amour. C'était plutôt mon illusion.

Une troisième occasion plus « sexe » où j'avais pu m'administrer une bonne dose de drogue naturelle auto-produite. Et voilà le décor planté pour m'imaginer avoir effleuré le continent magique où nous devrons essayer tous de parvenir un jour.

Les fantasmes amoureux sont comme des esquisses crayonnées sur une toile épaisse qui a nom la frustration tactile. Privé de caresses et de toucher en général à partir du sevrage tactile enfantin, nous imaginons un bien-être abusivement assimilé à l'acte sexuel. Si à un affamé on fait croire que se nourrir passe par l'acte sexuel, il va y rêver. S'il réalise que ce sont deux choses différentes et d'importances différentes, il va arrêter de se focaliser sur le sexe.

Mais ce ne sera pas le cas de son entourage, qui continuera à attribuer une importance démesurée à cette petite sexualité. Et ignorer le grandiose toucher.

Le débat sur la question sera généralement verrouillé par « la pudeur ». On va ainsi s'opposer à la liberté d'expression. J'ai vu une amie s'offusquer de ce que j'aborde « des sujets intimes », c'est à dire sexuels. Cependant qu'elle ne s'est pas gêné pour m'annoncer que dorénavant « elle sort avec untel ». Ce qui signifie qu'elle couche avec. C'est un propos admis comme « correct ». Mais par contre disserter sur la masturbation, quelle horreur ! Surtout si c'est pour l'analyser et pas se contenter d'être « pour » ou « contre ». On prétend souvent que c'est la seule question qui se pose dans le domaine sexuel : être pour ou contre. Mais ce qui importe plus c'est savoir ce que nous voulons et ce dont nous avons besoin. Et ignorer les rêves qui nous égarent et abrutissent.

Basile, philosophe naïf, Paris le 18 juillet 2017

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