mardi 25 juillet 2017

828 La carence tactile source d'une terreur non domiciliée

Avant notre naissance nous baignons dans un univers tactile et phonique : l'intérieur de la femme qui nous porte. Nous partageons sa chaleur et entendons le bruit régulier et rassurant de son cœur. Si nous avons un jumeau ou une jumelle c'est encore plus tactile. Les jumeaux ou jumelles se tiennent étroitement compagnie, nus, se touchant et serrant l'un contre l'autre, durant des semaines et des mois. Ils ne l'oublieront jamais complètement.

Petits, nous sommes hyper-communicants : as de la peinture, de la danse et du rythme, du chant, de la poésie et surtout du toucher et des câlins. Toute cette créativité passera au broyeur de la Civilisation vers l'âge de quatre ans environ. Ce sera le sevrage tactile, la liquidation de notre créativité poétique, vocale, chorégraphique et picturale. Quand plus tard nous chercherons à renouer avec le toucher, nous serons incapables, ignorants, analphabètes tactiles. Et intoxiqués par le bourrage de crâne sexuel de notre société, qui prétend abusivement asservir les caresses au coït.

Regardez bien la photo des grands criminels, qu'ils soient « de droit commun », « politiques », « financiers », « économiques » ou « militaires ». Ce sont presque tous des hommes et pas des femmes. Ils manquent tragiquement de caresses. Alors ils compensent en commettant des crimes.

L'oubli de notre prospérité tactile intra-utérine et ensuite enfantine, l'oubli du sevrage tactile et de la liquidation de notre créativité poétique, vocale, chorégraphique et picturale suscitera en nous un trouble et une terreur d'origine inconnue. Elle sera « non domiciliée ». Nous chercherons à lui trouver une domiciliation. Attribuer à cette terreur une origine claire. Qui ne sera pas la bonne.

Subitement un problème habituel va vous tarauder. Derrière ce problème devenu envahissant se cachera en fait la carence tactile, niée, ignorée et bien présente.

Que de conduites absurdes cette peur non domiciliée à son véritable domicile, sa véritable origine, va entraîner ! On verra, par exemple, des gens riches avoir peur sans raison de devenir pauvres et s'accrocher à leur argent comme si leur vie en dépendait. Ils deviendront avides et avares.

Quand j'ai effectué un stage d'un week-end de massages en 1986, après quelques heures de massages partagés, j'ai pu observer des changements ou des révélations de comportements dont le souvenir m'est resté. Notre groupe était composé de trois hommes dont un gay et six femmes, si je me souviens bien. On devait dormir sur place. Ça se passait dans un grand appartement parisien. Le premier soir l'homme qui était gay, prétextant une obligation, nous a quitté pour dormir ailleurs. Au moment de son départ, l'un de nous a esquissé le geste de lui tendre la main. Puis s'est arrêté et tout le monde a rit. Il apparaissait évident à chacun de nous qu'on ne saurait quitter cet homme autrement qu'en l'embrassant. Dans notre groupe se trouvait une très grande et belle jeune fille blonde aux yeux bleus. Elle avait dix-sept ans. Elle était donc mineure. Ce qui a suscité au début du stage la grimace de la dame qui l'organisait. J'avais sympathisé avec cette jeune fille. Et à plusieurs reprises il nous arrivait de nous rejoindre face à face et puis nous serrer dans les bras l'un l'autre. Il n'y avait rien de « sexuel » dans notre geste. Pourtant nous étions nus durant les séances de massages. C'était juste et spontanément vécu comme des simples câlins très agréables. De la pure tactilité. Durant les deux semaines qui ont suivi le stage, j'ai spontanément perdu tout intérêt pour la pornographie et la masturbation. Bizarrement mes érections étaient devenues ligneuses, elles n'avaient jamais été aussi dures. On aurait dit du bois. Ce phénomène a duré aussi deux semaines, puis a disparu. Je n'ai pas su poursuivre l'expérience de ce stage de manière pratique à l'extérieur. Car j'avais les préjugés de mon époque, je croyais à l'existence du « sexuel ». Qu'il existait une zone de la communication entre humains adultes qui implique automatiquement la recherche du coït.

Basile, philosophe naïf, Paris le 25 juillet 2017

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