lundi 24 juillet 2017

827 Le grand meuble en bois et la promenade le long du canal de l'Ourq

Dans les années 1980 j'ai eu à un moment-donné une petite amie. Sexuellement ça a toujours été très nul. Ce qui était, je le comprend bien à présent, tout à fait inévitable, car nous avons suivi la pensée unique sexuelle régnante. Nous cherchions à trouver le bonheur dans la gymnastique patriarcale réglementaire dont le but suprême est le mélange d'humeurs diverses d'origine féminine ou masculine. Mélange recherché et obtenu indépendamment d'un quelconque vrai désir réciproque.

Les deux moments les plus beaux que nous avons vécus n'étaient largement pas « sexuels ». L'un, c'était quand, très bricoleuse, cette dame construisait une grand meuble avec du bois de récupération. Je l'observais et parlais avec elle, assis sur un petit escalier. L'autre moment fut une balade à vélos par une belle journée ensoleillée le long du chemin de halage du canal de l'Ourq.

Si je n'avais pas été infecté par la pensée unique sexuelle régnante, je me serais moins polarisé sur la gymnastique décevante dont la perfection, imaginaire, rêvée et absente, me manquait. Un peu comme un convive insatisfait qui, à un banquet, est incapable d'apprécier les plats servis. Même délicieux, il leur manque toujours quelque chose qui en fait n'existe pas.

Ce mythe du bonheur en fait introuvable, n'est pas le seul qui hante les relations difficiles entre l'homme macho et la femme victime du machisme.

Il existe par exemple toute une mythologie prétendant que quand elle a cédé au jeune homme, la jeune fille qui d'abord ne voulait pas, trouve son pied avec le jeune homme. La jeune fille est en fait généralement déçue et ennuyée. Un acte forcé n'est pas agréable à vivre.

Une dame que j'ai connu, qui avait épousé son mari vers 1944, me disait que commentant la prestation sexuelle de leur mari, elle et ses copines disaient toutes : « à chaque fois j'attends qu'il ait fini sa petite affaire pour aller me laver. » Une amie me racontait que sa mère, dans les années 1960-1970, à chaque fois que son mari l'honorait, angoissait. Elle se levait tout de suite après en catastrophe et s'envoyait avec la pomme de douche un jet d'eau glacée dans le vagin, espérant ainsi éviter de tomber enceinte. Le mari, que j'ai connu, paraissait un brave homme. L'imaginer allongé paisiblement sous les draps cependant que sa femme procédait ainsi, m'a laissé songeur.

Le cinéma à l'occasion cautionne la fable de la jouissance automatique de la jeune fille qui cède aux attentes sexuelles du jeune homme. Je me souviens d'un film de Jean Renoir où une jeune fille emmenée dans les bois par un jeune cavaleur qu'elle ne connaît pas, lui résiste quand il l'assaille. Puis tombe dans ses bras. Et bien des années après, mariée à un triste et quelconque bellâtre, croisant le jeune homme qui l'a violé, appelons les choses par leur nom, lui dit : « j'en rêve tous les soirs. » Dans un film comique sorti au milieu des années 1960, on voyait un jeune homme sautant en parachute avec une jeune fille. Aboutir ensemble à terre sous le parachute. La jeune fille protestait, puis protestait de moins en moins. Enfin la toile relevée par les deux jeunes gens, ils échangeaient un sourire radieux et complice. Message évident : « si une fille vous résiste, sautez-lui dessus, elle n'attend que ça. » Et, bien patriarcalisé, la salle et moi trouvions ça normal et amusant... 

Voilà comment, à travers chef d’œuvres ou films de distractions, le cinéma distille le poison patriarcal. Même dans les livres pour enfants, les publicités les plus anodines, les chansons sentimentales, partout, partout, partout, on vous met dedans. Quand je me retrouve en compagnie d'une dame avec laquelle j'ai l'air de m'entendre, aux yeux de l'entourage, nous voilà mariés. Si je parle agréablement avec une jolie fille, on dira que je drague. Avant, j'éprouvais l'envie de protester. À présent je ne dirai plus rien. Tant pis si on dira et croira que je suis en couple ou que je drague.

Basile, philosophe naïf, Paris le 24 juillet 2017

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