mardi 9 janvier 2018

883 Jérémiades et lamentations

« Ah ! On n'est pas fait pour vivre seul ! » « Je ne supporte pas le fait de vivre seul ! » « J'ai des soucis d'argent ! » « Je manque d'argent ! » Que de fois j'ai entendu autour de moi gémir ainsi ? Et surtout : quel comportement STUPIDE ET DÉBILE ! Il faut oser le dire !

En effet, il est vrai que se plaindre d'une chose qu'on a, n'a rien de déraisonnable. Par exemple d'avoir un nez trop gros, qu'on juge disgracieux, ou bien un chapeau trop petit, un imperméable trop court qui vous protège mal de la pluie, un dentier qui vous fait mal... Mais se plaindre d'une chose qu'on n'a pas ! Qu'est-ce à dire ?

La chose n'est pas là. On se l'imagine... puis on réalise qu'elle est absente... et alors on gémit.

Mais il y a des millions de choses qu'on n'a pas. On peut par exemple, souvent, à Paris ne pas avoir un logement spacieux. Mais on n'a pas aussi la guerre, la famine, les tsunamis... que d'autres ont chez eux et qu'ils n'ont nullement souhaité.

Quand on se joue la petite comédie de « ce qu'on n'a pas », elle est très orientée, cette petite comédie. Par exemple, je me disais, il y a des années : « je vis seul. Si j'habitais avec quelqu'un, il pourrait s'occuper de moi si je suis malade. » J'ai fini par vivre durant plusieurs années avec quelqu'un. Oui, mais voilà. C'est l'autre qui était malade. Ça a duré pendant des années. Ça lui empoisonnait la vie et la mienne aussi. Et quand cette personne est allé mieux, elle a dit adieu à son garde-malade. Et c'est moi qui ait allé très mal ensuite.

Le discours est toujours à sens unique. La personne qui se sent « seule » croit que celle accompagnée va mieux qu'elle. Il existe une quantité de personnes « en couples » ou « en famille » qui le vivent très mal. Mais la personne qui se sent « seule » ne veut penser qu'à des situations idéales, à ses petits rêves démoralisants.

Si j'ignore ces petits rêves démoralisants, plutôt que me dire : « mon logement est trop petit », je me dis : « j'ai un logement ». plutôt que me dire : « je ne pars pas souvent en vacances », je me dis : « je suis plutôt en bonne santé et tranquille intérieurement ». Le petit cinéma démoralisateur, je le laisse à d'autres qui semblent prendre plaisir à gémir.

Parmi ces gémissements, un très grand classique concerne l'argent. Mais se plaindre de manquer d'argent est ridicule, pourquoi ? Parce que l'argent est pour la plupart des gens une chose bien précise : une forme de rationnement en quelque sorte sacralisé. Pour se justifier, ceux qui rationnent volontairement les autres poussent toujours le grand glapissement rituel : « y a pas d'argent ! »

Mais, tant que l'argent existera, il va forcément manquer à la plupart d'entre nous, puisqu'il s'agit d'un rationnement. Et pour un certain nombre parmi ceux qui n'ont pas le sentiment d'en manquer, existera la peur d'en manquer un jour. Ou d'être approchées par des gens qui en manquent.

Je connais des personnes qui ne manquent de rien, qui évitent d'être trop proches de gens qui ne possèdent pas grand chose Des fois qu'un jour ils viennent leur demander de l'aide, des sous.

Je me souviens avoir vu en vacances des parents s'appliquer à éloigner leurs enfants des enfants d'un modeste artisan du coin où ils étaient en villégiature. Pour éviter des situations jugées par avance embarrassantes. Car, comme j'ai l'habitude de le dire : « un pauvre, c'est plus encombrant et ça consomme plus qu'un poisson rouge. »

Basile, philosophe naïf, Paris le 9 janvier 2018

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