vendredi 18 mai 2018

995 L'art d'escamoter le débat sur le patriarcat

Un homme commet une ou plusieurs agressions sexuelles. On le condamne à une peine de prison. Voire à l'emprisonnement à vie en cas grave. Et on déclare l'affaire conclue : il s'agissait d'un monstre. On l'a attrapé, neutralisé, puni. Et pour remédier à la répétition de tels crimes, on compte sur la dissuasivité de la peine et à long terme sur « l'éducation » mieux faite des futurs générations d'adultes. Ainsi, sans en avoir l'air, on a simplement escamoté le débat sur le patriarcat.

Quand un homme commet un crime sexuel, on peut certes dire par dégoût que cet homme est « un monstre ». Mais en fait il ne s'agit pas exactement de ça. Il s'agit précisément d'un représentant très classique du monstrueux patriarcat. Ce qui explique qu'il a souvent droit à la plus extrême mansuétude de son entourage. Il n'est pas rare que quand une affaire de crime sexuel éclate, on réalise qu'une quantité de gens était au courant et n'ont rien dit ou fait en réaction. Pourquoi ? Parce que le patriarcat est omniprésent. Il ne reconnaît pas à la femme le statut d'être humain. C'est juste de la terre, un meuble dans la vie des hommes. Peut-on manquer de respect à de la terre ou à un meuble ? Bien sûr que non. Quant à faire évoluer la société avec « l'éducation », c'est également une manière de poser le problème qui n'est pas bonne. Il faut débarrasser la société du patriarcat par des mesures concrétés, telle que l'égalité des salaires pour les hommes et pour les femmes exécutant un même travail, la reconnaissance et la rémunération du travail gestationnel, maternel et domestique et la retraite confortable correspondante, etc. Sinon quelle école pourra prétendre enseigner l'égalité dans une société inégalitaire ?

Sans rire on prétend qu'il existe des droits des femmes. Non, il existe des droits humains communs aux hommes et aux femmes. Droits qu'il importe de mettre à niveau.

Se poser le problème du patriarcat est facile et aisé. Mais poser le problème du patriarcat, c'est-à-dire celui de s'en débarrasser est moins évident pour beaucoup. Pourquoi ? Parce qu'il s'agit d'une structure fondamentale et très ancienne de notre société. La remettre en question amène la crainte de voir s'effondrer tout l'ensemble. Alors on va critiquer mais pas trop. Dire que ce sera réglé après notre mort. Et on va se défier de ceux ou celles qui veulent vraiment changer et sans délai la situation. Critiquer le patriarcat ? Oui. Supprimer le patriarcat ? Pas tout de suite. Tel est de facto la position de nombre de gens y compris de certaines femmes. Pour comprendre leur raisonnement, c'est comme si quelqu'un critique l'argent ou l'état. Si on lui dit : « on va supprimer l'argent » ou « on va supprimer l'état », le critique pourra paniquer. Car il tient aussi à l'argent ou à l'état ne serait-ce que parce qu'il y est habitué. Et s'il aime critiquer, il a quand même peur du changement. Avec le patriarcat c'est pareil. Il y a des personnes qui aiment le critiquer mais ont également peur du changement, quel que soit sa direction apparente. C'est pourquoi des personnes qui sont conscientes de souffrir du patriarcat et critiquent celui-ci n'ont au fond aucune envie qu'il disparaisse. Si ce n'est dans vraiment très longtemps. En résumé : elles préfèrent un inconfort habituel à un changement qui leur fait peur.

La critique si c'est pour briller en société, écrire des articles ou des livres, ça leur convient. Mais si c'est pour changer la vie quotidienne, surtout pas ça ! Tel est leur credo. C'est pourquoi il n'est pas rare de voir des hommes et des femmes qui critiquent le patriarcat, avoir dans leur vie à eux un comportement tout à fait respectueux du patriarcat. En résumé : « faite ce que je dis, ne faite pas ce que je fais. » Il est simple et facile de critiquer la notion de pudeur vestimentaire et déclarer que la nudité n'est pas sexuel. C'est plus dur de sortir tout nu dans la rue. Je caricature à peine ces bavards. Ils pondent des discours et des livres où ils expliquent ce qui ne va pas dans la relation entre les hommes et les femmes dans notre société. Mais sur le plan pratique ils font le contraire de ce qu'ils préconisent. Et ils n'aiment vraiment pas ceux qui veulent réellement que ça change.

Basile philosophe naïf, Paris le 18 mai 2018

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