vendredi 13 avril 2018

935 Où va la France ?

« Nous sommes, à n'en pas douter, dans une période prérévolutionnaire, au sens de 1789. Les cadres, et d'une façon plus générale, les classes moyennes, seront demain, comme les bourgeois naguère, les catalyseurs de la révolution. » … « Il y aura de plus en plus de revendications et de moins en moins de moyens capitalistes pour les satisfaire et de moyens policiers pour les endiguer. Une étincelle suffira pour déclencher des mouvements irréparables. » … « S'attaquer à des niches sociales, c'est s'attaquer aux plus démunis en adaptant une terminologie qui donne l'impression qu'il y a là des privilèges exorbitants, ce qui reste à démontrer. »

Ces citations ne sont pas extraites d'un tract revendicatif radical, mais d'un article intitulé : « À quand l'étincelle de la révolution ? » paru le 17 septembre 2008 dans le journal « Le Monde », sous la plume d'un grand patron : Georges Pébereau.

J'ai vécu il y a cinquante ans mai 1968. J'avais dix-sept ans et m'en souviens très bien. Je remarque des analogies évidentes avec 2018 :

Une crise sociale diffuse qui s'étend comme une sorte d'inondation partout. Un sentiment général d'incertitude, inconfort, crainte sociale. On ne compte plus sur « la société » pour parvenir à régler notre sort et celui de nos enfants si nous en avons. Une décrédibilisation des politiques en place qu'on ne prend plus, par delà leurs défauts, au sérieux comme des garants valables de notre tranquillité. Et un ras-le-bol politique vertigineux.

Nos gouvernants, comme toujours en pareil situation, paraissent totalement dépassés par les événements. Ils font penser à un équipage de bateau-mouche qui se trouve subitement confronté à devoir commander un navire dans une tempête en haute mer. Ils ne savent pas comment faire et comprennent de moins en moins la situation.

La politique c'est l'art d'accorder les possibles. Or ils semblent plus attachés à des dogmes économiques qu'à un réalisme qui commanderait de reculer sur certains points. Par exemple, ils entreprennent à la fois une offensive contre les cheminots et contre les étudiants. Susciter le mécontentement simultané de deux puissants opposants n'est ni judicieux, ni prudent.

Pour marquer sa détermination, en plein conflit social, le président entreprend de faire voter très vite la réforme qui fâche les cheminots. Mais il se tire une balle dans le pied en agissant ainsi. Car s'il est obligé de reculer demain, comment fera-t-il ? Il se prive de l'espace derrière lui permettant d'éventuellement faire machine arrière sans perdre trop de plumes. Il veut donner l'impression d'être sûr de gagner. Mais il peut aussi perdre. Et s'il perd il s'ajoute des ennuis supplémentaires.

Autre exemple fâcheux : la reconquête du bocage de Notre-Dame-des-Landes par une véritable armée de deux mille cinq cent militaires. Qui part en campagne contre une poignée de cabanes habitées située dans des bois que personne ne revendique plus depuis l'abandon du projet d'aéroport.

Est-ce là une démonstration de force et d'autorité ? Cette coûteuse opération qui dure plusieurs jours est plutôt une démonstration de faiblesse. Car face à des mobilisations revendicatives plus coriaces et nombreuses tout le monde sait que les moyens officiels sont limités. Contre quelques dizaines réunir deux mille cinq cent, mais contre des millions réunir... des dizaines de millions ? À vouloir démontrer sa force, le président montre son manque de forces. Dans ce cas reste la négociation. Mais il n'en veut pas non plus. Où cela nous mène-t-il ? Ce n'est pas une bonne manière de gérer un pays. Et la France est un très grand pays avec beaucoup de traditions qui peuvent toujours resurgir.

Basile, philosophe naïf mais pas trop, Paris le vendredi 13 avril 2018

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