lundi 29 janvier 2018

887 Qu'est-ce que « l'Anarchristisme » ?

Cette pratique politique combine l'anarchisme « doux », entendez par là non violent, et l'amour du prochain. Elle ne prétend pas répondre à tout et donner la réponse à tous les problèmes. Elle se contente plus modestement de traiter les problèmes de la vie quotidienne sans attendre pour autant un quelconque « Grand Soir » qui résoudrait tout. Et prétendrait le faire en détruisant un tas de choses et d'individus.

Le partisan de l'anarchristisme ne prétend pas pour autant s'opposer forcément aux rêveurs qui ont à cœur de rêver à ce « Grand Soir » qui résoudrait tout. Mais il est là comme un paisible piéton se déplaçant en rollers auquel on vante le mérite de conduire un bolide de Formule 1. On peut gagner une course avec, ce qui n'a pas forcément d'intérêt. On peut aussi se tuer avec. L'anarchristique préfère les rollers et laisse à d'autres l'ambition de piloter un bolide de Formule 1.

Que pense l'anarchristique des divers militants politiques ? « Ils sont parfois bien sympathiques, mais ils n'ont en général pas spécialement l'amour comme base d'action idéologique. Normal, ils ne sont pas anarchristiques. C'est leur droit. » Et l'anarchristique a le droit d'être anarchristique.

Faire le bien dans la douceur est l'ambition anarchristique. Prenons un exemple : une dame retraitée que je ne connais pas, m'appelle tout à l'heure pour connaître l'adresse d'une batucada. Je passerais presque un quart d'heure à lui vanter l'intérêt du Carnaval de Paris, l'inviter à y participer, aussi à créer des goguettes et lui donnerais l'adresse demandée. Un être humain appelle. Il est très important. Un groupe le suit, il est très important également. Et c'est ainsi qu'une petite association de retraités d'une ville de la lointaine banlieue de Paris va peut-être se retrouver au Carnaval. Le but ici recherché par moi : faire le bien, rendre heureux. Un but tout à fait anarchristique.

Aucun retour n'est demandé. Le but de faire ou essayer de faire le bien est de se dire qu'on a fait ou essayé de faire le bien. Et si on n'y arrive pas, au moins on a essayé et c'est l'essentiel.

L'amour est une arme bien plus grande que toutes les armes de destruction massive, et il ne fait que le bien et jamais le mal. L'amour vrai, bien entendu. Pas un échantillon de ce musée des horreurs se prétendant incarner l'amour et n'en étant qu'une caricature grimaçante et disgracieuse. Si on veut vraiment aimer son prochain ça nécessite des efforts pour comprendre de quoi il s'agit et comment agir en ce sens.

Ce n'est pas toujours facile. Par exemple, il ne faut jamais haïr. Or il arrive que spontanément nous haïssions quelqu'un. Il faut alors éviter d'agir dans ce sens, s'arrêter, analyser, réfléchir et vider cette haine de son contenu.

Faire le bien implique aussi d'éviter au maximum de mentir. Le mensonge détruit la confiance et annihile la relation entre les êtres humains. C'est une très grande maladie de l'Humanité.

Il faut aussi éviter d'intellectualiser le sexe. C'est-à-dire de prétendre parvenir à la copulation suite à un raisonnement intellectuel et pas suite à un désir véritable, authentique et réciproque. L'intellectualisation du sexe est un très grand fléau de l'Humanité. Le sexe sans vrai désir corrode et anéanti à terme la relation entre ceux et celles qui le pratiquent.

L'anarchristisme est joyeux car il préconise la fête, la chanson et la joie partagée. Sa pratique change notre vie ici et maintenant sans attendre le « Grand Soir » ou les prochaines élections. Son mot d'ordre n'est pas « demain on rase gratis », mais dès aujourd'hui on fait le bien qui nous plaît.

Basile, philosophe naïf, Paris le 29 janvier 2018

dimanche 28 janvier 2018

886 Origine matérielle de la « morale sexuelle »

Au commencement, l'homme est un singe parmi d'autres singes. Il n'a aucune morale, aucune règles hormis l'instinct qu'il suit. S'il vole ou viole, il n'en a pas conscience. Il trouve bonne fortune, c'est tout. Certains fabulistes ont brossé le portrait du « bon sauvage » qui passe sa vie à manger, dormir et « faire l'amour ». Jolis fantasmes qui ne correspondent guère à la réalité de la Nature libre qui est toujours extrêmement violente. Si un homme d'aujourd'hui se retrouvait dans la condition du singe primitif ancestral, il est probable qu'il ne survivrait pas et périrait au bout de cinq à six jours.

Quel motif amène l'homme à édicter des règles pour régir sa conduite sexuelle ? Au départ rien ne l'y incite. Puis arrive une nouveauté dans sa vie. Il parvient à produire plus qu'il ne consomme. Ce surplus, cette « richesse » il va s'évertuer à la « posséder ». Mais comme il meurt forcément un jour, il souhaitera la « léguer ». La léguer à qui ? A ses proches. Mais qui sont-ils ? Comment le déterminer ? Pour cela il faudra établir des règles concernant la reproduction. La morale sexuelle a pour origine l'héritage.

Telle est l'hypothèse que j'avance.

Avec les millénaires cette morale s'est complexifiée, accompagnée de lois, fables, légendes, mythes, traditions, habitudes, règles diverses et discours révoltés ou justificateurs.

Sans manquer de se retrouver remplie de contradictions et souvent inappliquée dans les faits car inapplicable en réalité. Mais sur cette aspect de la question il est très mal vu d'insister. Il faut faire comme si de rien n'était. Très souvent on proclame à voix haute suivre la morale... et on chuchote l'instant d'après qu'on la suit parfois de très loin.

Un homme que j'ai connu affichait des convictions traditionnelles dans le domaine de la morale sexuelle. Il ne manquait pas de critiquer les jeunes qui font « n'importe quoi » et prennent des risques « avec le SIDA ». Un jour, pris d'un accès de sincérité, il m'avoua entre quatre yeux ne pas s'être gêné ni se gêner de tromper sa femme avec « des aventurières ». Bref ; faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais. Ou plutôt, faites comme je fais, mais tout en restant discret.

Au début des années 1970 j'étais étudiant à l’École des Beaux-Arts de Paris. C'est seulement des dizaines d'années après qu'un de mes anciens camarades d'école m'a appris que des étudiants de mon atelier allaient voir les prostituées vers les Grands Boulevards. Comme ils venaient à des heures creuses pour elles, les dames leur faisaient des prix réduits, des prix étudiants ! Et moi je n'avais rien vu ni entendu.

Sauf un jour où un responsable de mon syndicat étudiant m'avait proposé de le suivre dans un bordel, où « on mange très bien après. » J'avais décliné son offre qui se voulait amical et libérateur. Il devait me trouver timide avec les filles.

J'avais aidé une très jolie fille lycéenne à entrer aux Beaux-Arts. Tous les garçons lui faisaient la cour, excepté moi. Elle n'a pas dû bien comprendre mes motivations. Je voulais l'aider, tout simplement, j’étais désintéressé.

Dans un atelier de l'école il y avait Raphaëlle, une élève d'une très grande beauté. Les étudiants politisés que je connaissais n'ont jamais réussi à lui parler politique, tellement ils étaient polarisés sur l'idée de la draguer. Mes propos paraissent ici peut-être éloignés de la description du singe humain. Ils sont en fait en plein dedans. Nous sommes toujours des singes.

Basile, philosophe naïf, Paris le 28 janvier 2018

885 A propos de la maltraitance sexuelle.

Maltraitance signifie mal traiter. Curieusement on ne relève comme actes de maltraitance sexuelle que les viols, agressions physiques ou verbales, gestes déplacés, qui sont effectivement des mauvais traitements. Mais pourquoi n'évoque-t-on jamais la maltraitance représentée par la démission parentale ? Mes parents m'ont enseigné beaucoup de choses dans beaucoup de domaines. Mais s'agissant de la sexualité ils ont été aux abonnés absents.

Quand j'ai eu mes premières érections, j'ai été surpris par ce phénomène étrange, bizarre, incompréhensible. J'ai pensé que j'étais malade. Malade d'une maladie honteuse, ce qui fait que je n'en ai parlé à personne. J'ai durant un certain temps eu honte de bander.

Par la suite, un jour, j'ai fini par comprendre que ce phénomène avait pour rôle de permettre la pénétration de l'organe sexuel féminin. On ne m'avait jamais parlé de l'acte sexuel. Pour moi, le sexe, masculin comme féminin avait pour unique utilité la miction. Les réunir ainsi revenait à mettre en contact intime deux organes destinés à pisser. C'était sale. Durant des années, je suis resté marqué par cette conviction de la saleté de l'acte.

Mes parents ne pouvaient pas ne pas savoir qu'un jour j'aurais des érections. Ils n'ignoraient pas non plus l'existence de l'acte sexuel. Ils ne m’ont parlé de rien. Ils m'ont caché ce qu'ils savaient. Agissant ainsi ils ont nui à ma vie sexuelle et ma vie en général. Il s'agit bel et bien d'actes de maltraitance sexuelle.

Quand j'ai eu vingt-et-un ans, je me souviens m'être posé la question : « que faut-il penser de l'acte sexuel ? » et comme réponse m'être dit : « il faudrait essayer ». Puis je n'y ai plus pensé. Quand j'ai eu vingt-deux ans, ma mère, ma famille et notre médecin de famille m'ont manipulé pour me jeter dans les bras d'une vague copine. Alors que je ne recherchais nullement l'acte sexuel on s'est chargé de me « déniaiser ».

Résultat de ces manœuvres, je suis devenu « comme tout le monde ». A la recherche de ma moitié d'orange, de ma « partenaire sexuelle attitrée ». Ce qui fait que durant plus de quarante ans j'ai été parasité par cette recherche insensée. Il n'y a pas lieu de chercher une partenaire sexuelle attitrée. Ou bien il arrive que deux individus se rapprochent sexuellement. Ou bien il n'y a pas lieu de s'inventer une attirance réciproque inexistante pour « faire comme tout le monde ». Depuis que je me suis débarrassé de cette pensée parasite qu'on m'avait mise dans le crâne, je me sens libre et tranquille. Je peux rencontrer toutes les plus jolies filles du monde sans me préoccuper de sexualité. Si je les trouve très jolies, je me dis : « elles sont très jolies » et ma pensée s'arrête là. Je ne commence pas à fantasmer et chercher à résoudre d'insolubles problèmes de séduction qui ne correspondent en rien à la réalité. Comme je ne suit pas le troupeau commun, je dois rendre perplexe certaines personnes autour de moi.

Que je ne cherche plus à tous prix l'acte sexuel, soit. Mais alors, me dira-t-on, pourquoi ne pas chercher la simple tendresse ? Tout simplement parce que la plupart des humains sont des analphabètes en câlins. Ils sont « analcâlins ». Ils savent caresser leur chat ou leur chien, mais pas un être humain. Ça ne vaut même pas la peine d'essayer quoi que ce soit de tendre avec eux. Ils sont empêtrés dans leur sexualité malade et confondent aussi l'amour avec la jalousie. Pour des êtres libres comme moi, leur compagnie trop proche est insupportable. J'aime les humains, j'adore les femmes... de loin. De près c'est une histoire souvent glauque. Je laisse cette histoire à d'autres. Qui dépriment et se sentent seuls. Mais ne parviennent pas à se remettre en question et abandonner leurs mirages et contes de fées amoureux. Ils ont peur de la réalité. Alors la réalité se venge d'eux.

Basile, philosophe naïf, Paris le 28 janvier 2018

vendredi 19 janvier 2018

884 La grande fraternité autogérée des cafés associatifs

J'ai créé le 11 décembre dernier l'article « Café associatif » dans Wikipédia. Depuis je l'ai beaucoup travaillé et enrichi. Il comprend une description des cafés associatifs, cinq photos et une liste de 352 cafés associatifs, dont 335 situés en France.


Il existait déjà dans Wikipédia les articles « Café littéraire », « Café-librairie », « Café philosophique », « Café polyglotte », « Repair café » et « Café scientifique », mais pas d'article « Café associatif », pourquoi ? À mon avis parce que personne n'avait su partir des cafés associatifs pour les définir. Mais à l'inverse ceux qui avaient cherché à les définir partaient de leur définition personnelle pour essayer de la faire ensuite coïncider avec la réalité, et n'y parvenaient pas.



Le site du « Réseau des Cafés culturels » demande « la reconnaissance institutionnelle » des cafés associatifs. Alors que la force et l'originalité des cafés associatifs est justement de ne pas être des institutions. Partir dans ce sens signifierait quoi ? Qu'il soit défini des normes pour prétendre être un café associatif ? Nombre de mètres carrés, d'adhérents, de livres, d'animations, chiffre d'affaire ?



Le même site énonce une charte à laquelle adhèrent les cafés associatifs qui veulent le rejoindre. Cette charte déclare que les cafés associatifs reconnaissent la laïcité. Est-ce qu'il faut de ce fait éliminer des contacts possibles les cafés associatifs chrétiens ?



Les cafés associatifs représentent un changement fondamental de la société. Hors du circuit de l'argent des cafés ouvrent et leur seul but premier est la convivialité, l'échange.



Comme je l'ai déjà écrit au début de ce texte, dans l'article « Café associatif » que j'ai créé dans Wikipédia est inclut une liste de 352 cafés associatifs. Pour la dresser j'ai pisté les cafés associatifs sur Internet. Et parcouru brièvement des dizaines de sites ou articles de presse.



Ce qui est remarquable entre autres dans ces cafés est qu'ils se placent spontanément hors de la politique. Ils sont fraternels. Je n'ai trouvé à ce jour qu'un unique café où s'est tenu une réunion politique électorale. Sinon, ils remettent fréquemment en cause certains aspects négatifs de la société, mais sans pour autant se proclamer « de gauche », « de droite », ou favorable à un parti politique précis. Le café associatif est un OVNI dans la société française où on passe souvent le temps à lancer des anathèmes contre telle ou telle fraction politique.



Mis à part les cafés associatifs chrétiens, qui sont proportionnellement très peu nombreux, les cafés associatifs ignorent le fait religieux. Ils sont neutres.



Et ils sont à but non lucratif.



Voici d'emblée éliminés pratiquement totalement les trois grands motifs de disputes dans notre société : l'argent, la religion et la politique.



Il reste à développer et faire sortir de chez eux les cafés associatifs. J'ai proposé au café associatif d'Avranches « Le Ti Boussa » et au café associatif parisien « Le Moulin à café » de se jumeler. J'ai fait une autre proposition à ce dernier café. Il est situé sur la place de la Garenne, place piétonnière. Qu'il invite l'« Underground Café », basé à Beaumont-du-Gâtinais en Seine-et-Marne, à venir lui rendre visite. Ce café est mobile et installé dans un autobus à impériale venu de Londres.



Ce sont là quelques premières idées. D'autres viendront. Commencent des jours passionnants.



Basile, philosophe naïf, Paris le 19 janvier 2018

mardi 9 janvier 2018

883 Jérémiades et lamentations

« Ah ! On n'est pas fait pour vivre seul ! » « Je ne supporte pas le fait de vivre seul ! » « J'ai des soucis d'argent ! » « Je manque d'argent ! » Que de fois j'ai entendu autour de moi gémir ainsi ? Et surtout : quel comportement STUPIDE ET DÉBILE ! Il faut oser le dire !

En effet, il est vrai que se plaindre d'une chose qu'on a, n'a rien de déraisonnable. Par exemple d'avoir un nez trop gros, qu'on juge disgracieux, ou bien un chapeau trop petit, un imperméable trop court qui vous protège mal de la pluie, un dentier qui vous fait mal... Mais se plaindre d'une chose qu'on n'a pas ! Qu'est-ce à dire ?

La chose n'est pas là. On se l'imagine... puis on réalise qu'elle est absente... et alors on gémit.

Mais il y a des millions de choses qu'on n'a pas. On peut par exemple, souvent, à Paris ne pas avoir un logement spacieux. Mais on n'a pas aussi la guerre, la famine, les tsunamis... que d'autres ont chez eux et qu'ils n'ont nullement souhaité.

Quand on se joue la petite comédie de « ce qu'on n'a pas », elle est très orientée, cette petite comédie. Par exemple, je me disais, il y a des années : « je vis seul. Si j'habitais avec quelqu'un, il pourrait s'occuper de moi si je suis malade. » J'ai fini par vivre durant plusieurs années avec quelqu'un. Oui, mais voilà. C'est l'autre qui était malade. Ça a duré pendant des années. Ça lui empoisonnait la vie et la mienne aussi. Et quand cette personne est allé mieux, elle a dit adieu à son garde-malade. Et c'est moi qui ait allé très mal ensuite.

Le discours est toujours à sens unique. La personne qui se sent « seule » croit que celle accompagnée va mieux qu'elle. Il existe une quantité de personnes « en couples » ou « en famille » qui le vivent très mal. Mais la personne qui se sent « seule » ne veut penser qu'à des situations idéales, à ses petits rêves démoralisants.

Si j'ignore ces petits rêves démoralisants, plutôt que me dire : « mon logement est trop petit », je me dis : « j'ai un logement ». plutôt que me dire : « je ne pars pas souvent en vacances », je me dis : « je suis plutôt en bonne santé et tranquille intérieurement ». Le petit cinéma démoralisateur, je le laisse à d'autres qui semblent prendre plaisir à gémir.

Parmi ces gémissements, un très grand classique concerne l'argent. Mais se plaindre de manquer d'argent est ridicule, pourquoi ? Parce que l'argent est pour la plupart des gens une chose bien précise : une forme de rationnement en quelque sorte sacralisé. Pour se justifier, ceux qui rationnent volontairement les autres poussent toujours le grand glapissement rituel : « y a pas d'argent ! »

Mais, tant que l'argent existera, il va forcément manquer à la plupart d'entre nous, puisqu'il s'agit d'un rationnement. Et pour un certain nombre parmi ceux qui n'ont pas le sentiment d'en manquer, existera la peur d'en manquer un jour. Ou d'être approchées par des gens qui en manquent.

Je connais des personnes qui ne manquent de rien, qui évitent d'être trop proches de gens qui ne possèdent pas grand chose Des fois qu'un jour ils viennent leur demander de l'aide, des sous.

Je me souviens avoir vu en vacances des parents s'appliquer à éloigner leurs enfants des enfants d'un modeste artisan du coin où ils étaient en villégiature. Pour éviter des situations jugées par avance embarrassantes. Car, comme j'ai l'habitude de le dire : « un pauvre, c'est plus encombrant et ça consomme plus qu'un poisson rouge. »

Basile, philosophe naïf, Paris le 9 janvier 2018

mardi 2 janvier 2018

882 L'art de se dévaloriser

Ma mère était sculpteur. Mon père a longtemps été artiste peintre. Dans ma famille, mon frère aîné s'est déclaré photographe. Durant des années, à lui les références techniques, le matériel cher et sophistiqué. Moi, de mon côté, j'ai reçu en cadeau un appareil photo quand j'ai eu dix-sept ans. J'ai commencé à photographier. Mais pour moi le photographe de la famille restait mon frère aîné.

Et donc mes photos c'était juste des photos souvenirs, des photos de vacances. Elles ne pouvaient pas avoir d'intérêt artistique puisque le photographe de la famille c'était quelqu'un d'autre que moi.

Sans le réaliser consciemment, je suis resté fidèle à cette manière de ne pas voir les choses durant plus de quarante-neuf ans... Et voilà que, ayant accumulé des photos numériques, je me dis : « c'est dommage qu'elles restent dans un coin. Je vais en mettre une sélection sur un blog... »

C'est ce que je fais le trente décembre dernier. J'en mets en ligne une petite quinzaine et signale l'affaire à une amie. C'est là que, ô surprise, elle me dit que les ayant vues, elle les a trouvé bien. Même que certaines étaient jolies ! Pour la première fois de ma vie je me retrouve avec des compliments s'agissant de mes photos. Ça a débloqué quelque chose en moi. Au bout de deux jours j'ai réalisé que depuis presque cinquante ans, à propos de mes photos, je pratiquais l'art de la dévalorisation. Elles ne pouvaient pas être réussies, puisque le photographe de la famille c'était mon frère aîné.

Ce petit programme parasite installé dans ma tête fonctionnait depuis l'époque de mes dix-sept ans et même avant. Il me répétait : « artistiquement tes photos n'ont aucun intérêt. Elles ne valent absolument rien ». Ce programme, je l'ai débranché aujourd'hui deux janvier deux mil dix-huit.

Je viens de feuilleter quelques centaines de mes photos. Il y en a de très belles que je vais mettre en ligne. Et d'autres aussi, que je trouve simplement intéressantes. Avant, je ne le réalisais pas que des photos à moi étaient belles, vu le verrou intellectuel que je portais dans ma tête.

Les humains sont vraiment étranges. Nous réussissons à nous dévaloriser sans même nous en rendre compte et durant très longtemps.

C'est d'ailleurs un élément fondamental de la société. Des millions de gens se retrouvent gouvernés par une poignée de malins, ni forcément doués, ni forcément méchants. Mais surtout souvent maladroits et incompétents. Et pourquoi ces millions de gens agissent ainsi ? Parce qu'ils se dévalorisent. Et se disent : « nous ne sommes pas des hommes d'état. Les hommes d'état c'est eux, et pas nous. »

Exactement comme moi qui me disait : « le photographe ici c'est mon frère aîné, ce n'est pas moi. »

D'autres se disent : « je ne suis pas un artiste », « je ne sais pas chanter », « je ne suis pas capable de... » On nous apprend bien souvent à nous croire incapable. Combien de gens me disent à l'occasion : « je ne sais pas dessiner. » Alors que tout le monde sait dessiner un peu et peut apprendre. Malheureusement il existe en plus des personnes vaniteuses qui vont les décourager. « Vous ne savez pas » sera leur credo, leur leitmotive, leur slogan préféré. Vous ne savez pas, laissez faire les spécialistes ! Eux, ils savent. Ils savent quoi ? Si peu, bien souvent. Et tout le monde peut apprendre. Si vous vous mettez à dessiner vous ne deviendrez pas forcément Léonard de Vinci, mais vous pourrez déjà vous faire plaisir, faire plaisir aussi à d'autres. Ça en vaut la peine ! C'est exactement ce que je vais faire avec mes photos.

Basile, philosophe naïf, Paris le 2 janvier 2018

lundi 1 janvier 2018

881 Renoncer à l'amour conjugal de facto ou de juro

Tout ne va pas mal dans notre société, très loin de là. Certaines choses vont même très bien. Il existe des familles heureuses et fonctionnant à merveille, des couples amoureux, harmonieux et épanouis. J'en connais. J'en ai rencontré. Ils sont très rares, discrets et extrêmement minoritaires. La plupart des humains font de médiocres voire détestables partenaires de vie. La plupart des femmes ne font pas de bonnes compagnes. La plupart des hommes ne font pas de bons compagnons. Pourquoi ? Je n'en sais rien. Bien des « couples » sont faux et cultivent les apparences. D'autres ne les cultivent même pas. Des familles désunis jouent aussi des fois la comédie de l'harmonie. Enfant, je ne comprenais pas du tout le sens exact de certains propos que j'entendais. Certains des rares visiteurs qui venaient dans notre logement familial s'extasiaient plus d'une fois devant moi, déclarant n'avoir « jamais vu une famille aussi unie. » À peine la porte se refermait derrière eux à leur départ, les disputes familiales reprenaient.

Vivant dans les disputes permanentes, n'allant pas à l'école et n'ayant aucun ami, je ne risquais pas de comprendre le sens des mots « famille unie ». Par la suite, comme beaucoup j'ai cherché à rencontrer quelqu'un pour vivre « l'harmonie du couple ». Comme beaucoup je ne l'ai pas trouvé. Par contre j'ai rencontré plus d'une fois des personnes qui savaient, et comment, profiter de ceux qui recherchent ladite harmonie. Il faut leur échapper. Et pour cela parvenir à s'extirper du carcan des discours démagogiques et savoir regarder la réalité en face. Ce qui nécessite beaucoup de temps et d'efforts. C'est une tâche très difficile que beaucoup ne parviennent pas à réaliser. Ils vivent alors dans les regrets « de ne pas y être arrivé ».

Constater que l'éventualité d'être heureux en amour est des plus hypothétiques, c'est témoigner du réalisme le plus objectif possible. Pour autant il importe de constater que ce caractère hypothétique de l'amour n'est pas le résultat de ce que les humains seraient objectivement tous mauvais. Il en existe des bons, de très bons, même. Mais s'accorder avec un humain est aussi facile que patiner sur la glace très mince d'un lac. Certains y arrivent. La plupart finissent à l'eau.

Si je me dis : « j'exige une vraie qualité de relation. Et constate que c'est autant dire impossible. Occupons-nous plutôt d'autre chose », là ça va. Si je me dis : « les humains sont mauvais. Rien n'est effectivement possible », là ça ne va pas du tout. Car un tel raisonnement revient à nier notre bonté et celle des personnes bonnes, qui existent bel et bien. Et cela est très déprimant. Savoir régler correctement sa pensée est une chose essentielle et délicate.

Il faut renoncer ici à une chose non parce qu'elle est impossible, mais parce qu'elle est pratiquement impossible. Là je conserve un optimisme raisonnable, sans me démoraliser complètement.

Il est excellent de renoncer à l'amour conjugal de facto, vues les circonstances, mais pas de juro. Et ensuite bien nous occuper avec la fraternité, l'amitié, la créativité, la chanson, la fête, la musique et la philosophie.

Et faire nôtre la devise du café associatif d'Avranches, le Ti Boussa : « Le bonheur est la seule chose qui se double quand on la partage ».

Ti Boussa signifie « petit bisou » en arabe marocain.

Sachons apprécier les petits bisous de la vie.

Sans nous perdre en cherchant la perfection.

Basile, philosophe naïf, Paris le 1er janvier 2018

880 Les amateurs et les marchands de peurs

Si quelqu'un a peur de quelque chose et que vous lui dites partager cette peur, quelque part vous le rassurez et lui faites plaisir. Pourquoi ? Parce qu'il se dit : « j'ai bien raison d'avoir peur de cette chose. Je n'ai pas à avoir de honte de ça. Voici quelqu'un qui est proche de moi. Ouf ! Tremblons ensemble ! » Tandis que si, inversement, vous déclarez ne pas avoir peur de ladite chose qui fait peur à l'autre, vous le mettez mal à l'aise. Il pourra se dire : « si j'ai peur de ça et pas lui, c'est que je suis un trouillard. Voici un comportement déshonorant de ma part ! Si j'ai peur et pas lui, ça peut aussi vouloir dire que je ne comprend pas. Je suis un imbécile ! Et celui-là qui n'a pas peur est loin de moi, n'a pas d'empathie pour le trouillard et l'imbécile méprisable que je suis. » Il existe un confort de la peur. Si je déclare : « comme tout le monde je tremble devant l'idée de mourir », je rassure. Si je dis : « je n'ai pas peur de mourir », c'est louche et déstabilisant pour mon auditoire trembleur. Les personnes profondément pieuses et croyants dans un au-delà confortable et rassurant dérangent absolument le matérialiste athée que terrorisé l'idée de mourir. J'ai été matérialiste athée et j'ai effectivement un soir été terrorisé tellement l'idée de ma mort me faisait peur. Aujourd'hui et depuis déjà bien des années je suis devenu croyant et je me fiche des matérialistes fiers de trembler, s'ils me méprisent. Les autres me font pitié.

La peur à laquelle sont attachés tant de gens offre un marché. Le marché de la peur nourrit bien des discoureurs s'adressant à des croyants incertains de leurs croyances. Il y a aussi un marché de la peur via les médias. Ils vendent de la peur aux gogos et à gogo. Et gare à celui qui ne ressent pas la tremblotte réglementaire !

Par exemple, quand arrive le réveillon de Noël ou du Jour de l'an, les médias nous bassinent avec les fantastiques mesures de sécurité concomitantes. Les télés nous fournissent des images de policiers et gendarmes sur le terrain. Il y a des années, le hasard fit que je regardais le programme de télévision du soir du réveillon en compagnie notamment d'un retraité de la police. Arrive le discours médiatique habituel, illustré par un gendarme au clavier de son terminal informatique dans son fourgon. Il est en bras de chemise. On pourrait penser qu'il est vêtu ainsi parce que son véhicule est chauffé. Pas du tout, le retraité de la police, qui connaît bien les uniformes, s'exclame, parlant du gendarme à l'écran : « mais, il est en tenue d'été ! Ce bout de film d'actualités a été tourné en été ! »

Autre marché de la peur marchandisée : les accidents d'avions, d'autocars, les carambolages, etc. Les médias adorent nous faire peur et nous font un pataquès de tous les accidents spectaculaires. Leur bavardage désagréable et stérile après un accident peut durer des semaines. Le public en redemande. Il aime avoir peur. De la peur lui est copieusement servie. Il jouit de sa peur.

Autre domaine de prédilection des marchands de peur médiatisée : les viols et agressions sexuelles en général. Ces temps derniers une quantité énorme d'articles a été consacré à un producteur hollywoodien agresseur de femmes cherchant un rôle au cinéma. Certes, il est juste de dénoncer ces crimes. Mais ne serait-il pas utile également de rappeler que quatre-vingt-dix pour cent des viols sont commis par un familier ou un proche parent de la victime ? Les marchands de peur sont beaucoup plus discrets pour le rappeler. De même ils sont remarquablement discrets pour parler des agressions sexuelles féminines commises sur des garçons. J'en ai subi, enfant, adolescent et adulte... on en parle le moins possible. Le jour où la parole générale sera vraiment libérée, on sera surpris de l'ampleur du phénomène et des dégâts consécutifs.

Parmi les professionnels qui nous arrosent de peur, il y a aussi des politiques qui nous annoncent tous les jours la fin du monde... Pour l'empêcher, est-il urgent d'agir ? Pas du tout, selon eux il est urgent d'attendre souvent plusieurs années les prochaines élections, pour voter pour eux !

Basile, philosophe naïf, Paris le 1er janvier 2018